Margaret Thatcher : l’ascension d’une fille de boutiquier

Le parcours de Margaret Thatcher avant son entrée au Parlement : retour sur une figure emblématique de l’histoire britannique.

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Margaret Thatcher : l’ascension d’une fille de boutiquier

Publié le 8 avril 2023
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Margareth Thatcher
*19 september 1983

Le 8 avril 2013, il y a dix ans, disparaissait Margaret Thatcher.

De nombreux articles publiés sur Contrepoints ont évoqué au fil des ans la figure de celle qui a été un des plus importants Premiers ministres de l’histoire du Royaume-Uni. Mon propos ici sera de mettre en lumière le parcours de la Dame de fer avant son entrée au Parlement.

D’où venait Margaret Thatcher ?

Pourquoi a-t-elle incarné cette « révolution conservatrice » qui remettait au goût du jour un programme libéral bousculant plusieurs décennies de keynésianisme ?

En ces temps où le libéralisme paraît sombrer de nouveau et où l’étatisme triomphe, cela n’est peut-être pas inutile. Je me suis appuyé sur la biographie très détaillée de Jean-Louis Thiériot et publiée en 2007.

 

La fille d’Alfred Roberts

Née dans une triste petite ville des Midlands semblable à tant d’autres, elle est la fille d’Alfred Roberts, un boutiquier qui s’est élevé socialement à la force du poignet. Son grand-père paternel était un petit cordonnier et son grand-père maternel tenait les toilettes de la gare. Bref, les origines sociales de Margaret sont des plus modestes.

Alfred Roberts devait avoir une grande influence sur le devenir de sa fille. D’abord par son activité professionnelle car ce petit négociant actif et efficace est avant tout au service de sa clientèle : « pour s’attacher le chaland, rien de tel que de le dépanner le soir ou le week-end » même si c’est en dehors des heures d’ouverture. L’entreprise privée peut être ainsi davantage au service du public que les « services publics ».

À la différence de nombre de politiques, Maggy, bourreau de travail, savait ce qu’était la valeur de l’argent gagné à la sueur de son front.

 

La parabole des talents

Mais ce père est aussi pasteur méthodiste prêchant dans l’austère église de Finkin Street. Sa fille en gardera un zèle missionnaire qui donnera à ses combats politiques un air de croisade. J’ai eu l’occasion d’écrire sur l’importance du méthodisme, ce courant du protestantisme associé au nom de John Wesley. Cette religion des « marchands prospères » met l’accent sur la « parabole des talents » et la nécessité de travailler dur. Margaret Thatcher est née dans le culte du travail et des devoirs envers soi-même et autrui. On est bien sûr très loin du « droit à la paresse ». En semaine, elle devait porter des colis de nourriture pour les pauvres préparés par sa mère. Une rigoureuse économie régnait au foyer familial où l’on rognait sur tout.

Maggy à 13 ans.

Son père n’a cessé de lui marteler : « Never go with the crowd ». Elle devait y forger ce caractère indépendant lui permettant de tenir tête aux masses et de dire non. Intelligente, précoce et ambitieuse, elle sera le « fils » que son père n’a pu avoir.

Passionné d’histoire et d’économie, ce père autodidacte emprunte chaque semaine deux livres « sérieux » à la bibliothèque municipale pour lui-même et sa fille. En revanche, Beatrice, la mère de Margaret, était la femme au foyer traditionnelle, quelque peu méprisée par sa fille. « Je dois tout, absolument tout à mon père » devait-elle déclarer le 4 mai 1979.

Mais cette austérité finit par peser sur la jeune fille qui découvrait la poésie et devait conserver à portée de main l’Oxford Book of English Verse qu’elle utilisera dans ses discours.

 

Pas de politique sans morale pour Maggy

Alfred Roberts s’était imposé comme un notable de sa petite ville, membre de la chambre de commerce, juge de paix, maire, cumulant les présidences : Rotary, tribunal civil, conseil d’administration de la caisse d’épargne. Politiquement, il était un « libéral à la mode d’antan » admirateur de Stuart Mill devait écrire Margaret Thatcher. « Candidat des contribuables », il gérait les affaires publiques comme les siennes propres. Bref il n’était guère enclin à une politique « sociale » dispendieuse.

Parmi ses lectures des années 1930, Sans patrie ni frontière de Jean Valtin devait particulièrement la marquer : « Ce livre contribua sans nul doute à me faire considérer le nazisme et le communisme comme les deux faces d’une même médaille ». La guerre, qui n’étonna pas sa famille, fut une leçon supplémentaire : « si un peuple chrétien, cultivé et prospère comme le peuple allemand, avait pu tomber sous la domination d’Hitler, la civilisation ne pouvait être considérée comme un acquis définitif… »

Pour Margaret Thatcher, pas de politique sans morale. Le relativisme lui était étranger mais elle aura quelque peu tendance à considérer ses adversaires comme des ennemis.

 

Changer l’image du torysme

Ayant réussi à intégrer Somerville College à Oxford, cette provinciale raide, glaciale et timide s’y montre peu à l’aise. En revanche la politique l’attire mais c’est alors la chasse gardée de ces messieurs. Elle fait donc ses armes à l’Association des étudiants conservateurs qui, sous sa présidence, connait une splendide renaissance. Elle a le souci de changer l’image frivole et vieillotte du torysme alors même que les dirigeants conservateurs semblent prêts à capituler devant le socialisme, dominant dans les esprits.

C’est dans cette période que Margaret Thatcher lit la Route de la servitude d’Hayek, Le Zéro et l’infini de Koestler ou La société ouverte et ses ennemis de Popper. Mais surtout, elle rêve déjà d’entrer au Parlement. Le relèvement de l’indemnité parlementaire et la fin de l’obligation pour les candidats de financer leur campagne électorale permet d’envisager une candidature pour quelqu’un de modeste.

Sa vie professionnelle comme jeune chimiste est tout sauf épanouissante. Prenant en main le club des Jeunes conservateurs de Colchester, Maggy en multiplie les adhérents par dix en un an.

 

Dartford : Margaret devient Thatcher

À 24 ans, elle obtient enfin l’investiture du parti conservateur à Dartford dans le Kent, une circonscription ouvrière ingagnable. Sa première expérience de campagne se révélera néanmoins enrichissante : elle se rend dans les usines, les pubs ou les logements sociaux pour évoquer des sujets concrets comme la nourriture ou le prix des loyers.

Elle adopte des slogans chocs : « Votez à droite pour en mettre à gauche ». Elle se montre si efficace qu’elle grignote un tiers de l’électorat travailliste, sans que cela suffise pour remporter l’élection. Cet échec glorieux lui permet de se représenter en 1951 où elle réduit encore l’écart.

Ces années à Dartford vont également être décisives par sa rencontre avec Denis Thatcher, directeur général d’une PME de peintures et produits chimiques. Divorcé d’une écervelée, ce gentleman distingué, conservateur de la vieille école, cherche une compagne solide. Il va l’épauler dans sa première campagne avant de la demander en mariage. Margaret est désormais Thatcher. Si la passion est absente, l’affection et le respect mutuel donneront une grande solidité au couple. Leur fille parlera d’un « contrat fondé sur des valeurs communes et un tacite laissez-faire ». Denis Thatcher saura à merveille jouer son rôle de « prince consort ».

 

Wake up Women ?

Elle quitte ensuite la chimie pour le barreau, mais le droit ne la passionne pas davantage. Rien ne vaut la politique. N’écrit-elle pas dans le Sunday Graphic un article au titre évocateur : Wake up Women ?. « Les femmes peuvent et doivent jouer un rôle leader dans la création d’une nouvelle ère élisabéthaine… »

Mais peut-elle espérer voir un jour une femme occuper une fonction ministérielle ? Cela paraît relever alors de l’utopie.

Elle n’arrive d’ailleurs pas à obtenir une circonscription : elle est trop jeune, trop inexpérimentée et surtout, elle est une femme. Il lui faut attendre 1958 pour trouver avec Finchley, une circonscription rêvée, banlieue huppée de classes moyennes. Mais le vieux sir John Crowder qui se retire ne veut pas d’une « virago en tailleur » pour lui succéder. Elle doit obtenir de haute lutte l’investiture : son mari l’apprend en lisant un journal entre Johannesburg et Lagos.

Elle ne laissera pas passer sa chance : élue le 8 octobre 1959, elle devait occuper ce siège pendant trente-trois ans sans interruption.

Désormais tout peut commencer.

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  • Thatcher, c’était la rousse qu’on surnommait parfois la petite Roberts !

  • « Fille de boutiquier » c’est une expression méprisante de bourgeois français nostalgique des anciens régimes monarchiques et dictatoriaux.

    • Mépris pour mépris donc. Je connais la phrase dite de Napoléon : L’Angleterre est une nation de boutiquiers.

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