Les pays pronucléaires doivent-ils payer pour les pays antinucléaires ?

Serait-il normal que les pays pronucléaires (comme la France) prennent en charge les surcoûts des productions d’électricité des pays antinucléaires (comme l’Allemagne par exemple) ?

Partager sur:
Sauvegarder cet article
Aimer cet article 3
Centrale nucléaire Vogtle USA-Blatant World(CC BY 2.0)

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Les pays pronucléaires doivent-ils payer pour les pays antinucléaires ?

Publié le 10 décembre 2022
- A +

Par Jean Fluchère et Michel Gay.
Un article de Conflits

Il y a 20 ans, la production électrique française était en monopole de production-transport et distribution sur le territoire national, tout comme les électriciens du monde entier étaient en monopole sur une zone géographique déterminée, qu’ils soient à capitaux publics ou privés.

 

C’était mieux avant…

Ce modèle économique et industriel s’était naturellement imposé parce qu’il convenait le mieux à ce produit non stockable (ou si peu), ce qui le différencie des autres.

Il permettait les échanges d’électricité adaptés par des procédures entre électriciens. Le réseau synchrone européen, le plus robuste au monde, s’est construit peu à peu bien avant l’ouverture à la concurrence.

Les pointes de consommation ne se situant pas au même moment en Europe, les interconnexions entre tous les pays (y compris la Turquie) stabilisent le réseau. Elles apportent un secours instantané au réglage de fréquence et permettent de diminuer le dimensionnement du parc de production de chaque pays.

L’ancien PDG d’EDF Marcel Boiteux (1967-1987) avait déclaré que ces échanges diminuaient de 10 % le parc installé pour faire face à la pointe d’électricité appelée.

Ces économies d’investissement permettent de réduire les coûts de production car le poids des amortissements des installations de production électrique est important.

 

Un prix parmi les plus faibles d’Europe

EDF facturait le coût de kWh en prenant en compte l’ensemble des moyens de production. Jusqu’aux années 2000, EDF ajoutait au coût moyen de production, celui du transport et de la distribution. Elle ajoutait également des provisions pour financer le renouvellement du parc de production au fur et à mesure de l’obsolescence de certains outils, les moyens à construire pour faire face à l’augmentation des besoins électriques et également les provisions de déconstruction en fin de vie.

Les clients n’avaient certes pas le choix de leur fournisseur mais en échange ce dernier s’engageait à fournir une électricité de qualité (stable et décarbonée), suffisante à tout moment de l’année et au meilleur coût pour la collectivité en fonction des moyens de production que l’État lui permettait de construire.

Aujourd’hui, un système de concurrence absurde ne permet pas de faire baisser les prix de l’électricité mais les fait au contraire augmenter de façon vertigineuse (y compris avant la guerre en Ukraine), ce qui provoque de plus en plus de délocalisations d’activités industrielles. Les Européens se ruinent sans que la Commission européenne ne réagisse.

 

Ubu roi…

La France a atteint le comble du grotesque en fabricant des pseudos concurrents alternatifs (à EDF) qui se fournissent auprès… du nucléaire d’EDF (système ARENH) à un prix de production qui était celui de 2010 !

Ils deviennent ainsi des concurrents alors qu’ils ne disposent d’aucuns moyens de production et ne respectent parfois même pas les contrats signés avec leurs clients. Ces producteurs alternatifs sont des coquilles vides ne produisant aucune valeur ajoutée mais vivant bien de leurs rentes.

En outre, les producteurs d’électricité renouvelables intermittentes :

  • bénéficient des prix garantis sur 15 à 20 ans,
  • sont prioritaires sur le réseau lorsqu’ils produisent,
  • n’ont aucune obligation de service (fréquence et tension) vis-à-vis du système électrique.

 

Toutes ces dispositions de pseudo-concurrence ont fragilisé les véritables opérateurs électriciens. Ils ne sont plus en mesure aujourd’hui d’investir dans de nouveaux moyens de production électrique pour remplacer ceux devenus obsolètes ni de faire face aux énormes besoins de production d’électricité bas carbone.

En France, si l’électricité est décarbonée à 95 % (grâce notamment au nucléaire et aux barrages), les énergies fossiles représentent tout de même encore les deux tiers de notre consommation en énergie finale et 95 % de nos émissions de gaz à effet de serre.

 

Comment redresser la barre ?

Il faut sortir du marché unique de l’électricité dans une Union européenne où chaque pays à sa propre politique électrique et revenir à un système national. Cette disposition n’empêcherait en rien les échanges aux frontières comme auparavant. Il faut rétablir un prix moyen pondéré du kWh avec une répartition (par la Commission de régulation de l’énergie) des excédents financiers dégagés par les moyens à bas coûts pour compenser les pertes des moyens les plus onéreux nécessaires.

La production d’électricité bas carbone étant appelée à devenir la part majeure de notre consommation d’énergie finale, l’État doit s’en emparer au nom d’un service d’intérêt général, comme c’est même prévu par la Commission européenne.

Les grands électriciens étant aujourd’hui ruinés par les fautes stratégiques commises ces vingt dernières années, il appartient maintenant à l’État, garant du service d’intérêt général, d’assurer le financement des nouveaux outils de production électrique bas carbone. Il doit confier la construction, l’exploitation, la maintenance et le démantèlement des moyens de productions d’électricité à des électriciens compétents via des concessions. Ces derniers auraient la charge de rembourser les financements pendant la durée de la concession.

Ces prix de l’électricité dépendraient donc étroitement des taux d’actualisation retenus par l’État.

Ainsi, dans l’intérêt général, chaque pays reviendrait comme avant à des politiques différentes sur son marché intérieur… et ses citoyens paieraient un prix de l’électricité représentatif de sa politique électrique.

 

L’Allemagne pas d’accord !

Les Allemands qui veulent 100 % d’énergies renouvelables avec des réserves constituées par des stocks d’hydrogène (?!) paieraient certainement des prix beaucoup plus élevés sur leur marché intérieur que les pays ayant fait le choix d’une majorité de production électronucléaire. Et ils ne sont pas d’accord !

La solidarité existerait pourtant toujours via les échanges par les interconnexions qui continueraient selon les règles connues par le passé et qui fonctionnaient parfaitement. Elle contribuerait comme aujourd’hui à assurer la robustesse en fréquence et tension du réseau synchrone européen qui va jusqu’à l’extrême est de la Turquie.

Bien entendu, les pays antinucléaires refusent ce système qui les désavantagerait financièrement. Mais ils paieraient les conséquences de leur refus du nucléaire.

Serait-il normal donc que les pays pronucléaires prennent en charge les surcoûts des pays antinucléaires ?

Sur le web

Voir les commentaires (22)

Laisser un commentaire

Créer un compte Tous les commentaires (22)
  • Les bras m’en tombe. Voila que contrepoints milite pour le monopole d’état.
    C’est la lutte finale…….

    • Un réseau électrique ne peut pas être géré comme une usine de rouleaux de papier toilette, L’électricité ne se stocke pas, une centrale nucléaire se construit pour 40 ans et coute quelques milliards.
      Mais heureusement : La lutte Ant-Poutine serait en voie sur contrepoints de sauver potentiellement notre économie.

      • La seule chose qui ne peut pas être sur le marché libre est la défense nationale. Je suis pour un état régalien, et l’énergie n’en fait pas parti.
        Les usines de rouleaux à PQ sont à flux tendu, et un système concurrentiel est beaucoup plus résiliant qu’un système centralisé et pyramidal. Dans un marché libre, peut-être que le nucléaire ne se serait pas développé, il y aurait eu autre chose.
        Vous avez sous les yeux un secteur contrôlé par l’état et en échec et vous persistez.

        -1
        • Bof ! L’électricité est pour l’essentiel produite et distribuée en Triphasé. Selon votre Résonnement il serait judicieux d’avoir trois entreprise gérant et produisant chacune une Phase, Pour la SNCF deux sociétés Une pour le rail droit, une pour le rail Gauche, Pour le tuyau a Hydrogène de Macron faut attendre, nul ne sait ou il sera produit, avec quel Energie, Quelle technologie, pour quel mode de stockage et de consommations ???
          Vaut mieux en rire !

          • A défaut d’arguments..

            • Le PQ est un produit libéral, certes. Mais d’expérience « le flux tendu » peut déchirer le papier. Pour avoir géré des unités de productions, j’ai toujours éliminé le flux tendu pour la gestion en approvisionnement de mes matières première et ce 40 ans avant le Covid qui a bien montré les limites de ces théories fumeuses enseignées dans les écoles de commerce.
              Le triphasé ne vous branche pas. dommage.

  • Cette idéologie européenne nous a mené dans le mur et la grosse difficulté est de le reconnaître
    Une vraie opposition aux européistes fanatiques, au pouvoir depuis des décennies, aurait en tête de son programme une sortie de l’Europe de Bruxelles, qui de toute façon s’écroulera tôt ou tard comme un château de cartes.
    Qui a envie d’avoir son avenir dicté par Mme Van der Leyen ?

    • Un changement de cap et des règles s’impose de toute urgence. Un chef d’état français digne de ce nom, doit poser un Ultimatum a L’UE, avec un délais d’un mois Maximum. Dans un mois on rompt tout les contrats et traité et on repart, avec qui voudra suivre, sur de bases cartésiennes économiquement et stratégiquement. L’intérêt des nations européennes et de leur population comme seul critère, ce qui n’est en rien contraire a la préservation de notre environnement c’est évident.
      Pour cela il faut des c0ui- lles, C’est le problème Préalable.

  • Quand les prix s’envolent, c’est le moment d’en profiter pour faire des superprofits. Mais nous, vertueux, on se refuse à produire de l’électricité pas chère qu’on pourrait revendre très cher. On préfère brasser du vent.

  • Quand l’idéologie écrase le pragmatisme, on en arrive à notre situation ubuesque. Toutefois, un gouvernement fort déciderait immédiatement : premièrement de sortir de cet accord européen idiot (comme les espagnols) et deuxièmement produire de l’électricité, avec un prix de vente admissible pour notre compétitivité économique. A priori trois centrales peuvent être remises en ordre de marche en moins de quatre ans (bon il y en a deux au charbon, mais ce ne sera pas pire que ce que font les allemands par exemple…ou les chinois…..). Revoir les règlements (bretelles et ceinture) qui freinent la mise en route des réacteurs à l’arrêt et le démarrage de Flamanville . Enfin prioriser de nouveaux réacteurs sans oublier d’arrêter de dilapider l’argent des contribuables dans des lubies inefficaces qui ne « fonctionnent » que grâce aux subventions.

    • Si on faisait le reste de ce que vous préconisez, il n’y aurait plus aucune urgence à sortir de cet accord idlot : nous en deviendrions les bénéficiaires, et si les autres ne se rendaient pas compte de son idlotie, tant pis pour eux…

  • Attendez, je me permets de vous signaler que la France est devenue un pays anti nucléaire depuis Jospin. Et elle continue de l’être par l’installation d’éoliennes au détriment de centrales nucléaires. Son nucléaire ne doit représenter à court terme que 50% de l’énergie électrique. Macron, malgré ses belles paroles, n’a pas relevé son froc devant les allemands et les écolos : il vise absolument un poste à haute responsabilité à l’UE. Et ça ne va pas changer !!!

  • je plaide pour l’etat… via la démonstration inlassable des faillites de l’état;.
    en ayant dans la tête l’idée d’un état technicien et ingénieur, blouse blanche repassée cravate et barbe en collier.
    l’état est TOUJOURS idéologue!!!!!!

    en ce qui me concerne..je suis convaincu que l’atotu nucléaire français a été l’objet de négociations du genre, tu aides à mon energie wende via ton nuc ,je paye..tes errances budgetaires.et on SERA REELUS….et pas comme un plan machiavélique… comme l’aboutissement banal de la pensée électoraliste.

    • Ayez un propos liminaire qui FIXE le role légitime d’un état dans le domaine de l’enrgie..

      il sera arbitraire..mais il peut être largement consensuel..et LAORS…on parle technique..

      • je veux bien discuter des programmes de l’ed nat..ou de l’hopital public… mais je vais le répéter à condition d’avoir au préalable défini les limites et missions de ceux ci..et les avoir ACCEPTES!!!

        si vous parlez d’nevironnement fixez des règles…générales.. je n’admets pas le principe d’untaxe non universelle sur le CO2 par exemple… sinon c’est signer un blanc seing de délocalisation de truc s et de machins négociés …sans rationnel véritable..

    • Vous vous approchez de la vérité, La banale corruption et la cupidité sont des forces plus rependues que la pensée géniale et la grandeur d’âme.

  • J’aimerais que Contrepoints diffuse des articles avec, si possible, un point de vue libéral.
    En vérité, la production d’électricité est une production comme une autre. Elle n’a pas vocation à être planifiée, ni même régulée, par un gouvernement.

    -2
    • Toute notre économie repose sur l’Energie ! ! ! ! ! ! ! !
      La production de l’électricité nécessaire, a chaque seconde, a toutes nos activités, libérale ou autres, est un PREALABLE ! ! ! ! ! !

      • une remarque se nourrir aussi est important..
        les paysans nourrissaient les gens par interet… ..et puis un type a dit c’est très important et les paysans remplissent une mission de service public, nourrir les gens..

        or quand il ya une mission d’interet public, l’idée est que ..au diable la rentabilité.. il ya des enjeux « supérieurs »

        certes on ne sait pas comment sortir de ce merdier étatiste c’est déjà compliqué pour sortir des licences de taxis… il n’en reste pas moins vrai qu’il faut D4ABORD rappeler
        qu’un système collectiviste n’est jamais JUSTE… et qu’il sert avant tout le pouvoir de l’état et que c’est ce dernier qu’il faut remettre à sa place.

        donc…encore une fois quel est la mission ????

        • Un Tracteur, une moissonneuse, le four du boulanger, des usines comme Garbit, William Saurin (dans l’actualité), tout ce qui sert a nourrir comme vous dites si bien repose sur l’Energie.
          L’intérêt General et le service du public n’impliquent nullement la gabegie et la médiocrité. Seule l’incompétence et /ou la corruption des dirigeants amène l’échec et la faillite du bien commun.

  • Les commentaires sont fermés.

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Je viens d'écouter l'audition d'une petite heure de Jean-Marc Jancovici au Sénat, qui a eu lieu le 12 février dernier dans le cadre de la « Commission d’enquête sur les moyens mobilisés et mobilisables par l’État pour assurer la prise en compte et le respect par le groupe TotalEnergies des obligations climatiques et des orientations de la politique étrangère de la France ».

Beaucoup d'informations exactes, qui relèvent d'ailleurs bien souvent du bon sens, mais aussi quelques omissions et approximations sur lesquelles je souhaite reveni... Poursuivre la lecture

5
Sauvegarder cet article

Comme chaque année, les chiffres de la balance commerciale sont minorés et présentés en retirant les frais de transport du montant de nos importations.

Les frais de transport sont pourtant une partie intégrante du coût de revient et sont répercutés sur le prix de vente au consommateur. Mais pourtant, ils sont retraités afin de les comparer aux chiffres des exportations qui, eux, n’intègrent pas les frais de transport. L’opération semble contestable…

Les « vrais » chiffres de la balance commerciale de 2022 avaient ainsi frôlé les... Poursuivre la lecture

La nécessité de décarboner à terme notre économie, qui dépend encore à 58 % des énergies fossiles pour sa consommation d’énergie, est incontestable, pour participer à la lutte contre le réchauffement climatique, et pour des raisons géopolitiques et de souveraineté liées à notre dépendance aux importations de pétrole et de gaz, la consommation de charbon étant devenue marginale en France.

Cependant, la voie à emprunter doit être pragmatique et ne doit pas mettre en danger la politique de réindustrialisation de la France, qui suppose une... Poursuivre la lecture

Voir plus d'articles