Non, les déchets nucléaires ne sont pas un problème

Les déchets nucléaires sont quotidiennement gérés et maîtrisés. Et plus le temps passe, moins la question se pose. En cours de développement dans plusieurs pays comme la Belgique, la Chine ou la Russie, la quatrième génération de réacteurs résout un peu plus la question des déchets longue vie.

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Place de la Gare - photos Nouara Aci-Scalabre by Réseau Sortir du nucléaire (CC BY 2.0)

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Non, les déchets nucléaires ne sont pas un problème

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 28 juillet 2022
- A +

Les déchets sont l’objet de la principale critique des détracteurs du nucléaire. Mais de quoi parlons-nous ? Un déchet nucléaire peut être autant composé de gravats, d’outils, de gants, des pièces usagées… ou de substances radioactives sous différentes formes. Leur existence s’explique par un phénomène très simple : pour produire de l’électricité d’origine nucléaire, il faut maintenir les centrales, traiter le combustible nucléaire usé, voire déconstruire des installations. Tout cela laisse des résidus dont il faut se débarrasser.

Le fait est que chaque déchet présente un certain niveau de radioactivité, de très faible à haute activité, et qui se maintient sur une durée plus ou moins longue. Pour simplifier, les déchets « à vie courte »  représentent la grande majorité du volume des déchets nucléaires (90 %), mais seulement 0,1 % de la radioactivité totale ; et les déchets « à vie longue » ne sont qu’une minorité (10 % du volume), mais concentrent 99,9 % de la radioactivité totale.

 

Comment sont-ils gérés ? 

Les déchets de courte durée sont triés et conditionnés avant d’être stockés. Depuis cette année, une troisième solution sera de nouveau possible : le recyclage en les injectant dans un circuit de recyclage industriel classique. On parle ici des déchets très faiblement radioactifs, parfois en-deçà de la radioactivité naturelle – lesquels, jusqu’à présent, étaient inutilement placés dans des centres de stockage. La France a donc finalement rattrapé son retard par rapport aux autres pays, en revenant sur cette décision vieille des années 1990.

Les déchets longue durée sont entreposés en surface avant d’être stockés en profondeur. Leur radioactivité est certes beaucoup plus élevée, mais leur volume est tel qu’il demeure assez facile de les gérer. Ainsi, en 60 ans, l’équivalent de moins de 50 000 mètres cubes ont été produits – soit à peine la taille d’un entrepôt d’Amazon. En pratique, la partie la plus radioactive de ces déchets est vitrifiée et entreposée à l’usine de la Hague, après en avoir extrait toute la matière recyclable sous forme de nouveau combustible.

De fait, 10 % de l’électricité d’origine nucléaire provient de matières recyclées en France… et il serait même envisageable d’atteindre 20 à 25 % en recyclant l’uranium et le plutonium.

 

Un danger pour les générations futures ?

Pourtant, cela n’empêche pas des ONG comme Greenpeace de remettre en cause non pas la viabilité du recyclage, mais son existence même. En effet, cette organisation affirme que seul 1 % du combustible est recyclé, et accuse le groupe Orano d’envoyer de l’uranium en Sibérie en faisant passer cela pour des matières recyclables vendues à la Russie.

Ce n’est pas tout. Même dans les pays qui n’ont pas fait le choix du recyclage pour des raisons qui leur sont propres, le stockage est de mise. À ce titre, la Suède et la Finlande sont les deux premiers pays au monde à avoir annoncé le stockage dans le sous-sol pendant 100 000 ans. En réaction, Greenpeace et d’autres organisations écologistes se sont catégoriquement opposées à cette décision au nom de failles géologiques (stabilité de la roche), logistiques (irréversibilité), ou encore de sûreté (risques de corrosion, d’incendie, d’inondation…).

En d’autres termes, l’argument principal consiste à dire que l’analyse bénéfice-risque est largement en défaveur de cette solution puisqu’il n’y aurait ni réversibilité, ni contrôle à terme. L’inconnu serait tel qu’il s’agirait d’une décision irresponsable pour les générations futures.

 

Des craintes infondées

En réalité, l’envoi d’uranium en Russie s’explique par une raison simple : pour le recycler, il faut le passer en centrifugeuse – une machine qui enrichit l’uranium transformé en gaz. Or, la France ne s’est pas dotée des installations nécessaires pour ces étapes du recyclage. Ainsi, il est plus logique de vendre l’uranium non-enrichi aux Russes pour qu’ils l’enrichissent eux-mêmes, et l’utilisent dans leurs propres réacteurs. S’il est vrai qu’on ne recycle que 1 % du combustible (le plutonium), cela suffit à fournir 10 % du combustible. Évidemment, Greenpeace s’oppose au recyclage de l’uranium qui viendrait mettre à mal cette rhétorique.

Contrairement à ce qu’affirme Greenpeace, il ne s’agit donc pas d’un trafic caché aux citoyens, mais d’un contrat industriel faisant l’objet d’une information publique. Cette technique fait partie des solutions pour recycler les matières nucléaires, et est pratiquée par d’autres pays comme le Japon, et à moyen terme la Chine.

Quant à l’opposition farouche sur le projet suédois, il s’agit du résultat de près de 40 ans de collaboration entre des instituts de recherche, des universitaires ainsi que des établissements d’enseignement supérieur. Il peut sembler fort de café d’affirmer qu’il n’y a aucune preuve scientifique sur la sécurité de la solution… Bien sûr, il y aura toujours des membres de la communauté scientifique pour faire preuve de scepticisme, et c’est heureux. Celle-ci n’est pas un bloc monolithique.

En l’espèce, le rejet catégorique des organisations environnementales ressemble davantage à un principe de précaution poussé à l’extrême : selon Greenpeace qui rejette tout autant le recyclage que le stockage, il n’y aurait, dans le fond, pas de solution, à moins de cesser de recourir au nucléaire le plus tôt possible.

 

Il n’y a pas d’écologie sans l’Homme

C’est un fait : les déchets nucléaires sont quotidiennement gérés et maîtrisés. Et plus le temps passe, moins la question se pose. En cours de développement dans plusieurs pays comme la Belgique, la Chine ou la Russie, la quatrième génération de réacteurs résout un peu plus la question des déchets longue vie, et permet de réutiliser davantage encore les matières radioactives issues de la production d’électricité (uranium et plutonium).

Curieusement en France, il est difficile de passer à côté du ravissement des Verts face à la fin des recherches d’une solution qui permettrait de toujours plus diminuer l’impact environnemental – déjà très faible – du nucléaire. Peut-être parce que cela reviendrait à mettre en cause leur existence ? Ne parlons alors même pas des recherches actuelles sur la fusion nucléaire… Finalement, l’antihumanisme et la détestation du mythe prométhéen sont bel et bien des idéologies haineuses. Et elles sont tout sauf animées par des principes écologiques.

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  • ..l’inocuité des déchets à des echelles de temps longues est le point écolo… pour être honnête.. c’est prétentieux.. r..la vie implique une prise risque..et des précautions..
    on rappela aux écolos que des gens vivent sur des parois de volcan, dans des zones exposées au tsunami,; dans des eons inondables..etc etc..
    L’écologisme est opposée au développement humain..
    surconsommation et surpopulation.. et « la bonne façon de produire est de ne pas produire ».. est toujours la conclusion à laquelle arrive un écologiste quand il est acculé à débattre..

    c’est une doctrine de vie qu’il est acceptable de s’imposer;. mais très discutable d’imposer aux autres..car l’impact écologique des actions n’est pas « hiérarchisable »..

    le communisme est une doctrine de vie qui PEUT aussi être choisie volontairement.. vivre en communauté est tout à fait possible, regardez les amishs!,
    mais pour construire une communauté communiste volontaire , il faut que toutes les décisions soient prises à l’unanimité..

    l’écologisme politique est tyrannique ..opposée à la liberté sinon la subjectivité des êtres humains..

    avez vous vu beaucoup d’ecolos renoncer à l’electricté du réseau? avez vous regardé les impacts écolos de ceux qui le font? « je suis devenu autonomes en électricité »..

    • « c’est une doctrine de vie qu’il est acceptable de s’imposer;. mais très discutable d’imposer aux autres.. »
      Examinez bien les écolos qui vous entourent (ceux qui votent écolo) et vous verrez qu’ils ont de grandes difficultés à se l’imposer à eux mêmes. Ils ont souvent un vélo dans leur garage qu’ils sortent occasionnellement, ils mettent toutes sortes de gadgets écolos qui font peanuts mais au final se privent rarement de ce qui pollue le plus (vacances, …)

      Video humoristique caricaturale mais au combien vraie: https://www.dailymotion.com/video/x5lp0j

    • je suis ( un peu ) ennuyé de radoter .mais j’ai la faiblesse de penser que c’etsnecessaire tant que les gens voient écologisme politique comme une idéologie  » bonne et necessaire »..

      • L’écologie seule serait une bonne chose, c’est l’idéologie associée le problème.

        L’ennui chez nos écolos, c’est que l’idéologie étouffe complètement l’écologie, au point d’en arriver à une situation ou l’on nous impose des efforts qui détruisent la nature.

        • @ Hervé2
          Tout à fait d’accord : il faut être écologique et non écologiste, comme il faut être pacifique mais non pacifiste.
          L’esprit de système, hélas si cher à maints Français, vient gâter les meilleures idées en les transformant en idéologies rigides et parfois mortifères.
          Et delenda est escrologia !

  • Etonnant que personne ne parle de la richesse que représentent ces déchets pour alimenter les réacteurs surgénérateurs.

    • Sacrifiés par les socialistes (une fois par Jospin et l’autre fois par Macron) pour gratter quelques voix chez les escrolos. 🙂

  • À moins que quelqu’un ayant des connaissances réellement pertinentes (à la fois scientifiques et industrielles) soit en mesure de contester tout ou partie des affirmations contenues dans cet article, je trouve celui d’une très grande clarté et tiens à féliciter et remercier Élodie Keyah.
    Les paramètres essentiels de la question sont très bien exposés avec suffisamment de précision sans se perdre dans des errances techniques qui dépasseraient le cadre d’un tel article. Encore bravo !
    Messieurs les escrologistes, essayez de répondre non par des éructations fanatiques mais avec de vrais arguments.
    Et delenda est escrologia !

    • En effet M Liger, l’article est juste.
      Sauf que je ne suis pas d’accord pour relancer la vieille question du seuil de libération.
      Dans les années 1990-2000, le seuil de libération était appliqué dans des pays comme la Belgique ou l’Allemagne. La question est : qu’est-ce qu’un contrôle radiologique à 100% ? Doit-on mesurer chaque gramme, chaque kilo, des bennes entières ? Si on fait beaucoup de mesures la gestion peut coûter très cher ! Si on en fait peu, de la radioactivité peut passer à travers les mailles du filet et se retrouver dans le domaine public. De fait on a retrouvé des casseroles radioactives dans des cuisines allemandes !
      Cette situation a été considérée comme inacceptable par la DGSNR (acceptation du public, question sanitaire…). Avec le principe de la zone à déchets nucléaires (loi de 2006) couplée à la création de stockages TFA, on élimine les risques précités. Il faut insister sur le fait que tout repose sur la définition précise de ladite zone déchets. Si l’historique de l’installation est bien connu (d’où importance de la qualité en exploitation et de la conservation de l’historique des incidents et des opérations de décontamination ) on peut fortement réduire les volumes de déchets suspects en stockage TFA. Si des décontaminations efficaces ont été effectuées en cours d’exploitation, on peut limiter le périmètre de la zone déchets (avec quelques mesures test d’usage).
      Au total on peut très bien récupérer des déchets inactifs pour le recyclage. Et autant que je me souvienne, quand l’ANDRA a évalué le coût des stockages TFA, on s’est vite aperçu que la solution française est très probablement moins chère tout en étant plus fiable vis-à-vis du risque de transfert de radioactivité vers le domaine public.

      • @Franck : merci beaucoup de votre réponse fouillée et très claire (n’étant pas scientifique pour un sou, je puis affirmer cela).
        Dans l’indispensable lutte contre la propagande et les politiques escrologistes, il faut être rigoureux et intellectuellement honnête, non seulement parce que cela est indispensable pour toute argumentation sérieuse, mais aussi parce que, de leur côté, les escrologistes ne respectent précisément pas ces impératifs.
        Ainsi, s’agissant d’un article, soit l’auteur informe les lecteurs de sa compétence, soit, s’il veut s’exprimer sur un sujet sur lequel il n’a pas de formation de base, il doit s’appuyer sur des sources solides et les citer ou encore faire revoir son texte par une personne compétente et en informer les lecteurs. Cela est contraignant mais indispensable pour être crédible et laisser aux escrologistes le « monopole » de l’imposture.
        Compte-tenu de mon absence de formation scientifique, c’est la seule réserve que je suis en mesure de formuler au sujet de l’article, tout en remerciant Élodie Keyah de l’avoir écrit.

  • Merci Madame Keyah pour ce très bel article qui met bien en évidence, d’une part l’innocuité de la plus grande partie des déchets de l’industrie nucléaire et d’autre part, le très fort potentiel du recyclage qui peut réduire à presque rien en masse et en volume les matières à très forte et très longue radioactivité (et les techniques de recyclage n’arrêtent pas de progresser).
    Cet article est à garder précieusement en référence pour pouvoir fournir des arguments sérieux contre les campagnes malhonnêtes et de ce fait honteuses, lancées périodiquement par la secte des écologistes.

    • @ Pierre Brisson

      Je suis entièrement d’accord avec vous à un mot près : le terme « escrologiste » (et non écologiste, qui est devenu désormais incomplet) est de plus en plus approprié pour nommer ces gens-là ; en effet, en plus de leur dogmatisme déjà bien connu, leur malhonnêteté intellectuelle devient de plus en plus évidente puisqu’ils nient effrontément les conséquences (de plus en plus catastrophiques) de leurs idées, hélas mises en pratique en particulier sous la forme des politiques aberrantes de « transition énergétique » dans maints pays européens et à l’échelle de l’UE. « Quand la bise fut venue », les hivers seront rudes et coûteux.
      Face à ce désastre annoncé par les personnes compétentes (comme M. Gay sur Contrepoints), les compromis n’ont plus de sens : il faut dire ouvertement à quel point ces idées et les actions qui en découlent sont fausses et néfastes car une partie de l’opinion publique reste « envoûtée » par les mensonges des escrologistes : il est urgent de dissiper ces sorts maléfiques.
      Et delenda est escrologia !

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Nicolas Tenzer est enseignant à Sciences Po Paris, non resident senior fellow au Center for European Policy Analysis (CEPA) et blogueur de politique internationale sur Tenzer Strategics. Son dernier livre Notre guerre. Le crime et l’oubli : pour une pensée stratégique, vient de sortir aux Éditions de l’Observatoire. Ce grand entretien a été publié pour la première fois dans nos colonnes le 29 janvier dernier. Nous le republions pour donner une lumière nouvelles aux déclarations du président Macron, lequel n’a « pas exclu » l’envoi de troupes ... Poursuivre la lecture

Aurélien Duchêne est consultant géopolitique et défense et chroniqueur pour la chaîne LCI, et chargé d'études pour Euro Créative. Auteur de Russie : la prochaine surprise stratégique ? (2021, rééd. Librinova, 2022), il a précocement développé l’hypothèse d’une prochaine invasion de l’Ukraine par la Russie, à une période où ce risque n’était pas encore pris au sérieux dans le débat public. Grand entretien pour Contrepoints par Loup Viallet, rédacteur en chef.

 

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