Libérons les territoires en libérant les mobilités

Un mouvement de pensée, celui de la dé-mobilité, a pour point de chute l’immobilité. Il est initié par certains acteurs (l’Union européenne et les métropoles) pour gangrener le tout le dernier stade des collectivités.

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Libérons les territoires en libérant les mobilités

Publié le 11 janvier 2023
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Dans un article remontant à juillet 2020, « Tour de France des immobilités : découverte d’un écomusée », j’avais relaté l’impressionnante propension des communes de campagne, ou territoires périphériques, à investir dans les ouvrages d’art antimobilité aussi disgracieux que dispendieux.

Cette propension ne s’est pas arrêtée plus de deux ans après mais elle s’est adaptée à une nouvelle donne : la contraction des dotations d’État et la baisse des recettes issues des impositions locales. Preuve que le mal est profond et traduit une véritable éleuthérophobie, ou aversion pour la liberté, chez nos élus.

 

La France démobilitée

En effet, là où les dispositifs les plus baroques – et parfois les plus dangereux – pour les usagers de la route se multipliaient afin de leur faire regretter la traversée de leur localité (feux tricolores, chicanes, ralentisseurs, séparateurs, rétrécisseurs), désormais le temps est aux économies (ce qui n’empêchera pas le douloureux passage de la réfection des ouvrages d’art précités, charge budgétaire souvent oubliée ou minorée par les élus locaux).

Comme il faut toujours s’attendre au pire avec la déliquescence de nos sociétés, les édiles ont trouvé une solution toute nouvelle : tracer des signalisations de stop, fût-ce en pleine rue principale. Troublante mesure qui pose d’emblée quatre défauts majeurs :

  1. Pollution sonore
  2. Pollution atmosphérique
  3. Augmentation du temps de passage
  4. Augmentation énergétique

 

La raison est que l’arrêt puis le redémarrage du véhicule thermique, et même électrique, demande de l’énergie pour mouvoir icelui. Or, le plus gros coût énergétique est celui du démarrage, ou redémarrage, bien plus que celui de la prolongation du mouvement déjà initié. En effet, toute la masse du véhicule inerte doit être déplacée alors que lorsqu’il est déjà en mouvement la consommation est stabilisée, c’est- à-dire moindre (précisons dans le cas d’une conduite normalisée, sans à-coups). Le bon sens –  et plus encore les règles physico-chimiques – prévaudrait de favoriser la fluidification des flux.

Sur nos véhicules actuels, là encore thermiques et électriques, il est très facile d’avoir un aperçu de cette surconsommation sur l’écran de contrôle. Ce dispositif visant à freiner le véhicule est donc particulièrement malvenu d’un point de vue consommation énergétique mais tend, hélas, à rapidement proliférer. Pis, il est même employé dans des situations complètement grotesques, comme la pose de cette signalisation en pleine montée : il est facile de comprendre que la surconsommation énergétique est décuplée tant l’effort devant être fourni par le véhicule est plus conséquent que sur route plane… sauf pour le décideur d’une telle mesure.

Sur le plan de la pollution sonore, atténuée toutefois avec les électromobiles, il est tout aussi logique que le bruit soit accentué par l’effet de redémarrage en lieu et place d’un bref passage sonore. Sur le plan de la pollution atmosphérique, nous savons par diverses études que le rejet de polluants s’effectue majoritairement par l’abrasion mécanique et non plus par le rejet des échappements 1. Or lorsque la contrainte physique des liaisons au sol est plus importante pour la nécessité d’une poussée, il est là aussi logique que les émissions s’envolent.

Pour le temps de passage, cela répond à une autre évidence : lorsque vous avez un tronçon d’une traversée de village de 3 kilomètres et que son élu passe cet axe de 50 à 30 km/h, cela signifie qu’au lieu de mettre 3 minutes et 36 secondes pour le parcourir, vous mettrez 6 minutes ! Alors imaginez avec un, deux, trois stops plus une limitation à 30 km/h (ce qui n’est pas un cas d’école malheureusement), vous explosez les chronos… dans l’autre sens.

 

Une politique de démobilité absurde qui prolifère

Cette politique est une aberration pour ces collectivités qui, étrangement, se plaignent continuellement du manque d’attractivité de leur territoire.

Mais comment peut-on rendre attractifs des territoires où l’on est obligé de rouler à la même vitesse qu’il y a plus cent ans !? Comment ces élus peuvent-ils être aussi déconnectés des réalités d’emploi où les usagers réfléchissent davantage en termes de temps de transport qu’en termes de distance ? Alors que la traversée d’une commune qui prendrait 40 % de temps supplémentaire, au bas mot (c’est-à-dire uniquement avec le passage du 50 à 30 km/h) pénalise les déplacements, c’est-à-dire l’économie et l’emploi : toute traversée devient pénible pour ceux obligés de recourir à un transport individuel ou collectif, sans compter la gêne occasionnée pour les riverains qui sont parfois placés devant le fait accompli.

Honte à ces élus locaux qui parsèment leur commune d’ouvrages onéreux et surtout dangereux et qui sont prêts à risquer l’intégrité des usagers transitant par leur municipalité sans compter la dégradation accélérée de la mécanique de leurs véhicules et la surconsommation énergétique inhérente. L’on ne traverse plus un village ou un bourg de nos jours : l’on surmonte une série d’obstacles.

Je répète : comment autant d’élus peuvent en arriver à prendre de telles décisions ? Est-ce par contrainte, par mimétisme, par clientélisme, par idéologie ?

Quant aux communes urbaines, elles continuent à leur manière de promouvoir leur politique de stigmatisation et d’exclusion avec force nouveaux dispositifs de vidéoverbalisation et de radars automatiques de dernière génération. D’autant que l’extension territoriale des ZFE (Zones de Faibles Émissions) est actée et qu’elle est instaurée aussi fermement que les dogmes religieux les plus fanatiques.

Et pour 2023, l’on nous promet une débauche de moyens technologiques pour faire respecter les règles du Code de la route, de l’environnement et certainement bientôt sociétales. Car lorsqu’un délire a pris une voie d’accélération dans les esprits, il est très compliqué de l’arrêter jusqu’à sa brutale sortie de route. Et c’est hélas ce qui va advenir en France comme dans tout pays qui choisit l’option de restreindre les libertés.

 

L’électromobilité ne nous rendra pas notre liberté de circuler

Qui se souvient que les premières mesures de limitation des autoroutes ont été décidées en 1973, année du choc pétrolier, sur une base uniquement économique et non environnementale ou sécuritaire ? Mesures qui par ailleurs avaient été annoncées comme temporaires. En 2023, cinquante ans après, nous y sommes encore et l’électrification des mobilités n’y changera rien.

D’ailleurs sur ce point, qui est celui de l’électromobilité, l’on constatera que la baisse de la vitesse sur les axes routiers est désormais actée sur un fondement environnemental mais que les électromobiles demeurent soumises à la même règle alors que – théoriquement – elles devraient bénéficier d’une exemption de limitation en raison de leur absence – théorique – d’émissions. Une nouvelle fois, la tartufferie des mesures écologistes est mise à nue.

Un rapide aparté sur la croyance, renforcée par les allégations politiques, que les électromobiles sont totalement zéro émissions. Or, la société d’analyse anglaise Emissions Analytics a mis en garde en 2022 sur les risques de surproduction d’émissions de particules fines par les véhicules électriques en raison du phénomène d’abrasion mécanique amplifiée par le poids et le couple de ce type de motorisation. Le système régénératif appuyé par une conduite très mesurée permet de limiter ce risque mais il n’en demeure pas moins que le poids des véhicules électriques est en augmentation constante d’où inexorablement un phénomène d’abrasion mécanique tant qu’il y aura des liaisons à sol.

« Quite remarkably, but as testament to the filtration efficiency of the latest gasoline particulate filters (GPFs), tailpipe mass emissions are now as low as 0,02 mg/km.  Gasoline vehicles were tested as they represent the majority of new passenger cars sold today.  Therefore, the mass wear from new tires is 16 times greater than the maximum permitted from the tailpipe, but 3,650 times greater than actual tailpipe emissions. Taking the full-life average tire emissions, that premium falls to the 1,850 times mentioned earlier. The excess emissions under aggressive driving should alert us to a risk with BEVs: greater vehicle mass and torque delivered can lead to rapidly increasing tire particulate emissions. Half a tonne of battery weight can result in tire emissions that are almost 400 more times greater than real-world tailpipe emissions, everything else being equal.» 2.

Il n’en demeure pas moins que les électromobiles doivent demeurer un choix technologique pour les ingénieurs et les constructeurs et non une obligation : là encore, avoir tout misé sur les véhicules électriques est une absurdité puisque nous faisons les mêmes erreurs stratégiques que pour le diesel en misant tout sur une technologie par exclusion des autres. Ce choix purement binaire en dit long sur l’état d’esprit de dirigeants incapables de souplesse d’esprit et d’approche scientifique. Les électromobiles ont toutes leur place dans la grande famille des mobilités mais pas au détriment artificiel de toutes les autres.

De toute façon, électromobilité ou pas, les mesures de démobilité continueront à proliférer.

 

Une pensée politique diffuse tendant à la démobilité

Pour en revenir à la problématique de fond, c’est un mouvement de pensée politique diffus (ce n’est pas une doctrine formalisée) mais cependant très profond qui irrigue jusqu’aux mairies les plus reculées de France et des pays européens de l’Ouest (je précise à escient tant la différence est nette avec les pays d’Europe de l’Est). Ce mouvement de pensée, celui de la démobilité, a pour point de chute l’immobilité. Il est initié par certains acteurs (l’Union européenne et les métropoles) pour gangrener le tout le dernier stade des collectivités, c’est-à-dire les plus nombreuses, à savoir les communes. Et nous le subissons désormais quotidiennement au prix d’une neurasthénie économique et d’une précarisation sociale.

Et ajoutons que le secteur routier n’est pas le seul visé. C’est l’ensemble des transports qui sont ciblés par des mesures contraignantes (physiques, administratives et fiscales) pour qu’à terme, ceux-ci ne deviennent l’apanage que de privilégiés, très largement issus des métropoles.

Somme toute, les « gagnants » d’une mondialisation illibérale trônant sur les restes de libertés zombifiées, ces dernières érigées comme des totems que les peuples asservis continueront de vénérer par contrainte, voire même par simple habitude.

J’ai une seule solution à faire valoir : libérons les territoires en libérant les mobilités. Car au-delà des mobilités, c’est tout un écosystème qui réapprendra à respirer.

 

 

  1. Marianne Talbot, Particules fines : 59 % des émissions ne proviennent pas de l’échappement, Roole.fr, 8 septembre 2022, lien : https://media.roole.fr/quotidien/au-volant/particules-fines-59-des-emissions-ne-proviennent-pas-de-lechappement
  2. Emissions Analytics, Gaining traction, losing tread Pollution from tire wear now 1,850 times worse than exhaust emissions, 11 Octobre 2022, lien : https://www.emissionsanalytics.com/news/gaining-traction-losing-tread
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  • Un excellent article concernant la vie quotidienne à notre époque.

  • Je trouve l’article très bien et il faudrait effectivement que certains élus revoient leur copie, en particulier les zones 30 démesurément grandes ou certaines priorités à droite qui cassent complètement la vitesse et peuvent être dangereuses.

    Mais, pour contrebalancer, quand on est habitant d’un village ou petite ville dans une rue « non prioritaire » il peut-être très difficile de s’insérer dans la circulation. Il peut y avoir aussi des écoles ou zones de passage à proximité.

    Le problème est que beaucoup d’automobilistes n’accordent pas la priorité aux piétons ou ne respectent la règle implicite de laisser passer une voiture sur deux en cas de bouchons. La limitation à 50 n’est même pas toujours respectée. Certains trouvent même le moyen de dépasser car à 50 ce n’est pas assez rapide pour eux.

    C’est comme partout mais il y a énormément de beaus et de keke parmis les automobilistes…

    • Les beaufs et les kékés ne sont qu’une petite minorité, et les aménagements dangereux ne réduisent en rien leur beaufitude, tandis qu’ils leur offrent au contraire des occasions de la montrer. En Bretagne et en Normandie, pour ne parler que des régions que je connais bien, l’immense majorité des automobilistes accordent leur priorité aux piétons et laissent les véhicules en mauvaise posture s’insérer. Les aménagements ne font que créer plus de difficultés pour tous, et perdre un temps et une énergie considérables. Pire, ils encouragent piétons, cyclistes et conducteurs irascibles à « prendre leur droit », le regard vissé sur le portable (même au volant) en remplaçant le signe de remerciement par un doigt d’honneur. Les accidents sont loin d’être réduits, justifiant ainsi aux yeux des élus et de leurs suiveurs aveugles de nouveaux aménagements aussi délétères que les premiers.
      Ici, les approches de l’hôpital sont à voie unique avec de hautes bordures et des ralentisseurs exagérés, un bon quart d’heure minimum de bouchon s’ensuit aux heures normales, et ambulances ou autres véhicules de secours y sont coincés comme les autres. Au moins, si le malade n’en réchappe pas, il ne viendra pas se plaindre…

  • Trop d’impôt tue l’impôt, trop de règles tuent la règle ! On en arrive actuellement à un dévoiement du code de la route avec des « aménagements » incessants faisant ressembler la voie publique à un gymkhana agrémenté de montagnes russes associé à des limitations et des stops improbables. Je ne jetterai pas l’opprobe sur les autres automobilistes, j’en fait partie ! Cependant il me paraît important de travailler sur la responsabilité individuelle plutôt que se lancer dans des aménagements et des règles répressives à outrance.

  • Quand est-ce que les sans-dents vont arrêter d’utiliser un véhicule personnel alors que les élus, pour leur bien, leur proposent des transports en communs modernes qui puent, qui sont sales, dans lesquels ils doivent rester debout compressés par leurs semblables aux mais baladeuses, qu’ils doivent attendre dans le froid ou sous des températures caniculaires et doivent se tenir à des barres plus grasses de crasse les unes que les autres !
    Parce que nos élus, très proches de leurs électeurs, en ont assez d’être coincés dans des bouchons créés par cette populace. Et puis attribuer des chantiers inutiles et hors de prix à ses copains, permet de se faire refaire sa maison (principale ou secondaire), sa piscine, etc à des prix défiant toutes concurrence : faut juste être prudent.

  • « Je répète : comment autant d’élus peuvent en arriver à prendre de telles décisions ? Est-ce par contrainte, par mimétisme, par clientélisme, par idéologie ? »
    Essentiellement par clientélisme. Un automobiliste traverse villes et villages. Un piéton y vit. Le maire privilégie le second, c’est son électeur. Et celui-ci veut des rues sûres pour sa marmaille, des terrasses de café dans des rues piétonnes et des radars devant chez lui.
    Ce qui ne l’empêche pas de pester contre les infrastructures routières délirantes et dangereuses du village d’à côté quand il remonte dans sa voiture.

  • Les ZFE ?
    Un régime d’apartheid au pays de l’égalitarisme… Fallait oser !

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