Réformes des retraites : on se trompe d’enjeu !

La réforme des retraites est critiquée pour de mauvaises raisons et elle a été votée pour des raisons pires encore. Seule la capitalisation peut nous faire revenir à la raison.

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Réformes des retraites : on se trompe d’enjeu !

Publié le 28 mars 2023
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Un article de l’Iref-Europe

 

Adoptée le 20 mars, la loi sur les retraites allonge, au rythme de trois mois par an pour les assurés nés après le 1er septembre 1961, de 62 à 64 ans l’âge légal de départ.

Parallèlement, pour bénéficier d’une retraite à taux plein il faudra avoir cotisé au moins 43 ans dès 2027 (la loi Touraine le prévoyait déjà mais à partir de 2035). Pour ceux qui n’auraient pas pu cotiser 43 ans, l’âge de la retraite à taux plein (sans décote) est fixé à 67 ans. Mais ceux qui ont commencé à travailler avant 16 ans pourront partir à 58 ans ; entre 16 et 18 ans à partir de 60 ans, entre 18 et 20 ans à partir de 62 ans, entre 20 et 21 ans à 63 ans.

 

Une contestation spécieuse et périlleuse

Le report à 64 ans de l’âge de départ à la retraite a été considéré comme effroyable alors qu’il ne s’agit que d’une évolution raisonnable de la durée de cotisation par rapport à la durée de pension alors que les actifs sont de moins en moins nombreux et que les retraités le sont de plus en plus. Déjà dans une majorité de pays développés, l’âge de départ est à 65 ans ou au-delà.

Signe des temps, à défaut d’autre aspiration, la retraite est devenue un horizon indépassable pour tous ceux qui, nombreux, vont s’y ennuyer à mourir sans mourir.

Par ailleurs, la contestation s’est focalisée sur les carrières longues qui pourraient être amenées à cotiser jusqu’à 44 ans, voire un peu plus. Mais ce n’est pas anormal. Le nombre d’années de cotisations ne suffit pas à assurer la justice entre les cotisants. Il faut aussi examiner combien d’années de pensions de retraite seront payées à chacun. Il faut un équilibre entre la durée de cotisation et la durée de pension. Celui qui part plus tôt à la retraite en profitera plus longtemps et pour équilibrer sa retraite, il faut donc qu’il cotise plus longtemps.

Mais la réforme des retraites est un prétexte rêvé pour les casseurs désœuvrés. Elle l’est aussi pour les populistes de tout poil, de la Nupes au RN en passant par les Liot et autres infidèles de LR, afin, selon les cas, de mobiliser la rue ou faire carrière. Au demeurant les députés n’ont pas de mandat impératif et leur liberté comme leur grandeur est de voter en conscience, indépendamment de l’opinion. Pourquoi alors, comment, reprocher à ceux qui n’ont pas voté la censure d’aller à l’encontre d’une opinion manipulée ? Il faut par contre condamner fermement ceux qui utilisent la violence physique, morale ou économique contre les élus ou contre les policiers, dans les rues ou par l’usage abusif de la grève. Et il faut les en empêcher. Mais de quoi l’État est-il encore capable ?

 

Jeux de dupes

En réalité, chacun s’est enfermé dans un discours étriqué et erroné. Les opposants à la réforme, partis ou syndicats, ont raconté à tort que le régime des retraites n’était pas en perte alors que le déficit de la branche vieillesse devrait s’établir à 2,5 milliards d’euros en 2023 et s’aggraver ensuite. Et ni le gouvernement ni les parlementaires partisans de la réforme n’ont rappelé que le système de retraite souffre d’un déséquilibre endémique infiniment plus grave, de 119 milliards d’euros en 2021, et récurrent d’année en année, dû aux surcoûts (par rapport à des cotisations équivalentes à celles du privé) des régimes de retraites des fonctionnaires (État, collectivités et hôpitaux), des régimes spéciaux et autres avantages divers. Ces pertes cachées sous forme de contributions ou comptes spéciaux représentent environ 80 % du déficit public de 2023 ou encore presque l’équivalent du produit de la CSG. Mais personne n’ose en parler de peur que les fonctionnaires et autres bénéficiaires des régimes spéciaux considèrent cela comme un outrage.

Certes, le report de l’âge légal à 64 ans d’ici 2030, l’allongement de la durée de cotisation à 43 ans dès 2027, l’âge de la retraite sans décote à 67 ans concerneront aussi les agents publics, fonctionnaires et contractuels, mais le mode de calcul des pensions des fonctionnaires reste inchangé, sur leur traitement des six derniers mois. Pour les 20 % d’agents en catégories dites « actives » et « super-actives » (infirmiers, aides-soignants, policiers, pompiers, surveillants pénitentiaires…), l’âge d’ouverture de leurs droits à retraite est reculé de deux années, mais il sera encore de 59 ans pour les catégories actives et de 54 ans pour les catégories super-actives.

Les principaux régimes spéciaux de retraite (industries électriques et gazières, RATP, clercs de notaire, Banque de France, CESE…) continueront de s’appliquer sauf pour les nouveaux embauchés à partir du 1er septembre 2023, ce qu’on appelle la clause du grand père. C’est-à-dire que les salariés actuels resteront affiliés à leur régime spécial. Et d’autres régimes, très avantageux, ne sont pas concernés par la réforme : marins, Opéra de Paris, Comédie française

La réforme a eu le souci des petites retraites, des accidentés du travail, des victimes de maladies professionnelles ou de ceux qui ont occupé des emplois pénibles mais elle a manqué du courage qui aurait voulu, dans un régime par répartition, qu’en dehors de ces cas particuliers, tous soient traités de la même manière.

 

Une mauvaise réforme

Les partisans de la réforme n’ont pas su la défendre parce que c’est une mauvaise réforme, un emplâtre sur une jambe bois. Elle reste injuste en maintenant des « classes » de privilégiés. Les Républicains n’ont servi, d’amendements en concessions, qu’à en amoindrir les effets sans comprendre que le véritable enjeu était ailleurs, dans le modèle de retraite lui-même. Plutôt que de se battre bêtement sur des détails, ils auraient dû proposer de repenser le système des retraites.

Seule la capitalisation peut remettre durablement les régimes de retraite à l’équilibre. Elle ne pourra être mise en place que progressivement : raison de plus d’en décider rapidement. Elle permettra à terme à tous d’obtenir de meilleures retraites en payant moins de cotisations ainsi qu’en justifie les modèles de capitalisation en vigueur dans près de la moitié des pays de l’OCDE.  Elle permettra à chacun de choisir la date à laquelle il prendra sa retraite : l’État n’aura plus à en décider pour nous. Mais c’est peut-être ce qu’il ne veut pas !

En définitive, l’utilisation du 49.3 n’était pas illégale. La Cinquième République l’a pratiquée cent fois, M. Rocard à 28 reprises. On peut changer la Constitution qui l’a prévue pour permettre à des gouvernements n’ayant qu’une majorité relative de gouverner. Mais il faut alors la modifier par la loi, pas par la rue, quand bien même il faut admettre que le 49.3 a en l’espèce témoigné de la faiblesse de M. Macron et peut légitimement être perçu comme une provocation. Nos politiques ne manquent pas seulement de courage mais aussi de vision et d’intelligence.

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  • C’est ça le problème avec les manifestants… Ils sont les premiers à voter pour ne pas changer le système…

  • La capitalisation est impossible en France. Le moindre milliard capitalisé serait immédiatement distribué à qui criera le plus. Ex : les 25 milliards de la vente des fréquences 4G ont été dilapidées alors qu’ils devaient abonder les retraites.

  • Oui la réforme est légale, ainsi que sa procédure d’adoption (la constitutionnalité est discutable à cause du cavalier législatif dans un PLFRSS).
    Les actions de Louis XVI étaient légales dans leur grande majorité également, la Révolution n’a pas respecté les règles en vigueur et a renversé le Roi, puis a pondu de nouvelles règles à l’initiative de la rue.
    On a quand même un consensus actuel sur les républiques issues de 1789 et insurrections suivantes (1848, 1870) dont notre droit actuel est l’héritage (plus un peu de pétainisme pour les retraites).
    Ma question est donc la suivante : jusqu’à quel point le citoyen doit-il accepter de se soumettre parce que c’est la loi et qu’il a de son côté la démocratie qui l’autorise à voter tous les 5 ans parmi une dizaine de candidats sélectionnés par les élus (avec force sondages manipulés, fraudes de comptes électoraux, inégalités de temps de paroles…) pour mettre un bulletin pour un qui n’est de toute façon pas élu (le clientélisme est tel que vous n’avez jamais le candidat que vous voulez, sauf si vous êtes gagnant net du délire et hypocrite), sachant que celui effectivement élu ne connait pas son propre programme et va se contenter de piquer (plus ou moins légalement) dans la caisse et envoyer des CRS vous ramener au calme si vous n’être pas satisfait ?

    Bref, en quoi se retenir de faire usage de la violence contre élus ou policiers est-elle dans l’intérêt du citoyen aujourd’hui en France ?

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