Macron, la réforme des retraites et les rachats d’actions

Afin de faire passer la pilule de la réforme des retraites, il est donc proposé de lier les rachats d’actions à l’intéressement des salariés. Mais pourquoi viser seulement les rachats d’actions ?

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Macron, la réforme des retraites et les rachats d’actions

Publié le 24 mars 2023
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Lors de son interview télévisée du 22 mars 2023, qui portait essentiellement sur la réforme des retraites, le président Emmanuel Macron a dénoncé le « cynisme » de certaines grandes entreprises qui ayant dégagé d’importants bénéfices exceptionnels leur permettent de racheter leurs propres actions en Bourse.

C’est ainsi qu’il a fait part de son intention de demander au gouvernement de travailler à une « contribution exceptionnelle » sur les « profits exceptionnels d’entreprises » faisant des rachats d’actions de façon à ce que ces sommes « puissent profiter » aux travailleurs. On ignore si une telle déclaration suffira à éteindre la colère sociale déclenchée par le report de l’âge légal de la retraite de 62 à 64 ans. On peut en douter car il est peu probable que le mécanisme des rachats d’actions soit bien compris par tous les Français.

Tout au plus, ils penseront que le président de la République veut taxer les superprofits.

De son côté le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire a expliqué au Sénat :

« Nous voulons que les entreprises qui font du rachat d’actions contribuent davantage à la meilleure rémunération des salariés ».

Plus précisément, selon le ministre de l’Économie :

« Nous voulons donc les obliger à distribuer plus d’intéressement, plus de participation, plus de primes défiscalisées lorsqu’elles font du rachat d’actions. […] Nous pourrions envisager par exemple un doublement des sommes versées au titre de la participation, de l’intéressement ou des primes défiscalisées, pour toutes les grandes entreprises qui font du rachat d’actions ».

Les sociétés ciblées étant celles de plus de 5000 salariés. Ce dispositif ferait l’objet d’une « proposition aux partenaires sociaux pour qu’ils négocient » sur ce mécanisme.

Bruno Le Maire connait bien le sujet des dividendes. Il s’était distingué pendant la crise liée au covid en interdisant aux entreprises ayant bénéficié des aides de l’État de distribuer des dividendes à leurs actionnaires. La France avait été le seul pays de l’OCDE à prendre une telle mesure. C’est dire notre singularité ! Aujourd’hui, avec la réforme des retraites et afin de faire passer la pilule auprès des Français, il est donc proposé de lier les rachats d’actions à l’intéressement des salariés. Pourquoi pas ? Mais pourquoi viser seulement les rachats d’actions ? Pourquoi pas également viser les dividendes ?

 

Des actionnaires trop gâtés ?

En 2022, les actionnaires ont reçu 80,2 milliards d’euros sous forme de dividendes et de rachats d’actions : 56,7 milliards d’euros en dividendes et 23,7 milliards d’euros sous forme de rachats d’actions. Ces sommes peuvent paraître élevées en valeur absolue mais rapportées à la capitalisation boursière des entreprises, elles représentent un rendement moyen de 3,9 % qui est dans la norme habituelle (3,8 % sur les dix dernières années). Et elles ne sont pas exceptionnelles par rapport aux autres pays.

Mais est-ce que ces sommes sont comparables aux montants des sommes versées au titre de la participation ou de l’intéressement des salariés ? La réponse est non, car si les sommes versées au titre de la participation ou de l’intéressement enrichissent les salariés, il n’en va pas de même pour les dividendes et les rachats d’actions.

 

Les dividendes et les rachats d’actions n’enrichissent pas les actionnaires

Le dividende n’est pas le salaire de l’actionnaire. Lors du détachement du coupon, l’action baisse, toutes choses étant égales par ailleurs, du montant du dividende. En d’autres termes, c’est l’actionnaire qui finance ses propres dividendes. En fait, et cela est bien expliqué par la théorie financière, le paiement du dividende ne fait que modifier la composition du portefeuille de l’actionnaire : la valeur de son portefeuille d’actions baisse du montant des coupons reçus et sa trésorerie augmente d’autant.

Il n’y a donc pas d’enrichissement net pour les actionnaires contrairement à la prime versée par l’entreprise à ses salariés et qui constitue un véritable gain. Comme le retrait d’euros au distributeur de billets ne rend pas plus riche le titulaire du compte, le dividende ne rend pas plus riche l’actionnaire.

Par ailleurs, limiter la rémunération des actionnaires aux seuls dividendes est fort contestable puisque cela revient à ignorer ses gains (ou ses pertes) en capital.

 

Les rachats d’actions ne font pas monter le cours des actions

Pour certains observateurs, en réduisant le nombre d’actions en circulation, cette pratique (dite relutive) augmenterait la valeur des actions du fait de l’augmentation mécanique du bénéfice par action (BPA). Cela est bien évidement erroné car on ne crée pas de la valeur en réduisant les actifs de l’entreprise. Le rachat d’actions, qui est une opération strictement inverse à l’augmentation de capital en numéraire, ne constitue pas un enrichissement net pour les actionnaires.

Si c’était le cas, il faudrait considérer que l’augmentation de capital représente une opération destructrice de valeur pour les actionnaires. Bien sûr, il n’en est rien : contre un apport de cash, les actionnaires reçoivent de nouvelles actions. Dans le cas du rachat d’action, c’est l’inverse, l’actionnaire reçoit du cash en échange des titres apportés.

Le rachat d’action va ainsi permettre de transférer du cash prélevé sur la trésorerie de l’entreprise à ses actionnaires mais ne va pas les enrichir car la capitalisation de l’entreprise va s’ajuster en conséquence. Ce serait trop beau si en plus de recevoir du cash les actionnaires voyaient la valeur de leurs actions augmenter.

 

Le cash distribué aux actionnaires limiterait le développement de l’entreprise

Une autre critique adressée aux dividendes est que ceux-ci constituent un prélèvement risquant d’obérer la croissance de l’entreprise en limitant ses possibilités d’investissements. Or, ce n’est pas vérifié empiriquement.

Les sociétés qui ont les résultats les plus solides sont généralement les plus généreuses. Autrement dit, il n’y a pas de relation entre rétention du résultat et capacité bénéficiaire. Contrairement à la croyance commune, une entreprise qui distribue beaucoup à ses actionnaires n’a pas moins de ressources à investir pour créer de la valeur. En général, les deux vont de pair. Par ailleurs, une entreprise qui a besoin de cash pour investir pourra toujours s’adresser à ses actionnaires, surtout si ceux-ci sont satisfaits de son management.

Le rachat d’actions peut aussi se justifier si l’entreprise, n’ayant pas d’opportunité d’investissement rentables, préfère rendre le capital à ses actionnaires qui pourront alors le réemployer dans d’autres firmes ayant besoin de capitaux, notamment des start-up.

Au total, les dividendes et les rachats d’action constituent des moyens de réallocation du capital dans l’économie, des outils de gestion financière des entreprises, et non un enrichissement net des actionnaires au détriment de l’entreprise. Alors pourquoi, sauf par idéologie, les taxer davantage ?

 

Article mis à jour le 24/03/23 à 10h03.

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  • Merci pour ces rappels salutaires. Il faut le répéter et le répéter encore. Le dividende, comme le rachat d’action n’est pas une source de revenus pour l’actionnaire. Il possède quelque chose (une action ou une fraction de cette action qu’on appelle un coupon) et ce quelque chose est transformé en liquidités. Une peu comme si je revendais ma voiture. Oui je touche des sous mais je ne me suis pas enrichi pour autant.

  • Une entreprise distribue un dividende lorsqu’elle considère que les opportunités d’investissement qui s’offre à elle sont d’un rendement inférieur à celui moyen du marché. Il est donc logique de redistribuer cet argent aux actionnaires.
    Une entreprise rachète ses actions lorsqu’elle considère que ses performances futures vont s’ajuster à la baisse, et qu’il faut ainsi compenser cette dépréciation en diminuant le nombre d’actions (l’inverse est vrai en cas d’expansion).
    Les forts dividendes évoquent une conjecture maussade pour les entreprises françaises. Les rachats d’actions évoquent eux une récession.
    Alors oui les salariés vont en profiter, par des licenciements par exemple! Ne vaut il pas mieux être dans une entreprise qui ne cesse de croître et qui a donc sans cesse besoin d’augmentation de capitaux (et qui serait une perte de valeur pour BLM?!).

    • Une entreprise distribue des dividendes lorsqu’elle souhaite que les actionnaires ne soient pas obligés de vendre une partie de leurs titres pour réallouer la fructification de leur épargne, soit à la consommation, soit plus souvent à sa diversification. En pratique, la capitalisation boursière globale s’accroît sur le long terme d’une masse équivalente à celle des dividendes distribués, ce qui montre que ces dividendes sont majoritairement réinvestis.
      Les rachats d’actions ne correspondent nullement à un ajustement en fonction des performances futures, mais à des considérations parfaitement accessoires sur la valeur individuelle de l’action, sur le flottant, sur la répartition des voix en AG, etc.

  • Le dividende étant une restitution à l’actionnaire donc le retrait d’une part de son capital pourquoi dès lors le taxer ? (30% actuellement et jusqu’à 45% + contribution complémentaire précédemment cf.son camarade LR N. Sarkozy)

    • Parce que ça permet de prendre l’argent de ceux qui en ont pour le donner à ceux qui n’en ont pas.

    • « pourquoi dès lors le taxer ? »
      Mais parce que le fisc détourne tout ce qui bouge (en plus de ce qui ne bouge pas).

    • Pour le coup, cela correspond à un retrait, et les placements sont typiquement taxés lors des retraits, ce qui est raisonnable car c’est seulement à ce moment là que l’on peut profiter de son argent.
      L’impôt sur les sociétés par contre a lieu avant, et ne porte pas sur un retrait d’argent. Il pourrait être avantageusement remplacé par l’impot sur dividendes et plus values, et cela éviterait l’évasion fiscale des entreprises (mais pas la fuite des français vers d’autres pays…).
      Autre point, la CSG sur ces dividendes devrait compter pour la retraite, ou être supprimée, car elle s’apparente à une pure taxe nullement « sociale ».

      -1
      • Lorsque l’épargne ou tout autre investissement est réalisé avec de l’argent qui a subi l’impôt, il est inique de le taxer à nouveau à la sortie. C’est juste l’application de la loi du plus fort, qu’on appellerait racket si c’était n’importe qui d’autre que l’Etat qui s’y livrait.
        Quant à imaginer que les entreprises peuvent vivre dans un pays où ceux qui y investissent sont surtaxés, et où elles sont de fait transformées en trayeuses sous-traitantes de l’Etat, c’est une vision au degré zéro, qui ne diffère en rien du « si ça bouge, je taxe ».

  • Dividendes et rachats d’action sont quasi équivalents, sauf distorsion induite par la fiscalité. Il me semble qu’il serait bien plus clair de tout distribuer en dividendes. Mais cela ne ferait pas l’affaire des dirigeants de société ayant des bonus indexés sur le cours de bourse (tant qu’à indexer, ce serait moins pervers d’indexer sur la capitalisation totale qui est inchangée par rachat d’actions).
    On est en pleine démagogie en faisant semblant de ne pas voir que la répartition de valeur ajoutés en France (dividende vs masse salariale et redistribution) n’a rien de scandaleux et évolue plutôt en faveur du travail.
    Et enfin, il ne faut pas oublier que les dividendes permettent de réorienter les revenus des entreprises arrivées à maturité vers des entreprises ayant besoin de capitaux pour se développer.

    • La répartition de valeur ajoutée qui évolue en faveur du travail, c’est bien le problème quand beaucoup d’électeurs souhaiteraient qu’elle évolue en faveur de la paresse.

  • Faut pas qu’une entreprise rachète ses actions. Pourquoi l’État rachète-t-il les action d’EDF ?
    Sacré Manu, il sait parler aux sans dents et leurs raconter n’importe quoi.
    Et ils gobent, ils gobent…

  • Quand une entreprise rachète ses actions pour les détruire la valeur du capital ne change pas, mais divisée par moins d’actions, la valeur de celles-ci montent. Cela fait l’affaire des managers qui ont quelques centaines de milliers (voir millions) de stock-options et qui peuvent ainsi toucher un bon bonus. Cela arrange les salariés qui peuvent aussi avoir quelques stock-options en guise de prime…
    https://www.challenges.fr/economie/rachat-d-actions-une-operation-financiere-qui-s-inscrit-dans-une-doctrine-economique_845287
    Les actionnaires voient leur capital théorique augmenter, ainsi que les dividendes futurs qui se doivent d’être proportionnel au cours de l’action. Quand aux salariés, ils serrent la ceinture…
    https://lejustenecessaire.wordpress.com/2022/12/21/la-boulimie-financiere/

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