Par Bill Wirtz.
Ce week-end, les Allemands se rendront aux urnes. Angela Merkel est certaine d’être réélue comme chancelière. Alors que sa formation politique, la CDU/CSU chrétienne-démocrate, devrait facilement retourner au pouvoir, le parlement allemand devrait toutefois se diversifier – et pas nécessairement dans le bon sens.
Les libéraux-démocrates du FDP et la droite conservatrice de l’AfD franchiraient le seuil de 5 %, nécessaire pour siéger au Bundestag. L’AfD entrerait alors au Parlement fédéral pour la première fois depuis sa création.
Bien que l’arrivée du FDP soit bien accueillie, les sentiments sont mitigés au sujet de l’AfD, un parti qui semblait initialement très prometteur pour beaucoup de libéraux.
L’Alternative für Deutschland a été créée en 2012 par un groupe de conservateurs allemands et d’économistes libéraux classiques qui avaient quitté le mouvement de centre-droit d’Angela Merkel et le parti libéral-démocrate. Leur ligne principale était axée sur l’euroscepticisme.
Opposition à l’Union européenne
Leur campagne alternative restait axée sur une opposition à l’intégration politique croissante de l’UE, à la monnaie commune et à la réglementation du marché intérieur en Allemagne, notamment contre le salaire minimum.
En réalité, certains de ses premiers membres, dont Hans-Olaf Henkel, ancien directeur d’IBM et président de l’Association industrielle allemande BDI, faisaient également partie de la Hayek Society, une organisation libérale classique très connue en Allemagne.
Mais en 2015, le parti fait un virage malheureux. L’un des membres de haut rang de l’AfD, Björn Höcke, co-auteur de la Résolution d’Erfurt, suggère un changement radical de la politique du parti. Selon ce manifeste, l’objectif de l’AfD devrait se recentrer sur la lutte contre “les expériences sociétales des dernières décennies (comme la théorie du genre et le multiculturalisme)”.
Propos controversés
Björn Höcke est connu pour plusieurs prises de position très controversées. Il a affirmé que le judaïsme et le christianisme sont en lutte l’un contre l’autre et a souhaité pour l’Allemagne un « avenir millénaire et prospère » – une référence claire au nazisme.
Sa résolution a engendré des mois de débats au sein du parti. Les idéologues d’extrême droite accusant par ailleurs les modérés pour les mauvaises performances de l’AfD aux élections locales.
Finalement, l’aile anti-immigration de l’AfD s’est affirmée et la résolution d’Erfurt a été adoptée par une majorité écrasante. Le parti nouvellement radicalisé s’est rapidement éloigné de toutes ses références originelles au libéralisme économique.
Protéger les travailleurs
La nouvelle présidente, Frauke Petry, a joué son rôle à la perfection : elle avait par exemple qualifié le salaire minimum de produit du « néo-socialisme » et prônait son abolition au lancement du mouvement. Aujourd’hui, l’AfD défend le smic pour « protéger les travailleurs ».
À l’occasion de participations de l’AfD à des émissions politiques, des militants préoccupés par la Leitkultur allemande (la culture allemande principale) et la façon dont le multiculturalisme la démantèle ont pris la place des professeurs d’économie.
Lors des rassemblements, les discours sur la politique monétaire ont été remplacés par des éloges flamboyants de la grande culture allemande. Les foules dénoncent les Lügenpresse (littéralement les médias mensongers, une autre référence fortement associée à l’époque hitlérienne) et qualifient leur chancelière de traîtresse.
Une version allemande du Front national
De cette façon, la droite patriote abandonne l’approche des membres fondateurs et se transforme en une version allemande du Front national français ou du Parti de la liberté aux Pays-Bas. L’AfD critique peut-être le socialisme, mais le parti est loin d’être libéral.
Il est d’ailleurs très loin du libéralisme de Ludwig Erhard, réformateur de l’après-guerre, qui a libéré les travailleurs allemands des contraintes réglementaires et fiscales qui pesaient sur leurs épaules.
En réalité, l’AfD est principalement obsédée par l’importance de « la protection des valeurs chrétiennes » et de limitation de l’afflux de réfugiés. Même si le manifeste de 2017 indique une intention de « limiter la taille du gouvernement », il défend pourtant des plans d’investissement dans les infrastructures et de fortes réductions d’impôts sans aucune suggestion sur la manière de réduire les dépenses.
Il est plus que probable que dans les dernières semaines de la campagne, l’AfD défende finalement de fortes dépenses publiques financées par l’emprunt – ce qui romprait avec l’orthodoxie libérale.
Les fondateurs libéraux classiques de l’AfD sont partis depuis longtemps, fondant leur propre mouvement. Mais ils devraient plutôt revenir et s’imposer au sein du FDP libéral et pousser son leader Christian Lindner vers plus de libéralisme économique.
Dans tous les cas, ils ne devraient plus tenter de se rapprocher des populistes de l’AfD qui ont jeté aux oubliettes la ligne initiale et ont remplacé la rhétorique en faveur de l’économie de marché par un discours provocateur et nauséabond digne des années 1930.
Cet article est une traduction de An alternative Germany could well do without, publié par CapX.
Cet article a le mérite de démontrer que des invraisemblances, même bien présentées, restent des invraisemblances. Un pot-pourri de possibles ne formant au final qu’un sac de contradictions. Pour cause d’absence de colonne vertébrale politique. La posture libérale ne permet pas tout !