Nucléaire : à l’origine était Superphénix, puis vint le déclin avec Jospin

L’abandon de Superphénix fut plus qu’une erreur technique, humaine et financière, ce fut une faute grave contre la France.

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Nucléaire : à l’origine était Superphénix, puis vint le déclin avec Jospin

Publié le 26 novembre 2022
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Un article de Conflits

L’origine de la décision politique de l’arrêt définitif du réacteur nucléaire surgénérateur Superphénix par le gouvernement de Lionel Jospin le 2 février 1998 s’apparente au fameux « effet papillon » : le battement de l’aile d’un papillon au Brésil peut aboutir à la formation d’un cyclone au Texas ou en Indonésie. Le résultat de cette décision annoncée (elle figurait dans son programme pour se faire élire avec les voix des Verts) fut un désastre technique (abandon d’une filière d’avenir), humain (pertes de compétences) et financier (pertes de milliards d’euros).

Pour illustrer l’impuissance de l’homme à prédire le comportement des systèmes complexes, le mathématicien Lorentz avait pris l’exemple des phénomènes météorologiques en disant qu’il « suffisait du battement de l’aile d’un papillon au Brésil pour aboutir dix jours plus tard à la formation d’un cyclone quelque part en Indonésie » (Georges Charpak et Rolland Omnès dans Soyez savants, devenez prophètes).

 

Le battement d’aile du papillon 

Ainsi, un incident mineur (le battement d’aile du papillon) dans la centrale de Superphénix le 3 juillet 1990 fut à l’origine d’un incroyable enchaînement de crises « administratives » entièrement créées par un nombre réduit d’acteurs antinucléaires. Ces derniers ont su habilement exploiter les recours juridiques et l’émotion populaire pour finalement aboutir à la fermeture de cette centrale en 1998.

Au mois de juin 1990, ce réacteur fonctionnait normalement à 90 % de sa puissance nominale lorsque des mesures de surveillance montrent une lente oxydation du sodium du réacteur. Ce défaut détecté reste toutefois largement inférieur aux limites admissibles spécifiées par les critères de sûreté.

Il est cependant décidé d’arrêter momentanément le réacteur le 3 juillet 1998 afin d’en déterminer l’origine. Elle se révèlera être une petite membrane en néoprène (quelques centimètres de diamètre) dans le compresseur d’un circuit auxiliaire qui, déchirée, laisse entrer un peu d’air.

 

Ce sera « le battement d’aile du papillon »

Une membrane en néoprène…

Cette membrane sera le prétexte saisi qui conduira de fil en aiguille à la fermeture du réacteur Superphénix huit ans plus tard à cause d’un mélange de malveillances d’opposants et de lâchetés politiques.

La tourmente judiciaire et une volonté politique du gouvernement Jospin pour conserver les rênes du pouvoir avec l’appui des Verts (Dominique Voynet) conduira à tuer (assassiner ?) cette formidable réalisation commune de la France, de l’Italie et de l’Allemagne.

Injustement discrédité par les médias, ce remarquable réacteur, alors unique au monde, sera finalement sacrifié sur l’autel de l’éphémère « majorité plurielle » arrivée au pouvoir en juin 1997 avec Lionel Jospin comme Premier ministre. Il était cent fois plus efficace et économe en combustible uranium que les réacteurs « classiques » précédents.

L’année précédente (1996), la centrale électrique Superphénix, dont la mise au point était terminée, avait eu un excellent taux de disponibilité (96 % de temps de fonctionnement dans l’année).

L’investissement était totalement réalisé et le combustible déjà fabriqué était encore capable de produire 30 milliards de kWh (30 TWh). Il ne restait donc plus qu’à recueillir le fruit de tous les efforts humains et financiers consentis depuis 10 ans en exploitant cette source de richesses.

Superphénix aurait pu participer « en même temps » et à peu de frais à la recherche sur la transmutation des déchets radioactifs de haute activité et à longue durée prévue par la loi de décembre 1991.

 

Une faute majeure

Près de 25 ans plus tard, la triple faute de Lionel Jospin (qui s’en défend) apparaît au grand jour :

1) Une faute scientifique et technologique qui a entraîné la perte d’un capital humain considérable de savoir et d’expérience. Et ce n’est pas l’abandon du projet de démonstrateur de réacteur surgénérateur de quatrième génération ASTRID en janvier 2020 par le président Macron qui va améliorer les compétences françaises dans ce domaine.

2) Une faute économique et une gabegie financière (plusieurs milliards d’euros) dont ni la centrale, ni ses concepteurs, ni son exploitant ne portent la responsabilité. Cette décision politique a conduit au démantèlement des installations de recherche et à la dissolution du tissu industriel spécifique dédiés à cette technologie des réacteurs surgénérateurs dits « à neutrons rapides » (RNR).

3) Une faute sur le plan de l’emploi et de la production massive pilotable et durable d’une électricité pour le soutien de l’industrie.

Le réacteur RNR Phénix (qui avait précédé Superphénix) a été mis en service en 1973 et exploité pendant 36 ans jusqu’en février 2010 pour acquérir une expérience destinée à compléter les connaissances sur la filière des réacteurs à neutrons rapides (RNR) au sodium.

Mais à qui serviront ces connaissances si aucun réacteur de ce type n’est construit avant le départ en retraite et le décès de tous ces ingénieurs et techniciens ?

 

Comment a-t-on pu en arriver là ?

Les raisons de la décision de Lionel Jospin de fermeture définitive de Superphénix annoncée le 2 février 1998 se trouvent dans une réponse étonnante au député Michel Terrot le 9 mars 1998.

Il y est reconnu que : « Superphénix représente une technologie très riche, développée par des personnels particulièrement motivés et performants qui ont montré que la France savait mettre au point des équipements technologiques innovants de très haut niveau […] Il faudra tirer profit de l’expérience accumulée et poursuivre les recherches dans le domaine des réacteurs à neutrons rapides pour l’avenir à plus long terme ».

De qui se moque-t-on ?

Cette réponse surréaliste n’aide pas à comprendre le cheminement intellectuel des auteurs de ce vibrant hommage à Superphénix qui les conduit à cette terrifiante conclusion : puisque cette « technologie très riche » est remarquable, il faut l’abandonner et perdre l’expérience de ces « personnels particulièrement motivés et performants ».

Et en même temps, malgré cet arrêt, « tirer profit de l’expérience accumulée », et surtout « poursuivre les recherches dans le domaine des réacteurs à neutrons rapides pour l’avenir à plus long terme ».

Quelle hypocrisie !

Ce prétendu hommage en forme d’oraison funèbre sonne faux. Il est d’autant plus insoutenable qu’il émane des tueurs eux-mêmes dont le magazine Le Point dresse une liste non exhaustive le 26 octobre 2022.

 

Aucune vision à long terme

Quelle inconséquence vis-à-vis de l’avenir de la France et quelle perte pour la recherche et la technologie !

L’abandon de Superphénix fut plus qu’une erreur technique, humaine et financière, ce fut une faute grave contre la France, ce dont personne ne semble aujourd’hui responsable devant les Français pourtant favorables à 75 % à l’énergie nucléaire !

La France continuera longtemps encore à payer le prix de cette trahison nationale alors que nos concurrents progressent dans la voie des RNR de quatrième génération (États-Unis, Russie, Chine, Inde).

En 2005, l’Inde a entrepris la construction d’un réacteur à neutrons rapides du même type que Superphénix… avec l’aide de techniciens français, tandis que déjà 5 RNR fonctionnent ou sont sur le point de démarrer dans le monde (Russie, Chine, Inde).

En France, avec le rendez-vous manqué du démonstrateur Astrid et la future quatrième génération de réacteurs nucléaires, nos enfants assisteront peut-être au-delà de 2050 au développement d’un nouveau Phénix ou d’un Superphénix renaissant de leurs cendres… Mais ils seront construits par les Américains, les Russes, les Indiens ou… les Chinois dont les Français seront, avec un peu de chance, les sous-traitants, alors qu’ils avaient 20 ans d’avance il y a 25 ans.

Décidément, la France manque cruellement d’hommes politiques dignes de ce nom ayant une vision claire et à long terme de l’intérêt général car malheureusement les successeurs de Jospin, animés aussi par leur soif du pouvoir, n’ont pas fait mieux.

Sur le web

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  • C’est à pleurer. Les socialistes qui n’ont jamais eu de vraie majorité en France ont toujours été prêts à toutes les compromissions pour accéder au pouvoir. Et malheureusement ils ont réussi et n’ont pas hésité à détruire progressivement la France pour leurs ambitions personnelles. C’est sûr que pour que les socialistes soient élus, il faut que les Français soit pauvres et au chômage, donc toutes les mesures qu’ils prennent vont dans ce sens. Si il y avait le plein emploi, et que les Français n’avait pas du mal à faire leurs fins de mois, les socialistes n’auraient aucune chance d’être élus. Et ce n’est en aucun cas, ce qui peut arriver dans un régime socialiste.

  • On a vraiment eu toute une génération de dirigeants…. Jospin, l’homme de l’île de ré, quel horrible personnage. M’enfin il y a encore ses sosies au pouvoir alors le phénix n’aura pas d’autres vies.

  • Jospin voulait être élu à la présidentielle de 2002 (on a vu le résultat, lamentable)
    Il avait besoin pour cela dès le premier tour des voix écolos (quelques pourcents, mais tout ce joue à qq pourcents)
    D’où l’arrêt Cochet de 2001 ouvrant la voie aux éoliennes et l’abandon de Super phénix
    En d’autres termes cet(te stupide élection présidentielle aura coulé la France
    et elle la coule un peu plus tous les 5 ans

  • Encore merci, Mr. Michel Gay, malheureusement l’obscurantisme sévit toujours.

  • De Gaulle disait: « Les français sont des veaux »
    Il avait sans doute raison vu la taille du cerveau des veaux, et donc il avait compris que les français ne réfléchissent pas et sont prêts à gober toutes les belles promesses que savent habilement faire les socialistes!
    Conclusion: les français votent en majorité socialiste, s’appauvrissent, et plus ils sont pauvres, plus ils votent socialiste!
    Comme disait John GALT dans « La Gréve » d’Ayn Rand: « Vous vous êtes battus pour ce monde, vous l’avez rêvé, vous l’avez voulu. Et moi j’ai fait en sorte qu’il devienne réalité! J’ai arrêté de moteur de votre monde, je l’ai privé de ces cerveaux!
    Pour un texte écrit en 1957, il colle parfaitement à l’état du monde aujourd’hui et celui de la France en particulier!

  • Que dire tant c’est désespérant, frustrant, décourageant, stupide ! J’en ai les larmes aux yeux tant ça me navre.

  • J’ajoute: surtout Michel Gay, continuez à écrire vos articles car il faut que beaucoup de gens vous lisent pour qu’ils puissent enfin ouvrir les yeux et voir la réalité. Merci mille fois.

  • J’ai eu la chance durant 15 ans de faire partie de ses équipes hautement spécialisés qui ont fait les beaux jours du RNR sur Super Phénix et Phénix.
    Et pour enfoncer encore un peu plus monsieur Jospin et Madame Voinet sur leurs incompétences, sur le sujet climatique, il faut savoir et ça personne n’a jamais su que super Phénix avait un projet EFR European Fast Reactor, qui permettait de le transformer de surgénérateur en sous générateur et de brûler des déchets actinides mineurs.
    Il serait donc devenu un réacteur écologique.
    Avec seulement quelques aménagements et en recombinant la physique du cœur.
    Cela aurait permis de brûler tout le Pu excédentaire.
    Et j’observe que Monsieur Macron avec le projet Astrid n’a pas fait mieux.
    Finalement les gouvernements se succèdent avec une incompétence notoire.

  • Oui c’est désolant pour la France, ce n’est malheureusement pas un cas unique, que de temps, que d’argent perdu, on peut citer:
    + La filière automobile avec une production annuelle sur notre territoire passée de
    3 550 000 en 1979, 3 350 000 en 2005, 2 230 000 en 2019 et seulement
    1 400 000 n 2021
    + TGV Alsthom, inventeur du train à grande vitesse, après avoir « offert » sa technologie s’est fait largement dépassé par la Chine.
    + Industrie, où sa part dans le PIB est passé de 23% en 2000 à moins de 10% en 2022.
    + Agriculture après avoir été un des tous premiers exportateur agricole nous nous sommes fait dépassé par l’Allemagne et les Pays Bas!
    Le seul secteur où nous sommes champion du Monde c’est la « production de loi sociales »

  • Bonjour Michel,
    Le crime n’est à mon sens pas d’avoir ordonné la fermeture de Superphénix et l’arrêt d’Astrid, c’est bien d’avoir politiquement tué la recherche sur le nucléaire dans son ensemble. Même quand on est un défenseur de l’énergie nucléaire, on peut reconnaître que la technologie utilisée par ces réacteurs était extrêmement dangereuse. Mettre des quantité astronomiques de sodium liquide au voisinage d’eau pressurisée n’était l’idée du siècle. En revanche, mettre à mort toute la recherche sur la surgénération est bien le crime de l’administration française. D’autres technologies sont disponibles (plomb fondus, sels fondus, etc…) ou auraient pu être découvertes en poursuivant les recherches. Des expérimentations sont d’ailleurs en cours dans d’autres pays. Certes, l’excellente performance du caloporteur sodium liquide était une tentation séduisante mais un pari très risqué.

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