Pourquoi les Français détestent les riches patrons

Quand l’argent rencontre le capital, c’est l’horreur absolue. Rien de pire qu’un grand patron. Rien de pire que les revenus d’un grand patron du capital.

Partager sur:
Sauvegarder cet article
Aimer cet article 12
Screenshot 2022-10-21 at 12-55-59 (5) Le gaz russe c'est terminé prévient Patrick Pouyanné PDG de TotalEnergies - YouTube

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Pourquoi les Français détestent les riches patrons

Publié le 22 octobre 2022
- A +

Les Français détestent l’argent. Plus que l’argent, ils détestent le capital.

« Si l’argent, comme dit Augier, vient au monde avec des taches de sang naturelles sur une joue, le capital quant à lui vient au monde dégoulinant de sang et de saleté par tous ses pores, de la tête aux pieds. » écrivait Karl Marx dans Das Kapital.

Alors quand l’argent rencontre le capital, c’est l’horreur absolue. Rien de pire qu’un grand patron. Rien de pire que les revenus d’un grand patron du capital.

Patrick Pouyanné, le PDG de Total a été rémunéré 5 944 129 euros en 2021.

Eh voilà. Ça suffit pour créer l’indignation. Presque 6 millions d’euros, c’est une somme totalement indécente, un salaire totalement injustifié, une injustice totale.

 

Double discours

Enfin, ça, c’est le discours entendu dans les médias, sur les réseaux sociaux ou au café du commerce. Parce qu’en réalité, les Français adorent l’argent et ils adorent le capital. Ils adorent les joueurs de foot et leurs salaires mirobolants. Ils adorent les artistes bankables, les films à gros budget, les grosses voitures, les résidences secondaires, les vacances all-inclusive, les montres de luxe, les vêtements de marque, les repas au restaurant et les foires au vin.

Mais ça fait bien de détester l’argent, de détester les bourgeois, les riches, les patrons, les capitalistes, les banquiers… On se rend d’ailleurs vite compte que ceux qui détestent le plus d’argent, ce sont ceux qui en ont le plus. C’est un luxe, un snobisme de détester l’argent et nombre de personnes ne savent plus quoi inventer pour exhiber leur moralité.

Qu’ils se rassurent. Lidl va bientôt ressortir ses fameuses baskets de prolos. Les bourgeois urbains (et les spéculateurs) vont bientôt pouvoir contenter leur perversité en s’exhibant avec ce signe extérieur de conformisme bien-pensant altruiste, humaniste, empathique et sympathique.

Comment mieux cacher sa haine et son dégout des pauvres, comment mieux travestir sa haine de classe qu’en se travestissant en pauvre ? Les baskets Lidl ont atteint des sommes astronomiques sur EBay : 500 voire 1000 euros.

Comment faire d’une pierre deux coups : assouvir sa pulsion de concupiscence et nourrir son complexe de supériorité, tout en faisant la leçon et en exhibant sa vertu ?

Néron à l’intérieur, Marx à l’extérieur.

 

La haine de classe

C’est normal de détester les patrons : ils sont payés pour être détestés et détestables. S’ils sont grassement payés, ce n’est pas pour être gentils ou pour faire plaisir à leurs employés. Les patrons sont méchants, mais ça ne veut absolument pas dire que les employés sont gentils. Eux aussi, ils sont payés pour être détestés et détestables.

Ils vous mentent comme des arracheurs de dents quand ils vous expliquent que la robe en 34 vous va bien ou que les chaussettes-claquettes vous donnent un air distingué. Ils vous prennent pour des abrutis quand ils vous servent un café à 5 euros ou quand ils collent des étiquettes « bio et équitable » sur des légumes tout moches. D’ailleurs, ce sont eux qui ont fabriqué la voiture avec laquelle vous avez eu un accident, ce n’est pas leur patron. Ce sont eux qui ont distillé l’alcool qui a rendu votre voisin alcoolique ou qui ont cuisiné le gras qui a fait grossir vos enfants.

Tout, absolument tout nuit à autrui, d’une façon ou d’une autre. Ce n’est qu’une question de point de vue.

Mais au fait, si votre voiture ne s’arrête pas ou si votre plat surgelé vous envoie à l’hôpital : est-ce vraiment l’employé qui va se retrouver devant les tribunaux ?

 

Qui nourrit l’État obèse ?

Le monde actuel est abruti de moraline et de rhétorique. Il en dégouline de partout. La politique a envahi les moindre recoins de la vie publique. Tout est question de bien ou de mal, de polémique et d’indignation. La vie publique française est un gigantesque télé crochet permanent ou s’affrontent des donneurs de leçons arrogants qui ne cherchent qu’une seule chose : se faire remarquer en se faisant élire « la plus belle personne au monde ».

Ce combat à mort des hypocrites incompétents et arrogants, nous en payons les pots cassés tous les jours. Ou plutôt, ce sont les entreprises qui sont mises à contribution pour en payer les inconséquences.

Si les grands patrons sont si cher payés, c’est parce qu’il y a besoin de grands patrons. Il y a besoin de grands patrons parce qu’il faut rendre les entreprises super efficaces. Et les entreprises ont besoin d’être super efficaces pour une seule raison : pour survivre, pour vivre, pour exister tout simplement.

Alors oui, Total n’a pas payé d’impôts en France ces dernières années, mais le carburant que vend Total est taxé entre 50 % et 60 %, les salaires que paye Total sont taxés, les dividendes que distribue Total sont taxés, ce qu’achètent les salariés et les actionnaires de Total est taxé…

Cette pression pour survivre, ce n’est pas la concurrence qui la leur impose. Il faut bien comprendre que le principal responsable, de très, très loin : c’est l’État. La moitié de la production de richesse Française est « redirigée » vers la puissance publique qui va quant à elle faire bien peu attention à comment tout cet argent sera utilisé. De toute évidence, l’État ne subit pas la même pression.

Est-ce que le monde peut continuer longtemps avec des entreprises forcées à être super-efficaces par un État lui-même super-inefficace ?

Mais toutes ces considérations n’intéressent personne. Pour l’instant. Parce que pour l’instant, l’État Français est persuadé qu’il n’a pas besoin de survivre et qu’il est tout autant persuadé que tout le monde trouve normal d’engraisser toute une clique de parasites moralisateurs.

Voir les commentaires (22)

Laisser un commentaire

Créer un compte Tous les commentaires (22)
  • Un seul mot résume cela : jalousie (un péché capital typiquement francais)

    • Le terme exact est « envie ». La jalousie est la peur de perdre ou de ne pas avoir ce qu’on estime mériter quand on se compare avec autrui. L’envie est un ressentiment, un mécontentement gratuit parce qu’autrui a ce qu’on désire alors qu’on n’a soi-même rien fait pour se le procurer.

      • J’aurais dit le contraire: j’ai envie de ce que je ne peux pas m’offrir et je ne jalouse pas celui qui en a les moyens.

        • Avoir envie au sens de désirer n’est pas un péché… La distinction que je fais est celle qu’on trouve habituellement dans les livres, avec l’envie comme convoitise du bien d’autrui et la jalousie destructrice des ménages, parce que je trouve qu’elle convient bien au cas de la richesse.

  • Ce qui est choquant chez certains « grands patrons » ce n’est pas tant leur salaire (peu justifié de toute façon pour des gens qui n’ont pris aucun risque et qui sont d’anciens fonctionnaires) , c’est que même lorsqu’ils dirigent des entreprises privées, ils obéissent doigt sur le pantalbn aux injonctions les plus absurdes de l’Etat, même quand c’est contraire aux intérêts de l’entreprise:
    – Développement des éoliennes alors que l’on sait très bien que c’est ruineux et inutile
    – sanctions contre la Russie qui ont montré leur inutilité mais qui portent atteinte à une stratégie de long terme
    – « Cours du genre » obligatoires dans l’entreprise, ce qui est contraire à son objet social
    Tout çà pour dire que salariés et actionnaires passent après les ordres de ce fameux Etat obèse et idéologue

    • Exactement ! ce qui les rend haïssables est de les voir se vautrer dans la wokerie la plus infâme. Accumuler (ou faire accumuler) les réglementations absurdes qui ne servent qu’à tuer la petite concurrence, ils adorent ça. On va nous montrer le nombre de panneaux solaires installé pour sauver le climat. Mais rassurez vous, leur datacenters ont toujours de gros générateurs au gasoil au cas où.

    • En fait, beaucoup de grands patrons ne sont pas les lèche-bottes serviles de l’Etat, mais comme l’Etat s’arrange pour qu’il y ait énormément de fric à gagner à lécher certaines bottes et énormément à perdre à ne pas le faire, la volonté pragmatique de faire prospérer leur boite l’emporte.

    • « (peu justifié de toute façon pour des gens qui n’ont pris aucun risque et qui sont d’anciens fonctionnaires) »
      Euh, là, vous généralisez un peu vite! Si c’est votre définition des GRANDS patrons OK, puisqu’ils sont nommés par l’Etat! Mais tous ne le sont pas, et pour moi, un grand patron est quelqu’un d’indépendant, qui précisément prend des risques avec son propre capital ( au risque de le perdre), et qui prend ses propres décisions après une analyse sérieuse de son environnement économique, sans aller lécher les bottes des fonctionnaires ou élus de l’administration!

      • Entièrement d’accord avec vous mais pour répondre à HERACLES, le patron de Total ne fait pas partie de ces anciens fonctionnaires dont vous parlez et je ne pense pas qu’il soit à la botte du gouvernement.
        De toute façon lorsque patron n’est pas d’accord avec macron il le vire (i.e. Lévy, même si son départ était acté Macron n’a pas apprécié qu’il dise la vérité sur les centrales)

      • Bien d’accord
        Je faisais allusion évidemment au patron de Total et autres grands groupes qui sont autant de fromages pour hauts fonctionnaires
        J e ne parlais pas des vrais créateurs d’entreprises

  • Avatar
    alricomte@orange.fr
    22 octobre 2022 at 8 h 10 min

    Excellent article. Effectivement, l’hypocrisie règne en France quant à l’argent. On déteste l’argent, mais surtout celui des autres et on adore malgré tout les signes extérieurs de richesse. Au lieu d’assumer et de reconnaître que le fric c’est important, ou plutôt au lieu d’accorder à l’argent une juste place mais sans plus. Personnellement, j’aime bien avoir de l’argent pour ne pas avoir à y penser. Car il y a bien des choses beaucoup plus intéressantes que la consommation.

  • Si le gros patron de goinfre c’est avec l’argent des actionnaires consentants et cela ne regarde personne d’autre. C’est souvent la valeur de son carnet d’adresses qui est ainsi rémunérée et parfois même sa compétence et son habileté.
    Le seul cas où je comprends difficilement l’actionnaire c’est quand il accepte de consentir un gigantesque parachute doré pour s’offrir un patron qui n’apawvonfiance en son succès.

  • « Si l’argent, comme dit Augier, vient au monde avec des taches de sang naturelles sur une joue, le capital quant à lui vient au monde dégoulinant de sang et de saleté par tous ses pores, de la tête aux pieds. » écrivait Karl Marx dans Das Kapital. » et ceci est simplement faux…

    • si tu penses logiquement tu arrêtes là et reformules.. la capacité qu’ont certains intellectuels par ailleurs maitrisant parfaitement les subtilités de la langue de construire sur des fondations fausses est causée selon moi par leur malhonnêteté et leur désir de pouvoir et non de justice.

      Je suis toujours stupéfait par leur capacité à singer la sincérité et l’outrage..

  • Bonjour,
    Dans les commentaires, rien sur les salaires mirobolants des joueurs de foot : or je suis désolé mais Mr Pouyannié a la responsabilité de plus de 100.000 salariés dans le monde et si on compte qu’un salarié d’une entreprise fait vivre indirectement 4 à 5 personnes, je regrette ce n’est pas un Mbapé ou un Neymar qui émargent à plus de 40 Millions d’euros qui peuvent se comparer.

    • Personne n’oblige un spectateur à aller voir un match, à acheter des produits dérivés du club qu’il soutient, etc. Pour l’achat de produits commerciaux, c’est moins clair, surtout quand l’Etat soutient un monopole de fait sur le sol national comme dans le cas de Total. Le patron a un statut ambigu, mais effectivement pas plus que le footballeur qui joue dans des stades payés dans des proportions non-négligeables par les impôts locaux.
      Dans le cas de Total, il est surtout étrange que personne ne semble remarquer que les augmentations de salaires pour des employés français, dans un pays où Total fait des pertes, et financées par les profits réalisés à l’étranger, sont légitimes pour le pdg dont l’activité n’est pas restreinte à la France, mais du pur néo-colonialisme pour les nationaux…

  • Comme très souvent, Olivier Maurice nous livre un excellent article.
    Merci !

  • Et puis de toutes façons, le PDG de Total ne gagne pas 6 millions par an,
    puisqu’il y a en France quelque chose dont de nombreux commentateurs zélés
    ignorent l’existence et qui s’appellent les impôts et qui lui mangent 60 % de ses revenus.

  • Comme c’est juste ! Et sans les grands patrons, il y aurait énormément de pauvres qui ne sauraient que faire de leur misérable vie !

  • Les commentaires sont fermés.

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Mercredi 17 janvier dernier, le président argentin Javier Milei a prononcé un discours enflammé et disruptif au Forum économique mondial de Davos. Son éloge de la croissance et des entrepreneurs, tout comme sa mise en garde contre les dangers du socialisme ont déjà fait couler beaucoup d'encre. En réalité, l'économiste n'a fait que reprendre, à quelques expressions près, le contenu d'une conférence TED donnée en 2019 à San Nicolás, au cours de laquelle il expliquait comment, tout au long de l'histoire, le capitalisme s'était avéré supérieur a... Poursuivre la lecture

Alors que la France est aujourd’hui confrontée à des tensions sociales et ethniques d'une ampleur inédite dans son histoire contemporaine, la principale réponse politique consiste à réclamer un renforcement du rôle de l'État. Cet automatisme étatiste est pourtant ce qui a conduit le pays dans son impasse actuelle.

 

Depuis la fin des années 1960, l’État a construit un arsenal sans précédent de politiques sociales censées corriger les inégalités et prévenir les conflits supposément inhérents à la société française. Las, non ... Poursuivre la lecture

Il l’a fait. Javier Milei, ce candidat excentrique qui, il y a quelques mois encore, apparaissait comme un outsider en qui personne ne croyait, tant son profil et son discours étaient loufoques, a remporté le second tour de l’élection présidentielle avec 55,6 % des voix, et devient donc le nouveau président d’Argentine.

Pourtant, les résultats du premier tour et les sondages qui ont suivi laissaient croire à une probable victoire de son adversaire, Sergio Massa. La stratégie de modération pour lisser son image, ainsi que le soutien de ... Poursuivre la lecture

Voir plus d'articles