Impôt minimum mondial : un moyen de contrôle au service des États

Les seuls gagnants ne seront-ils pas les technocraties nationales et internationales ?

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Impôt minimum mondial : un moyen de contrôle au service des États

Publié le 21 mars 2023
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Un article de l’Iref-Europe

 

En réponse à l’appel du G20, les membres de l’OCDE et du G20 ont développé ce qu’ils ont appelé le Cadre inclusif OCDE/G20 qui rassemble près de 140 pays et juridictions pour collaborer à la mise en œuvre des mesures issues du Projet BEPS destiné à lutter contre l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices, c’est-à-dire contre l’évitement ou la fraude fiscale.

En octobre 2021, ledit Cadre inclusif a fait adopter des dispositions reposant sur deux piliers.

  • Un pilier 1 visant à réallouer 25 % des bénéfices des grandes entreprises à l’imposition des pays où se trouvent leurs clients.
  • Un pilier 2 correspondant à un système coordonné de règles globales anti-érosion de la base d’imposition (GloBE) pour que les grandes entreprises multinationales paient un niveau minimum d’impôt de 15 %.

 

Le pilier 1 patine et ne verra peut-être jamais le jour, du moins en l’état, mais le pilier 2 avance à marche forcée.

Il est prévu que les juridictions soient libres d’adopter les règles GloBE, mais que si elles le font, elles s’engagent à les mettre en œuvre et à les administrer selon les règles édictées par l’OCDE. Celles-ci ont été approuvées et diffusées par le Cadre inclusif le 20 décembre 2021, puis commentées en mars 2022 avec vocation à être transposées dans le droit interne de chaque juridiction pour que les grands groupes d’entreprises multinationales (EMN) soient soumis à un taux minimum effectif d’imposition de 15 % sur tout bénéfice excédentaire généré dans chacune des juridictions où ils exercent des activités. Des instructions administratives adaptées ont été approuvées par le Cadre inclusif sur le BEPS le 1er février 2023.

 

L’UE surfe sur ces réglementations

L’Union européenne en a profité pour abonder sa propre réglementation.

Dès décembre 2021, elle a publié un projet de directive de 79 pages, validée par le Conseil européen en décembre 2022 pour être appliquée en 2024, à l’effet de définir les EMN qui seront contraintes de déclarer les comptes de toutes leurs entités et recalculer leur ratio d’imposition pour s’assurer que chaque entité paye au moins 15 % d’impôt et le cas échéant réaffecter l’impôt complémentaire aux juridictions sur la base de facteurs spécifiques : la valeur comptable des actifs corporels dans la juridiction et le nombre d’employés dans la juridiction.

Les règles, qui prévoient, arbitrairement, les conditions dans lesquelles doit être calculé le chiffre minimum de 750 millions de chiffre d’affaires pour être assujetti à ce dispositif, représentent un nouveau maquis coûteux pour ces entreprises.

L’UE ne cesse de s’arroger des prérogatives fiscales qui en principe devraient rester du ressort des États membres. Elle utilise le prétexte de l’évasion fiscale, de la numérisation, de la concurrence… pour se saisir du sujet : directive de 2018 sur l’échange automatique et obligatoire d’informations fiscales, directive anti-évasion fiscale (ATAD 1) de 2016, puis ATAD 2 sur les véhicules hybrides, listes des juridictions fiscales non coopératives, adoption en 2021 d’une communication sur la fiscalité des entreprises pour le XXIe siècle qui présente des projets sur un cadre pour la fiscalité des entreprises dans l’UE, un « bouquet fiscal de l’UE à horizon 2050 », puis le projet de directive ATAD 3 dévoilé le 22 décembre 2021 qui stigmatise les sociétés holdings, un nouveau paquet adopté le 23 février 2022, dit « Ajustement à l’objectif 55 », visant à normaliser certains comportements en faveur de l’écologie et contenant également une taxe environnementale… L’Union cherche à instituer des dispositifs ayant des effets extra-territoriaux afin de pouvoir contrôler tous ses ressortissants économiques.

 

Une réforme coûteuse

Les dirigeants politiques des pays du monde entier ont accepté le pilier 2 par conformisme et sous la pression des pays dominants. Ils l’ont fait aussi par espoir d’en retirer un produit fiscal conséquent. L’OCDE a chiffré que le deuxième pilier pourrait rapporter chaque année 220 milliards de dollars, soit 9 % des recettes mondiales provenant de l’impôt sur les sociétés. Mais ce chiffrage n’est pas justifié. Ces mesures auront sans doute des effets négatifs qui ne sont pas pris en compte.

Déjà une trentaine de grandes entreprises françaises, avec le soutien du MEDEF, de l’Afep et de la Fédération bancaire française, « s’alarment », disent Les Échos, de la quantité et du type d’informations qui devront être fournies dans les déclarations envoyées aux administrations. Ils expriment aussi leurs « vives inquiétudes » quant à la protection des données économiques « sensibles ». Les obligations déclaratives risquent de coûter cher, y compris à des entreprises non concernées.

En Suisse, où les règles de l’OCDE pourraient être adoptées après une votation qui aura lieu le 18 juin 2023 pour changer la Constitution à cet effet, le Département fédéral des finances s’inquiète :

« Les incidences financières d’une imposition minimale sont incertaines. […]  La Suisse perdra de son attrait fiscal […]. Cela pourrait inciter les entreprises à quitter le territoire helvétique ou à ne pas s’y installer, ce qui se traduirait par des diminutions de recettes dans le domaine de la fiscalité des entreprises et dans d’autres domaines. La réforme restreindra aussi un peu la concurrence fiscale à l’intérieur même de la Suisse […] La réforme fera en outre croître la charge administrative des entreprises et des autorités ».

Ce qui peut être vrai pour la Suisse peut l’être aussi pour d’autres pays. Les seuls gagnants ne seront-ils pas les technocraties nationales et internationales ?

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  • Tout ça pour installer encore plus de moulins à vent inutiles et pour entretenir des écolos staliniens.
    Mais l’histoire se répétera : le stalinisme est voué à s’effondrer un jour ou l’autre.

  • Tout ça pour installer encore plus de moulins à vent inutiles et pour entretenir des écolos staliniens.
    Mais l’histoire se répétera : le stalinisme est voué à s’effondrer un jour ou l’autre.

  • Normal, les perdants veulent toujours interdire la concurrence.

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