Électricité : vous avez dit « souveraineté nationale » ?

La souveraineté électrique et industrielle de la France dépend du développement durable de cette quatrième génération de réacteurs surgénérateurs.

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Électricité : vous avez dit « souveraineté nationale » ?

Publié le 26 mars 2023
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Par Jean Fluchère et Michel Gay.

 

Jusqu’à mi-mars 2023 se sont déroulées à l’Assemblée nationale des auditions passionnantes, parfois détonantes ou écœurantes, de hauts responsables politiques, techniques et administratifs sur la perte de souveraineté et d’indépendance énergétique nationale. Le rapport de ces auditions sera rendu public début avril 2023.

Vous avez dit « souveraineté et indépendance nationale » ?

 

Métaux critiques

Pour produire une même quantité d’électricité (un kilowattheure par exemple), une éolienne terrestre a besoin d’environ 40 fois plus de cuivre qu’un réacteur nucléaire EPR.

Pour une éolienne marine, même avec un facteur de charge deux fois supérieur à celui des éoliennes terrestres (ce qui est utopique), ce ratio est encore de 20.

Or, le cuivre fait partie des métaux critiques non disponible en France dont le prix est élevé et son immobilisation dans les éoliennes avec le développement qu’elles connaissent va rapidement poser un problème de ressources.

De plus, les transformateurs et raccordements au réseau interconnecté sont dimensionnés pour faire face à la puissance maximum, hélas rarement atteinte, ce qui conduit à une surconsommation importante de cuivre.

 

L’énergie de l’économie circulaire

En outre, l’économie circulaire a besoin d’énergie pour recycler le cuivre.

Or, les éoliennes sont conçues et construites pour une durée d’exploitation de 20 ans alors que pour un EPR cette durée est de 60 ans… au minimum.

Il faudra donc dépenser quatre fois plus d’énergie pour recycler le cuivre des éoliennes que le cuivre des machines des centrales nucléaires.

Ce genre de calculs est rarement effectué.

 

L’acier à haute perméabilité magnétique

La grande majorité des éoliennes a besoin d’un acier à haute perméabilité magnétique différent de celui utilisé pour les machines de centrales électronucléaires. Il s’agit de tôles à grains dits orientés constitués d’un alliage fer-silicium. Les éoliennes sont donc plus onéreuses en raison de l’énergie supplémentaire dépensée pour leur fabrication.

La France n’a plus de mines de fer et le minerai est désormais importé.

 

Les terres rares

Les éoliennes contiennent (pour la plupart) des aimants permanents dopés avec des terres rares, néodyme et dysprosium.

Or la Chine est le principal producteur de ces terres rares dont l’exploitation minière constitue un désastre écologique.

De plus, il n’existe toujours pas de technique permettant de les extraire du métal ferreux. Le recyclage n’est pas possible, sauf à réemployer ces aimants. Or, les éoliennes sont en évolution permanente (notamment en termes de puissance), ce qui rend leur recyclage difficile, voire impossible.

L’Académie des Technologies a rédigé en 2021 un document relatif à la dépendance géologique intitulé : « Matières premières critiques et évolutions technologiques : cas de l’énergie et de la mobilité au XXIe siècle ».

Elle y indique que :

« Une transition énergétique vers la production d’électricité décarbonée issue des énergies renouvelables nécessitera beaucoup de matières premières minérales (par ex. ciment et granulats) et métalliques. La chaîne complète de la mine aux produits aura un impact en termes d’émission de CO2, de consommation d’eau et conduira à de grandes quantités de résidus miniers ».

Les rédacteurs de ce rapport soulignent aussi :

« La situation d’autres éléments, surtout des matières premières pour les batteries, c’est-à dire le lithium, le nickel et le cobalt, est encore plus préoccupante […] Un point essentiel concerne la cinétique de la transition. En effet, les chaînes de production, de la mine aux produits, sont longues à mettre en place et nécessitent des investissements considérables (l’unité de compte pour une usine ou une mine est de l’ordre d’environ 1 à 10 milliards d’euros). Cet aspect est insuffisamment pris en compte dans les objectifs des politiques publiques et ceux-ci risquent de ne pas être atteints dans les délais annoncés. Il est également devenu vital de mettre en place une politique nationale et européenne pour assurer les disponibilités pour l’ensemble de la chaîne, de l’extraction jusqu’aux sous-produits ».

 

Le minerai d’uranium

L’uranium est relativement abondant sur Terre et il est réparti sur les cinq continents.

La quantité d’uranium naturel actuellement nécessaire au parc nucléaire français est de l’ordre de 6000 tonnes par an, et la France dispose d’environ cinq années de réserve de combustible (contre trois mois pour le pétrole et le gaz). C’est donc une « force tranquille » sans problème géopolitique d’approvisionnement pour le combustible nucléaire uranium.

De plus, lors du retraitement du combustible dont la France maîtrise toutes les étapes du cycle, les matières fissiles (uranium de retraitement et plutonium) sont récupérées. Le plutonium est ensuite mélangé avec de l’uranium appauvri sous forme d’assemblage MOX dans une vingtaine de réacteurs. L’uranium de retraitement peut être aussi réenrichi à l’issue de son recyclage car le pourcentage d’isotope fissile 235 y est plus élevé que dans l’uranium naturel. Ces deux combustibles récupérés lors du retraitement permettent d’économiser de l’uranium naturel.

La France avait développé la filière des réacteurs surgénérateurs Phénix et Superphénix permettant de mieux utiliser le plutonium de retraitement, et surtout d’utiliser l’uranium appauvri comme combustible.

Cette filière a été arrêtée pour de sordides raisons de marchandage électoral par Lionel Jospin en 1997. Elle n’est plus aujourd’hui qu’au stade des études après l’arrêt du projet de réacteur Astrid en 2019 pour d’obscures raisons financières, et aussi par manque de vision stratégique.

 

Vous avez dit souveraineté ?

Le développement progressif d’un parc de réacteurs surgénérateurs de quatrième génération permettrait de valoriser les plus de 350 000 tonnes d’uranium (appauvri ou sous d’autres formes) actuellement stockées en France. Cette filière rendrait le pays électriquement indépendant de l’approvisionnement en uranium naturel et produirait donc moins de déchets miniers.

Or, le réacteur BN 600 russe a démarré en 1980, suivi du BN 800 en 2015, et le BN 1200 est en fonctionnement. La Chine et l’Inde ont pris la décision de se doter chacune d’un prototype de réacteur surgénérateur refroidi au sodium, ce qui était déjà le cas de Phénix et de Superphénix en France il y a… 30 ans !

La France disposait en 1997 d’une avance mondiale dans le domaine de la surgénération avec les réacteurs à neutrons rapides. Elle a depuis régressé.

La souveraineté électrique et industrielle de la France dépend pourtant du développement durable de cette quatrième génération. Elle doit se préparer maintenant pour construire un nucléaire véritablement durable au-delà de 2050 afin d’améliorer son indépendance et sa souveraineté parce que l’électricité est appelée à devenir l’énergie de base, remplaçant d’ici 2050 gaz, charbon et pétrole.

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  • M. Macron, digne successeur de M. Hollande, s’est lourdement trompé en décidant (et en commençant à mettre en oeuvre) l’arrêt et, à plus long terme, le démantèlement de réacteurs nucléaires patiemment et chèrement construits avec les impôts des Français, mettant sérieusement en péril la souveraineté énergétique de la France. Le voilà, flanqué de sa macronie déclinante, en train de continuer sur cette même voie en lançant la France dans cette folle aventure technique et financière de l’énergie éolienne et de l’énergie photovoltaïque. Ou bien il est inconscient de sa « folie », ou bien, à l’inverse, il sait très bien ce qu’il fait mettant minutieusement en acte ce qui lui est dicté par d’autres puissances étrangères.

    • Avatar
      jacques lemiere
      26 mars 2023 at 8 h 57 min

      le fantasme de la france « vassale »..non ..
      pas dicté, marchandé!!!!!
      dès qu’un politique met la main sur un secteur il l’utilise il choisit qui il sacrifie et combien pour un avantage…electoral.. pensez airbus contre boing, rétorsion. négociations..et compromis.. politique agricole..
      on négocie avec la chine des transfert d’indutries ..on ne les subit pas.. la chine triche monétairement ( au détriment des salaires des ouvriers chinois) ..mais avec notre accord..
      pareil avec l’électrcité…
      la Grèce aussi se dit victime…de l’ue..

      c’est erroné, autant que le concept de « notre argent » ou notre « interet ».. il ya des grecs qui y perdent d’autres y gagnent..
      comme en France..

    • Il sait très bien ce qu’il fait, ça ne lui est dicté par personne sinon lui-même, ça répond logiquement à son unique objectif qui est le pouvoir. Aujourd’hui, cet objectif est compromis, mais il n’est pas du genre à changer de stratégie et continuera à se reposer sur sa personne et son image plutôt qu’à chercher à s’appuyer sur des résultats. Hélas, on ne peut pas lui donner tort : les peuples faiseurs de rois ne s’attachent qu’aux images et se moquent des résultats.

    • Pour moi, il ne s’est pas trompé, il trahit les francais

  • Toutes ces informations techniques, aussi pertinentes soient-elles, n’ont aucune chance de convaincre ce gouvernement de tocards.
    Macron est incapable de tirer le moindre enseignement des erreurs passées, les siennes et celles des autres, et son indécision l’empêche de choisir une voie plutôt qu’une autre.

  • Globalement, quel que soit le sujet : énergie, économie, biologie , les dirigeants qui se réclament du « progressisme », nient les réalités. Il me semble qu’à une époque certains les appelaient les « intellectuels de gauche ». Ceux-ci construisaient des théories avec des concepts fumeux, certainement sous l’influence de « philosophes » tel que Bruno Latour qui a essayé de psychanalyser les sciences dites dures, en détruisant aux yeux du grand public les fondement de ces sciences. Nous subissons cette influence qui a été accentuée sous la pression écolo, elle aussi influencée par James Lovelock (qui a « oublié » ou a mal assimilé les principes de la thermodynamique) , créateur du mythe de Gaïa . Toutes ces renoncements irrationnels nous conduisent droit dans le mur, en croyant à une transition énergétique qui sera plus énergivore comme le décrit Mr. Gay et aussi plus coûteuse financièrement. La peur de certains alimentée par le courant malthusien ne fait qu’amplifier ces phénomènes. Le concept d’énergie renouvelable n’existe pas en physique, c’est seulement un truc d’écolos croyants à la protection de Gaïa…. Sur terre, la vie est basée sur la chimie du carbone, alors s’attaquer à cet élément, c’est s’attaquer à la vie en général. En ce qui concerne les énergies , nous en sommes toujours à l’âge du feu, c’est à dire à des combustions (oxydations), toujours améliorées, les balbutiements pour aller chercher l’énergie au coeur des atomes est la seule rupture technologique, qui fait encore peur, mais qui nécessite une exploration plus poussée. Nous n’avons pas fini de découvrir les transmutations qui devront être maitrisées à l’avenir. C’est une question de volonté et de nécessité.

    • Nanard, vous avez tout à fait raison!
      « Le concept d’énergie renouvelable n’existe pas en physique, »
      Si l’on considère l’énergie solaire, eh bien le soleil aussi aura une fin!
      Les énergies dites « renouvelables » éolien ou solaire sont difficiles à capter, concentrer et stocker ( mises à part l’hydroélectricité et la bio masse) et on peut même estimer dans cette optique que les énergies fossiles sont aussi renouvelables puisque c’est de la biomasse transformée au cours de millions d’années! Il suffit donc d’être patient!

      • Oui, il ne nous reste plus qu’à exploiter l’énergie contenue au coeur de la matière, puisque l’énergie obtenue par la périphérie (combustion, c’est à dire: combinaisons atomiques par liaisons électroniques ou covalence etc..) est peut-être limitée en quantité. Et là on dit: merci Mr Fermi et les autres qui ont mis en évidence le potentiel de l’énergie dite atomique. En particulier Mr. Einsten pour l’équivalence masse/énergie. En terme de densité énergétique le facteur de progression est de l’ordre de 100…. C’est bien évidement à consommer non pas avec modération, mais avec la prudence qui s’impose.

    •  » les balbutiements pour aller chercher l’énergie au coeur des atomes est la seule rupture technologique, »
      Oui, sauf que comme à l’ère du feu, la rupture s’arrête à la production de chaleur, sa transformation en énergie utilisable faisant toujours appel à la machine à vapeur ( turbines des centrales nucléaires)! Le gaspillage d’énergie sous forme de chaleur perdue n’a pas changé les règles de la thermodynamique, la prochaine rupture technologique devra s’appliquer à la conversion directe nucléaire vers électricité, et ça c’est pas gagné!

      • qui sait ? imaginons une fission sous fort champ magnétique ??? avec un « filtre » à particules (à définir) car souvenons nous de la règle des trois doigts pour faire simple (le pouce pour le courant, l’index pour le champ magnétique et le majeur pour la force j’ai oublié si c’est Laplace ou Lorentz, je vieilli mal). La chaleur n’est « qu’une agitation » électronique, l’électricité, un flux de ces mêmes électrons (enfin une propagation), alors faut voir, mais il faut aussi développer des réacteurs expérimentaux comme ITER pour confirmer ce genre d’hypothèse farfelue….

        • Dans la fission l’energie vient des neutrons, qui ne sont pas chargés. Une conversion directe n’est pas possible. Il faut des émetteurs alpha, et en couches fines ou gazeux.
          La fusion D+T de ITER, c’est de même, chauffage par neutrons. La fusion de He3 permettrait une conversion directe, mais c’est beaucoup plus dur et il n’y en a (presque) pas sur Terre.
          Et de toute façon, c’est le chauffage qui est le plus gros poste d’énergie, donc la cogénération réglerait toutes ces questions, inutiles de contourner Carnot…

  • Aucune vision à long terme, aucune écoute des industriel et spécialistes d’un domaine, ils ne savent que mettre d’improbables rustines sur les catastrophes et pénuries qu’ils déclenchent. La -prochaine sera l’effondrement de l’offre de locations déclenchées par l’interdiction de louer ou de vendre tout logement n’obeissant pas à la doxa énergétique, aggravée par la paupérisation des petits propriétaires qui n’ont plus les moyens de rénover leur logement, vu qu’on les aura obligés à acheter une voiture électrique hors de prix, qu’ils n’auront pas les moyens de recharger. Au fait pourquoi isoler à marche forcée tous les logements puisque c’est scientifiquement prouvé, on va crever de chaud d’ici 2 ans ou moins, et que de toutes façons c’est foutu?

  • Je ne vois pas très bien comment on va sauver Gaïa en produisant de l’ énergie avec plus de ressources en matières premières et en énergie pour produire molns d’ électricité. En quoi ces énergies vertes peuvent être qualifiées de vertes puisque ce qui les produit n’ est pas recyclable (éoliennes, panneaux solaires, etc.)? Où est passé le principe économique de comparer les offres et leurs coûts? Au nom de la croyance à un monde fixe incapable d’ évoluer et de s’ adapter pour sa survie?

    • Et là vous avez tout compris de la folie écolo : faire moins bien pour un objectif discutable.

    • @TarteOcitronVert:
      Je croyais que l’énergie verte par excellence était la photosynthèse solaire qui consomme le CO2 pour renouveler la verdure qui entretien toute la vie terrestre, y compris la nôtre. On oublie que nos forêts et cultures prolifèrent grâce à la combustion des hydrocarbures proportionnelle à la population à nourrir💡.
      Attention, quand ça va refroidir, sans hydrocarbures nous crèverons de faim, même les écolos!

  • La France n’est pas maîtresse de son destin donc pleurnicher sur le sort de son industrie n’a aucun sens. Comme pour tout, elle suit les ordres. Quand elle ne les suit pas les représailles arrivent très rapidement… L’epr n’a aucune raison d’être alors que la filiaire des surgerateurs était pratiquement opérationnelle. En aucun cas là France, l’UE ne doit dépasser son maitre !

  • Je ne m’en lasse pas.
    Il nous vendrait des bagnoles qu’on aurait droit à un comparatif précis sur la taille des cendriers !

    -3
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