Autriche : l’extrême droite bientôt de retour au pouvoir ?

Le parti d’extrême droite FPÖ en Autriche s’impose à nouveau dans le paysage politique.

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Autriche : l’extrême droite bientôt de retour au pouvoir ?

Publié le 6 avril 2023
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Depuis décembre 2021, l’Autriche est dirigée par un gouvernement de coalition regroupant les conservateurs de l’ÖVP et les écologistes, avec à sa tête le chancelier (Premier ministre) Karl Nehammer (ÖVP). Mais les élections générales qui se tiendront dans un an pourraient bien favoriser le parti d’extrême droite FPÖ, lequel a participé à plusieurs coalitions gouvernementales au cours des 25 dernières années.

Après plusieurs années difficiles, cette formation qui avait défrayé la chronique au début des années 2000 sous la férule du charismatique Jörg Haïder, vient en effet d’obtenir un score très encourageant lors des élections régionales du Land de Niederösterreich (Basse-Autriche), le plus étendu des États fédérés du pays et le deuxième plus peuplé après celui de Vienne : avec près de 24 % des suffrages, soit 9,43 points de plus que lors des élections de 2018, le FPÖ s’est hissé au deuxième rang derrière l’ÖVP (39,93 %) mais devant les sociaux-démocrates du SPÖ (20,65 %).

Aujourd’hui dirigé par Herbert Kickl, ancien ministre de l’Intérieur (2017-2019), le FPÖ ambitionne désormais de ne plus seulement être un « junior partner » de la coalition gouvernementale mais de remporter les prochaines élections et de placer son chef au poste de chancelier, celui-ci exerçant la réalité du pouvoir exécutif dans le pays.

 

Une courte traversée du désert

Depuis l’Affaire Ibiza, qui lui avait coûté sa place au gouvernement en 2019, on pensait le FPÖ moribond.

Une vidéo tournée en cachette en 2017 dans l’île espagnole avait montré Heinz-Christian Strache, alors chef du parti et vice-chancelier, se disant prêt, lors d’une conversation avec une interlocutrice russe, à aligner sa formation sur les intérêts de Moscou en échange de financement. Dans la foulée, Strache avait démissionné mais le chancelier de l’époque, Sebastian Kürz, avait également limogé Herbert Kickl, ministre de l’Intérieur, entraînant le départ du FPÖ du gouvernement.

Le résultat enregistré en Basse-Autriche démontre que le parti demeure une force politique de premier plan dans le pays.

Si ce scrutin a été marqué par le regain du FPÖ, il convient également de noter que l’ÖVP a nettement reculé, perdant une partie significative de ses électeurs précisément au profit du FPÖ. L’autre enseignement que l’on peut tirer de cette élection porte sur le choix de la tête de liste du FPÖ en la personne d’Udo Landbauer, figure montante du parti incarnant son aile la plus dure.

Rappelons que les tenants de l’aile dure ont pour obsession de traiter des questions dites identitaires ou ayant un lien avec la sécurité, l’immigration et le « diktat de l’UE » tandis que les modérés tentent d’élargir les propositions du FPÖ aux domaines économiques, sociétaux ou encore environnementaux. Cette fracture entre les deux lignes existe au sein du FPÖ depuis sa création, même si bien souvent, l’aile dure a pris le dessus sur l’aile modérée.

Landbauer avait déjà fait parler de lui en 2018 puisqu’il s’était retrouvé au cœur d’une affaire politique qui l’avait contraint à renoncer à tous ses mandats et à se mettre en retrait du FPÖ. Il avait à l’époque refusé de désavouer un livre retrouvé dans les locaux d’une organisation étudiante qui faisait l’apologie du nazisme et du Troisième Reich.

Son retour en grâce et son succès en Basse-Autriche soulignent que tant au niveau régional que national, le FPÖ n’est jamais aussi fort d’un point de vue électoral que lorsqu’il tend vers l’aile la plus dure. Une ligne politique plébiscitée par Herbert Kickl.

Kickl, qui ne cache pas ses envies d’être le prochain chancelier autrichien à l’issue des élections de 2024, a d’autres raisons d’être optimiste : un sondage de janvier 2023 place le FPÖ largement en tête, avec 28 % des intentions de vote pour les prochaines législatives, devançant les sociaux-démocrates du SPÖ (24 %) et les conservateurs de l’ÖVP qui ne recueillent que 22 % des voix. Si un sondage reste ce qu’il est et que la vérité politique d’hier ne sera pas forcément celle de demain, nul ne peut contester le fait que le FPÖ revient sur le devant de la scène.

De plus, le sondage évoquait aussi le choix du chancelier. L’actuel chancelier conservateur Karl Nehammer est encore plébiscité par près de 20 % des sondés mais est talonné par Herbert Kickl, qui recueille l’adhésion de 17 % des Autrichiens, loin devant Pamela Rendi-Wagner, la présidente du SPÖ, qui n’obtient que 12 % des intentions de vote.

Au regard de ce sondage, et si l’on se trouve dans la même configuration à l’issue des élections législatives de 2024, on pourrait se diriger vers une nouvelle coalition entre l’ÖVP et le FPÖ. Il reste un an au FPÖ et à Herbert Kickl pour capitaliser sur ce succès obtenu en Basse-Autriche et s’immiscer à nouveau dans le duel entre l’ÖVP et le SPÖ. Ces élections avaient un goût particulier pour le FPÖ dans la mesure où celui-ci devait confirmer son regain observé depuis de longues semaines dans les sondages. Les différentes élections ayant lieu au cours de l’année 2023 seront tout autant primordiales pour permettre au parti d’aborder les élections législatives de 2024 avec une forte dynamique.

 

Des prises de position à rebours du consensus autrichien

Sur plusieurs sujets majeurs, la ligne défendue par le FPÖ se distingue significativement de celle des autres partis autrichiens. Sur des sujets comme l’immigration ou la notion d’identité nationale, le parti semble isolé sur la scène politique nationale, tout comme il l’est au niveau international avec son euroscepticisme constant.

Durant la crise du Covid, le FPÖ s’était érigé contre le souhait du gouvernement autrichien de rendre la vaccination obligatoire, estimant que la vaccination devait émaner d’une volonté personnelle et non d’une décision gouvernementale. Dans les médias, les intervenants du FPÖ s’étaient faits les défenseurs des libertés individuelles en critiquant les différentes mesures mises en place pour endiguer la pandémie et en appelant à manifester contre le confinement, auquel le parti était farouchement opposé.

Dès le début de la guerre en Ukraine, les membres du FPÖ ont plaidé, par la voix d’Herbert Kickl, pour une médiation de l’Autriche entre l’Ukraine et la Russie, rappelant leur attachement à la neutralité autrichienne (pour rappel, la neutralité est inscrite dans la Constitution depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale et le pays n’est par exemple pas membre de l’OTAN). Herbert Kickl profita de ce moment pour insister sur le fait que sanctionner la Russie ne résoudrait pas le conflit et relevait d’une certaine forme de « naïveté politique ». De plus, tout en concédant que les actions russes en Ukraine étaient contraires au droit international, il ne manqua pas de s’interroger sur la volonté de l’OTAN et des États-Unis de « provoquer les Russes ».

En novembre 2022, c’est au tour de la députée Petra Steger, fille de l’ancien dirigeant du FPÖ Norbert Steger (vice-chancelier d’Autriche de 1983 à 1987), de s’insurger contre le soutien de Vienne à Kiev : « Le gouvernement préfère financer la guerre de l’UE et de l’Ukraine plutôt qu’aider les Autrichiens ! » Le FPÖ a également critiqué le voyage du président autrichien Alexander Van der Bellen en Ukraine, Herbert Kickl allant même jusqu’à le qualifier de « Staatsgefährder » (dangereux pour l’État), considérant que cette visite constituait un manquement à la neutralité autrichienne, ce qui, pour lui, était inconcevable. Enfin, le 30 mars, les députés du FPÖ sont démonstrativement sortis du Bundestag au moment où le président ukrainien Volodymyr Zelensky y prononçait un discours.

Cette position a trouvé un prolongement au niveau européen, le FPÖ – qui siège au Parlement européen au sein du groupe Identité et Démocratie, aux côtés de la Lega (Italie), d’Alternative pour l’Allemagne (AfD), de Vlaams Belang (Belgique) ou encore du Parti populaire danois, autant de formations connues pour leur attitude compréhensive à l’égard de Moscou – désapprouvant clairement les décisions de la Commission européenne favorables à Kiev. Citons le député européen FPÖ Harald Vilimsky : « Nous sommes clairement opposés à ce que l’UE s’endette à nouveau pour soutenir l’Ukraine, un pays non membre de l’UE). »

Ces positions du FPÖ concernant la guerre en Ukraine s’expliquent notamment par les liens profonds et anciens qui unissent le parti à la Russie. En 2009, Heinz-Christian Strache, alors président du FPÖ, s’était prononcé en faveur d’une entrée de la Russie au sein de l’UE et plus globalement – sans même reparler de l’affaire Ibiza –, le FPÖ a souvent défendu l’idée d’un rapprochement et d’une plus grande coopération entre l’Autriche et la Russie.

 

Une année décisive

Si bon nombre de ses prises de position sont controversées, tant sur la crise sanitaire que sur le conflit russo-ukrainien, le FPÖ ne semble guère en pâtir au niveau électoral.

Mieux, il pourrait renaître de ses cendres après une période compliquée. La bonne situation actuelle du FPÖ ne serait-elle pas finalement le résultat de la stratégie de la « radicalité » mise en place par son chef ? Après Jörg Haider et Heinz-Christian Strache, Herbert Kickl pourra-t-il être le « messie » tant attendu par son parti et pour la première fois dans l’histoire du FPÖ ravir la chancellerie ?

Au regard du contexte politique en Autriche le FPÖ paraît en bonne position pour au mieux conquérir la chancellerie pour la première fois ou à minima redevenir un partenaire de coalition. Finalement, on pourrait dire que le seul adversaire du FPÖ, c’est le FPÖ lui-même car, si dans l’année qui vient le parti n’est pas secoué par des querelles internes ou un scandale type « Affaire Ibiza », fort est à parier qu’il reviendra au pouvoir…The Conversation

Benjamin Rojtman-Guiraud, Doctorant en Science politique, Université de Lorraine

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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  • Avatar
    jacques lemiere
    6 avril 2023 at 7 h 22 min

    En ce qui me concerne, faire d’extrême droite un sujet??autrement que de le traiter comme une autre facette du groupe illiberal c’est faire une faveur indirecte aux écolos communistes ou autres.. et les étatistes en général…

    Rappeler ce qui ne va pas avec ce PARTI en ce qui concerne les libertés individuelles et les droits humains..en soulignant l’analogie avec les autres partis antilibéraux…est édifiant.

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