Comment le commerce russe se développe pendant le conflit ukrainien

Le commerce russe montre qu’isoler économiquement un pays est de plus en plus difficile dans une économie mondialisée et multipolaire.

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Vladimir Poutine (Crédits World Economic Forum, licence Creative Commons)

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Comment le commerce russe se développe pendant le conflit ukrainien

Publié le 5 novembre 2022
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Une étude du journal américain The New York Times révèle que le commerce russe s’est renforcé en 2022 et depuis le début du conflit en février, y compris avec l’Occident malgré les sanctions contre la Russie. Faire des politiques qui ne prennent pas en compte les réalités économiques conduit à des effets contraires à ceux désirés.

Cette situation illlustre aussi que nous sommes désormais bien dans un monde multipolaire et que la scène internationale ne se résume plus aux décideurs occidentaux.

 

Le commerce de la Russie entre diversification et exportations plus lucratives

L’étude montre que les importations vers la Russie en provenance des pays occidentaux et même non occidentaux ont baissé en 2022. Ainsi, celles provenant d’Allemagne vers la Russie ont baissé de 51 %, celles des Pays-Bas de 52 % et celles d’Espagne 44 %. Par contre, les importations venant de Turquie et de Chine ont respectivement augmenté de 113 % et de 24 %. À première vue, la Russie se repositionne sur des pays qui ne la sanctionnent pas.

Néanmoins, l’évolution des exportations russes et plus précisément de leur valeur financière montre une situation différente. La valeur des exportations en direction des Pays-Bas a augmenté de 74 %, celles vers l’Allemagne de 38 %, celles vers les Pays-Bas de 74 %, celles de l’Espagne de 112 %, la Turquie de 213 %, l’Inde de 430 % et la Chine 98 %. Cela s’explique en partie par le fait que le prix élevé du pétrole et du gaz l’année dernière a gonflé la valeur de ses exportations, ce qui a aidé Moscou à compenser les pertes de revenus dues aux sanctions.

Néanmoins, au-delà des hydrocarbures la Russie commerce toujours avec l’Europe dans d’autres secteurs clés. Ainsi, une partie de l’uranium des centrales nucléaires française provient de Russie, et le commerce de diamant de la Belgique reste aussi lié au commerce russe. Comme le rapport le New York Time :

« La Russie reste également l’un des principaux exportateurs d’autres produits de base essentiels, allant des engrais à l’amiante et des réacteurs nucléaires au blé. Les constructeurs automobiles internationaux dépendent toujours de la Russie pour le palladium et le rhodium nécessaires à la fabrication des convertisseurs catalytiques. »

Le résultat est que l’économie russe pour laquelle le Fonds Monétaire International prévoyait une baisse de 8,5 % en avril est désormais estimée à 3,4 %  ; un chiffre qui reste inférieur aux pays européens qui sont en croissance, mais supérieur à l’Ukraine qui connaitrait une récession de plus de 30 %.

 

Une reconfiguration du commerce international

En plus de ses exportations vers l’Occident, la Russie est en train de se tourner vers le marché asiatique (Inde et Chine) pour les hydrocarbures, ce qui pourrait pousser les autres pays exportateurs de pétrole et de gaz d’en vendre davantage en Europe. Néanmoins, l’attitude des pays de l’OPEP et plus précisément de l’Arabie montre une volonté de limiter leur production pour maintenir des prix élevés, ce qui n’arrange pas les affaires des Européens.

Quant à la Russie, 2023 va être un test économique pour elle. Il faudra voir si sa politique de diversification des partenaires est efficace. Plus problématique pour les pays occidentaux est que les liens commerciaux entre la Russie et la Chine se développent. Pékin conforte ainsi sa force dans l’économie internationale à un moment où l’autorité de Xi Jinping se consolide.

Dans tous les cas, la situation du commerce russe révèle à la fois la division des Européens sur la question des sanctions, mais aussi qu’isoler économiquement un pays est de plus en plus difficile dans une économie mondialisée et multipolaire. Surtout quand l’atout du pays en question est d’être une réserve de matière première.

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  • Si les sanctions avaient fonctionné et que l’économie russe était à genoux, nul doute que Bruno Le Maire aurait eu le Nobel de l’économie.

  • LA question est de savoir quel était l’objectif des sanctions..terme du plus en plus clairement inapproprié car une restriction des échanges conduit de toutes façons à un appauvrissement des deux parties.

    Il ne faut pas oublier que les consommateur français est aussi « sanctionné. ».

  • Mauvaise nouvelle pour l’alimentation des centrales nucléaires, reste a savoir combien coutera l’uranium en provenance du Niger,

  • les importations vers la Russie en provenance des pays occidentaux ? La phrase est incohérente .
    vers la Russie ce sont des exportations des pays occidentaux et autres , ou alors :
    il faut lire , les importations De la Russie en provenance des pays occidentaux

  • Les commentaires sont fermés.

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Nicolas Tenzer est enseignant à Sciences Po Paris, non resident senior fellow au Center for European Policy Analysis (CEPA) et blogueur de politique internationale sur Tenzer Strategics. Son dernier livre Notre guerre. Le crime et l’oubli : pour une pensée stratégique, vient de sortir aux Éditions de l’Observatoire. Ce grand entretien a été publié pour la première fois dans nos colonnes le 29 janvier dernier. Nous le republions pour donner une lumière nouvelles aux déclarations du président Macron, lequel n’a « pas exclu » l’envoi de troupes ... Poursuivre la lecture

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