Livret A et financement du nucléaire : l’arbitraire de l’épargne administrée

Ce ne sont pas les besoins du financement de l’économie qui décident, via les marchés, de l’affectation du livret A, c’est l’arbitraire étatique à tous les niveaux.

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Livret A et financement du nucléaire : l’arbitraire de l’épargne administrée

Publié le 12 février 2023
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Ce n’est qu’une piste, envisagée par le gouvernement, face aux projets d’investissements massifs dans le nucléaire (les EPR). Quoi de plus tentant que de songer aux milliards du livret A, cette épargne préférée des Français étant en pleine forme ? Même si ce n’est qu’une hypothèse à l’étude parmi d’autres elle révèle la vraie nature du livret A et de l’épargne administrée, l’arbitraire à tous les niveaux.

Les Français aiment bien le livret A. Il est maintenant disponible dans les banques et pas seulement à la Banque postale ou à la Caisse d’épargne, il est exonéré d’impôts sur le revenu. C’est une forme très liquide d’épargne disponible à tout moment. Certes il est plafonné à 22 950 euros, ce qui en fait justement une forme d’épargne populaire pouvant attirer tout le monde ou presque : 55 millions de Français possèdent un livret A. Son succès ne se dément pas : 33,49 milliards de plus en 2022, pour atteindre un record de 375 milliards. De quoi attirer bien des convoitises. Mais ce ne sont pas les besoins du financement de l’économie qui décident, via les marchés, de l’affectation de cette somme. Avec le livret A, c’est l’arbitraire étatique à tous les niveaux.

 

Arbitraire de la rémunération

Il y a d’abord l’arbitraire de sa rémunération.

Certes, il existe une formule officielle qui a évolué dans le temps, mêlant moyenne du taux d’inflation et des taux d’intérêt monétaire à court terme. À partir de là, le gouverneur de la Banque de France fait une proposition de taux au ministre de l’Économie, qui peut déroger à ce calcul en cas « de circonstances exceptionnelles ». Bien que très rarement appliquée cette formule est arbitraire.

Le résultat est que le taux du livret A est en général bien en dessous de celui de l’inflation. L’épargnant est ainsi perdant puisque l’intérêt ne couvre pas la hausse des prix : en termes de pouvoir d’achat réel, la somme placée perd de la valeur. Jusqu’en février 2022, le taux était de 0,5 % ; il est alors passé à 1 %, puis à 2 % en août 2022 et enfin à 3 % au 1er février 2023. L’épargnant peut se satisfaire de cette augmentation mais avec une inflation de 6 %, force est de constater que son épargne a perdu 3 % de sa valeur.

 

Arbitraire de l’affectation

Pour l’essentiel, les sommes déposées dans les livrets A servent à financer le logement social via la Caisse des dépôts.

Telle a été la volonté tout aussi arbitraire des pouvoirs publics : cette épargne ne va pas être investie dans les priorités du moment, en fonction des besoins en financement de l’investissement mais selon la volonté des pouvoirs publics vers le financement du logement social. On peut considérer qu’il s’agit d’une priorité, mais investir dans l’économie pour créer des emplois peut l’être aussi y compris sur le plan social. Ce choix explique aussi pourquoi le gouvernement est toujours réticent face à une augmentation éventuelle de la rémunération du livret A, puisque cela rend plus onéreux le financement du logement social.

En pratique, il existe d’autres utilisations moins importantes quantitativement. Ainsi, lors du plan de relance de 2020, une partie de la collecte du livret A a été utilisée essentiellement pour des prêts aux collectivités locales mais pas uniquement les infrastructures des collectivités publiques. Il peut s’agir de prêts aux PME, voire du microcrédit ; ou encore des investissements sur les marchés financiers, en actions, en obligations et en particulier en emprunts d’État pour financemer la dette publique.

 

La présomption fatale

On nous explique que tout cela est très codifié (mais les règles sont elles aussi arbitraires), en fonction de « l’intérêt général » défini par la Caisse des dépôts, c’est-à-dire des hauts fonctionnaires et du gouvernement.

C’est là que face aux besoins colossaux du financement du nucléaire (plus de 50 milliards pour les six EPR prévus), a germé cette idée de ponction sur les énormes sommes issues du livret A puisque EDF ne peut assumer seule cette dépense. On s’empresse d’expliquer que ce n’est qu’une piste à l’étude parmi d’autres et que rien n’est décidé. Mais c’est très révélateur de ce qui se passe avec l’argent du livret A et donc des épargnants.

On pourrait se réjouir d’assister à une diversification de cette utilisation qui ne se limiterait pas au logement social car il y a tant de choses utiles à financer. Mais pourquoi le nucléaire ou tel autre usage possible ? C’est là que l’on retrouve le problème de fond : l’arbitraire des décisions publiques, qu’elles émanent directement de l’État ou de son bras financier, la Caisse des dépôts. C’est tout le drame de l’épargne administrée : la présomption fatale des hommes politiques ou de leurs représentants, qui pensent savoir mieux que les agents décentralisés ce qui est bon pour l’économie. Laissons les ménages, les entreprises, les banques, en vertu du principe de subsidiarité, décider des bons placements. Si EDF, le nucléaire, les collectivités publiques ou le logement social ont besoin de financements, ils les trouveront, à condition d’en payer le vrai prix, au lieu de se financer arbitrairement et à bon compte sur le dos de l’épargnant.

 

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  • L’état n’a plus d’argent. S’il emprunte encore sur les marchés, la dette déjà colossales va faire peur aux prêteurs qui vont demander des taux plus élevés. L’état est en faillite. Il n’a plus que le bas de laine des français pour trouver de l’argent pas cher. Alors piochons dans la poche des français : c’est de la dette interne. Elle ne se voit pas à l’extérieur. Et l’état pourra même décider sans conséquences de ne pas rembourser : c’est ce que nous chante Mélenchon lorsqu’il nous dit qu’il eut annuler unilatéralement la dette française. Il semble que cette musique ait suivi son chemin dans la tête de nos politiciens.

  • Et si les pseudo producteurs alternatifs mettaient la main au pot pour se payer leur cota semi gratuit. Ça doit représenter quelques tranches de nucléaire ! Total énergie par exemple pourraient nous payer quelques centrales avec leurs bénéfices monstrueux.

    -1
    • @Baby foot
      Bonjour,
      Total n’a rien à nous payer. Les benefices de Total sont ceux de Total.
      Par contre, Total pourrait effectivement se lancer dans la production electrique nucleaire. Un peu de concurrence à EDF lui ferait du bien. On verrait à quel groupe les epargnants prefereraient donner leur argent.

  • Je ne vois aucun inconvénient à ce que l’épargne du livret A soit utilisée pour le financement de l’indépendance énergétique de la France (tout le temps cependant que ce ne soit pas pour le photovoltaïque et l’éolien qui, au contraire, selon le cas, rendent la France dépendante soit des USA soit de l’Allemagne). Je ne vois aucun inconvénient non plus qu’elle ne finance plus les logements sociaux qui commencent à trop aller à l’hébergement des immigrants, faisant d’elle un vrai « tonneau de Danaïde » qui épuise les forces de la France jusqu’à exsanguination .

    • À partir du moment où il y a financement du photovoltaïque+éolien+nucléaire, personne ne sait ce que va financer le livret A. Car sans photovoltaïque+éolien, nul besoin du livret A pour financer le nucléaire.

  • « EDF ne peut assumer seule cette dépense. »
    La faute à qui si ce n’est aux mêmes qui pensent à piocher dans les epargnes ?

  • rien n’oblige l’epargnant à placer ses economies dans le livret A, donc si on ne veut pas que son patrimoine soit géré par des incompetents on prend son destin en main, bon en France on a tellement asservi la population par la propagande………

  • Je suis en désaccord avec cette analyse. L’épargne du Livret A bénéficie d’une exonération d’impôt sur les intérêt et donne à l’Etat le droit de l’affecter à des secteurs d’avenir porteurs d’emplois. C’est le cas du nucléaire.
    Quant à ceux qui parlent du déficit d’EDF, ils devraient regarder de plus près ce que l’Etat fait faire à EDF. EDF porte une partie du déficit engendré par les largesses de l’Etat.

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