Quand les bibliothèques municipales versent dans l’idéologie

Si des bibliothécaires souhaitent véhiculer leurs choix de société par l’intermédiaire de lectures et d’animations, qu’ils le fassent dans un cadre privé.

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Quand les bibliothèques municipales versent dans l’idéologie

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 3 février 2023
- A +

Dans le cadre du mois de la petite enfance organisé par la mairie écologiste de Bordeaux jusqu’au 11 février prochain, la bibliothèque municipale Mériadeck offre un grand nombre d’animations sur le thème de l’égalité filles-garçons. Parmi elles, un atelier maquillage destiné aux enfants à partir de 18 mois provoque la polémique : il est animé par Serge, un drag queen, autrement dit un homme ostensiblement travesti en femme. Tous les parents ne voient pas d’un bon œil le fait que leurs très jeunes enfants soient exposés à une sexualité aussi assumée et « spectaculaire ».

La mairie de Bordeaux se défend : « Ces artistes savent s’adapter à leur public. On veut juste montrer qu’on peut faire les choses parce qu’on a envie de les faire et pas en fonction des stéréotypes. » L’idée est en effet de proposer aux enfants de se maquiller, à l’instar de Serge, quel que soit leur sexe.

 

Une question de contexte

Que les petits garçons aient la possibilité de se maquiller comme les petites filles n’est pas choquant en soi ; s’ils en ont envie, pourquoi les en empêcher ?

L’initiative devient critiquable si on la replace dans son contexte : un atelier sur l’égalité des sexes. L’égalité passe-t-elle par la transformation ? Les individus sont-ils plus égaux lorsqu’ils se ressemblent ? Faut-il gommer les différences pour disposer des mêmes droits, des mêmes devoirs, des mêmes possibilités ? Le personnel de la bibliothèque présuppose que l’on ne respecte que ce que l’on a expérimenté soi-même. Un garçon n’ayant jamais souligné son regard d’un trait de kohl ne peut-il pas comprendre et respecter les femmes ? Étrange tout de même…

Par ailleurs, on sait bien que la majorité des enfants n’aiment pas être exposés à la sexualité des adultes.

Qu’un mini-couple totalisant huit ans à deux joue à « touche-pipi » ou s’embrasse sur la bouche ne signifie pas qu’il a envie de comprendre la sexualité des adultes qui l’entourent. Les enfants vont à leur rythme. Il faut leur laisser le temps d’explorer. C’est aussi à cela que servent les livres : les petits lecteurs s’en saisissent, les feuillettent et les referment lorsque les textes ou illustrations les mettent mal à l’aise. Comment peuvent-ils échapper à une animation devant laquelle ils sont placés par des adultes dont on peut se demander au passage quelle est la motivation profonde…

Cet atelier n’étant pas proposé dans le cadre scolaire, rien n’oblige les parents bordelais à y inscrire leurs enfants.

Mettons donc de côté pour un moment les questions psychologiques et éducatives pour nous intéresser à quelques considérations financières : avec ses 27 000 m2, la bibliothèque Mériadeck est l’une des plus grandes bibliothèques municipales de France. Elle doit son nom au prince cardinal de Rohan, Ferdinand Maximilien Meriadec, archevêque de Bordeaux, qui offrit des terres à la ville. Elle dépense plus de 11 millions d’euros chaque année pour des recettes de 66 000 euros… Chaque Bordelais contribue donc à hauteur de plus de 40 euros par an au fonctionnement de cette bibliothèque. Cela représente plus de 200 euros pour une famille de 5 personnes… Partir du principe que toutes les familles bordelaises sont d’accord de consacrer cette somme à des choix culturels aussi marqués me semble pour le moins risqué et malhonnête.

Au grand dam des idéologues de tout poil, l’écrasante majorité des parents souhaitent que leurs enfants aient accès aux œuvres classiques. Ils sentent bien que l’édification se fait par la lecture des contes de fées, des fables de La Fontaine et des nouvelles de Maupassant, non par des ateliers verts, égalitaires et citoyens. On risque de les pousser à l’exaspération comme dans l’État du Montana aux États-Unis où l’on projette d’interdire les « lectures drag » dans les bibliothèques recevant de l’argent public.

 

L’argent public ne doit servir aucun Dieu

Je ne vis pas à Bordeaux mais j’ai arrêté de fréquenter la bibliothèque de ma ville lorsque j’ai compris qu’on avait envoyé Shakespeare croupir à la cave pour le remplacer par un rayon enfants « cote 300 – Vivre ensemble » comprenant notamment : Je ferme le robinet ; J’ai deux papas qui s’aiment ; Amin sans papiers ; Voyage au pays du recyclage. Si des bibliothécaires souhaitent véhiculer leurs choix de société par l’intermédiaire des lectures et animations, qu’ils le fassent dans un cadre privé. Chacun choisira alors de payer pour un catalogue féministe, écologiste ou cancel-culturiste. L’argent public ne doit servir aucun Dieu.

Il reste la question du happening : une bibliothèque n’est pas une salle de spectacle !

Elle est un lieu de concentration. Comment entrer dans les langues de Montaigne, de Montesquieu ou de Mauriac, pour ne prendre que les « 3 M » bordelais, en étant cerné par des ateliers maquillage, papier mâché ou frissons ?

Georges Bernanos écrivait :

« On ne comprend absolument rien à la civilisation moderne si l’on n’admet pas tout d’abord qu’elle est une conspiration universelle contre toute espèce de vie intérieure ».

Les bibliothécaires ont finalement rejoint la conspiration. Ils sont recrutés davantage pour leurs capacités d’animateurs que pour leur culture littéraire ou leur érudition. Internet regorge de ressources pour « monter des animations lecture ». Pourtant, la lecture est le contraire de l’animation.

Tiens, il faudrait inventer des lieux qui mettraient de beaux et grands livres à disposition d’un public à la recherche de calme, d’intériorité, de profondeur et de distanciation…

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  • Parce que les société n (ont pas que des lois mais aussi des normes sociales..et que s’en écarter est courageux parfois souhaitable.. mais difficile…voire socialement risqué.
    Le libéralisme vous garantit juste d’etre défendu..si on vous empêche d’exercer votre liberté..ça ne vous garantit pas que vous serez populaire voire accepté..que vous trouverez un travail.. etc..

    En gros.. un parent peut conseiller à sa fille de ne pas porter de mini jupe à certains endroits..

    -3
    • pardon..en citant « s’ils en ont envie, pourquoi les en empêcher ? »

      parce que les parents éduquent..et donc ne laissent pas les enfants toujours faire ce qu’ils ont envie..
      éduquer son enfant dans l’idée que le genre n’est pas lié au sexe..que c’est une opinion . devant la quelle le monde entier doit se plier..

      en gros on se comporte face à un pénis ou un vagin de la même façon..mais violemment différemment en face d’une personne qui se dit d’un genre donné..

      et donc;.un jour que votre petite fille voit un pénis dans les toilettes pour femmes.. et rien à dire sinon transphobie..

      empêcher, non.. dire que la vie en société est plus facile dans la normalité.

      -3
  • Déjà, un écolo devrait combattre le maquillage. Au nom de l’égalité homme/femme, ces dernières ne devraient pas se maquiller et être fières de leurs rides et de leurs teints blafards tellement naturels et qui n’exitent pas les hommes.
    Quant à Bordeaux, rappelons que les écolos sont à la mairie parce qu’ils y ont été élus. Donc leurs actions, si elles ne sortent pas du cadre de la loi, sont légitimes et plébiscitées par le peuple. Idem pour Paris ou Marseille qui sont des porcheries, pour Nantes où bientôt il faudra sortir armé, etc, etc.
    Et si ces élus l’ont été par les abstentions, les électeurs qui n’ont pas voté ont contribué à l’élection de la gauche écolo puisque l’abstention se joint automatiquement à la majorité des voies. C’est comme s’ils avaient voté pour.

    • parce que vous savez ce qu’un écolo devrait combattre??? à part TOUT…

    • @JR
      Bien dit ! On ne « remerciera » jamais assez les abstentionnistes qui se firent les complices objectifs de l’élection de maires escrologistes aussi tordus que fanatiques, notamment à Bordeaux et à Lyon. Encore 4 ans de délires à tirer, merci beaucoup !
      Tous ces « beaux esprits » faisant la bouche en cul de poule au moment des élections, « trop lucides et intelligents » pour aller voter comme les c… sont des déserteurs irresponsables. En fait, ces abstentionnistes reprennent à leur compte le slogan liberticide des gauchistes « Élections, piège à c… » Quelle est l’alternative ?
      Il faudrait se souvenir du mot de Churchill « La démocratie est le pire des régimes à l’exception de tous les autres. » Pour ma part, je m’efforce de ne pas manquer une élection même si, assez souvent, aucun candidat ne me plaît. Car il n’y a pas d’alternative : il faut accepter les imperfections du système et s’engager à son niveau, avec résolution et humilité, pour essayer de l’améliorer, fût-ce légèrement.
      « La démocratie ne consiste pas à mettre épisodiquement son bulletin dans l’urne [beaucoup n’en sont même plus à ce niveau] à déléguer les pouvoirs à un ou plusieurs élus, puis à se désintéresser, s’abstenir, se taire, pendant cinq ou sept ans. Elle est action continuelle du citoyen, non seulement sur les affaires de l’État, mais sur celle de la région, de la commune, de la coopérative, de l’association, de la profession… La démocratie n’est efficace que si elle existe partout en tout temps. Le citoyen est un homme qui ne laisse pas à d’autres le soin de décider de son sort commun. Il n’y a pas de démocratie si le peuple n’est pas composé de véritables citoyens, agissant constamment en tant que tels. » (Pierre MENDÈS-FRANCE)

      • Je ne suis pas d’accord sur la démocratie ni sur les élections. Constater qu’aucun candidat ne vous convient et voter pour le moins pire peut être et sera à coup sur politiquement repris comme votre acceptation pleine et entière de toute la personne, de tout le programme et du parti politique représenté.
        La démocratie n’empêche pas la dictature, ni la tyrannie, c’est seulement celle d’une majorité apparente. Dans la route de la servitude de Hayek ou le discours de la servitude volontaire de la Boétie, vous retrouvez le même argument : en quoi avoir un million de rois à servir plutôt qu’un seul vous rend la vie meilleure ? C’est plutôt le contraire, plus dur d’échapper aux lubies d’écolos auto-proclamés (soi-disant soutenus par un courant populaire alors que les gens ne votent plus parce qu’ils en ont marre qu’on ne les ignore) avec toute la force de lois sociales générales prétendument essentielles pour sauver toute vie sur Terre en régentant toute votre vie privée, qu’éviter le percepteur ou le sergent envoyés de temps à autre pour vous faire participer à l’impôt ou la guerre…
        Le libéralisme offre des alternatives à la démocratie totale, notamment limiter ses pouvoirs via une constitution ou une déclaration de droits, règles immuables plutôt qu’effet de mode politique, via un Etat réduit aux fonctions les plus limitées, via la subsidiarité consistant à ne prendre les décisions qu’au niveau le plus proche des gens et donc pas dans leur dos…

        • ouaip..;

          imaginiez que vous assistiez à un lynchage d’un homme par une foule dont vous faites partie..

          une fois que la démocratie donc la tyrannie de la majorité est éacceptée »..on a perdu.. on a cédé sur les principes.. et accepter d’etre du coté du tyran ne change rien..

          il faut remettre les maires à leur place!!!
          et la démocratie à sa place;.

          les maires ne peuvent que gérer par lubies..du point de vue de leurs opposants..
          si ce n’etait pas arbitraire pas besoin de maire!!!
          l
          le concept de décision ou d’action écologique laisse songeur ce n’est pas le moindre tour de force des écolos d’avoir réussi à convaincre que ce qu’ils faisait était « en faveur de l’environnement.  »

          le problème le plus grave est l’attitude l’absence de doute;.un maire écolo est en effet en général sans doute sur la bonté de ses choix…

        • @Evarixe
          Merci de votre réponse… avec laquelle je ne suis pas d’accord.

          Il ne faut pas confondre les 2 « échelles de temps » suivantes :

          1) L’immédiat
          Des élections se tiennent, des candidats se présentent dont aucun ne vous plaît :
          – soit on s’abstient au risque de voir passer le pire candidat, en l’espèce les escrologistes lors des municipales de 2020,
          – soit on vote pour le « moins pire » ;
          NB : dans les 2 cas, le choix peut être interprété comme une validation ou une acceptation ; pour ma part, je me refuse à faire la politique du pire et à traiter de la même façon un candidat (très) médiocre et un candidat catastrophique, ce qui rappelle le refus des communistes allemands de s’allier aux sociaux-démocrates face à la montée du nazisme : de nos jours, l’escrologie est une lèpre mentale qui a largement contaminé notre pays et il y a urgence à entamer sa dépollution en manifestant un rejet ouvert de cette néfaste idéologie.

          2) Le moyen et le long terme
          Là, on peut réfléchir à une réforme de notre système politique, relire les philosophes et autres penseurs pour en tirer une inspiration, etc. ; mais cela passe aussi par un engagement actif des personnes qui souhaitent des changements.

  • La citation de Bernanos est bienvenue, mais je conseille également les aphorismes de Nicolás Gómez Dávila . :’)

    -1
  • Personnellement je suis choqué qu’on maquille des enfants de 18 mois, fille ou garçon (mon dégout est à égalité). Le maquillage fait parti de la sexualisation du corps, ce genre d’initiative m’évoque la pédophilie. Enfin, je ne vois vraiment pas le rapport avec le lieu, une bibliothèque, qui par essence est censé se concentrer sur l’intellect et non l’apparence.
    Heureusement, je ne paye pas pour cela, je ne suis pas Bordelais (mais bon, je paye pour d’autres conneries)

  • la majeure partie de ce que font les municipalités ou les politiques en général est « idéologique. ». ou, à tout le moins, parfaitement arbitraire..
    de l’établissemrnt d’une ligne de bus, des arrêts, du soutien d’une boucherie au choix de livres ou d’intervenants dans une bibliothèques.?

    le vrai danger est par exemple quand un élu présente une mesure comme non arbitraire.. mais par exemple résultant de la science.. ou de l’objectivité;

    une bibliothèque municipale est un choix idéologique!!!!

    eh oui un liberal doit refuser le principe d’un bibliothèque municipale … ou de la science « publique ».. et applaudir si il croit dans les livres toute initiative collective aboutissant à la création d’un bibliothèque ..

    la question est les imites du pouvoir d’un élu..
    naguère les maires des communes rurales se contentaient d’internir les bien communaux.. route, école.. tenir l’état civil.. faire la police rurale…. c’etait déjà suffisant pour  » redistribuer »..

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