États-Unis : tout n’est pas une urgence nationale

Aux États-Unis, si la loi sur l’urgence nationale n’est pas réformée, les présidents continueront à en abuser pour faire pression sur le Congrès.

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Joe Biden by jlhervas (creative commons) CC BY 2.0)

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États-Unis : tout n’est pas une urgence nationale

Publié le 21 juillet 2022
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Par Bonnie Kristian.
Un article de Reason

Après que le sénateur Joe Manchin (élu démocrate en Virgine-Occidentale) a rejeté la législation sur le climat de son propre parti, le président Joe Biden a déclaré :

« L’action sur le changement climatique et les énergies propres reste plus urgente que jamais. Je vais donc être clair : si le Sénat ne bouge pas pour s’attaquer à la crise climatique et renforcer notre industrie nationale des énergies propres, je prendrai des mesures exécutives fortes pour y répondre. »

Lundi soir, citant trois sources anonymes, le Washington Post a révélé ce que pourrait être cette action : « Biden envisage de déclarer une urgence climatique nationale », et cela pourrait se produire « dès cette semaine ».

Selon le Washington Post, les activistes pensent qu’une urgence nationale permettrait à Biden « d’arrêter les exportations de pétrole brut, de limiter les forages pétroliers et gaziers dans les eaux fédérales et d’ordonner aux agences, y compris l’Agence fédérale de gestion des urgences, de stimuler les sources d’énergie renouvelables ».

Bien que les réalités politiques – en particulier les prix élevés de l’essence et l’inflation – et les inévitables procès intentés par les Républicains puissent freiner Biden, les militants ont raison de dire que les déclarations d’urgence sont un puissant stimulant du pouvoir présidentiel.

Et c’est bien le problème. Les déclarations d’urgence sont devenues une solution de rechange politique paresseuse, un moyen pour les présidents de contourner le Congrès lorsque celui-ci n’a pas fait son travail ou, dans certains cas, a carrément rejeté ce que le président voulait. Les urgences nationales sont devenues une échappatoire à l’anarchie administrative, et elles ont grand besoin d’être réformées.

 

La loi sur les urgences nationales

Dans leur forme actuelle, les urgences sont régies par la loi sur les urgences nationales de 1976.

Depuis Jimmy Carter les présidents ont déclaré 75 urgences en invoquant l’autorité de cette loi, et environ la moitié de ces déclarations, dont beaucoup datent maintenant de plusieurs décennies, restent en vigueur aujourd’hui.

Certaines d’entre elles concernent des situations (les suites immédiates des attentats du 11 septembre, par exemple) pouvant être qualifiées à juste titre d’urgences nationales.

D’autres ne le sont manifestement pas, comme celles sanctionnant les personnes qui sapent la démocratie au Zimbabwe et à la Biélorussie, deux urgences initialement déclarées sous l’administration de George W. Bush et reconduites par M. Biden. Quelle que soit la gravité de ces situations pour les populations du Zimbabwe et de la Biélorussie, elles ne constituent pas d’urgences pour les États-Unis, et le Congrès aurait pu agir s’il l’avait voulu.

Le changement climatique revêt une importance plus évidente pour notre pays et pourrait bien être une urgence au sens familier du terme. Mais pour ce qui est de son statut juridique, la formulation de la menace de M. Biden nous met la puce à l’oreille : si le Sénat ne bouge pas, dit-il, l’administration agira à sa place. Mais l’intérêt même d’une déclaration d’urgence est qu’elle permet au gouvernement fédéral d’agir lorsque le Congrès n’a pas le temps de le faire. Le Congrès a eu un an et demi de gouvernance du trio démocrate pour agir sur le changement climatique et ne l’a pas fait comme le souhaite M. Biden. Oui, c’est principalement la faute de Manchin, à la grande frustration de ses collègues démocrates. Hélas pour eux, Manchin fait partie du Congrès, et le problème ici n’est tout simplement pas le manque d’opportunité du Congrès pour agir.

Comme l’a fait valoir l’ancien représentant libertarien Justin Amash :

« Une urgence ne suscite pas un débat interminable sans consensus, ni n’est abordée avec un plan nécessitant des années d’exécution. Une maison brûle, un bateau coule, une ville est inondée – ces situations sont considérées comme des urgences précisément parce que tout le monde est d’accord pour dire qu’elles nécessitent une action immédiate. »

Les déclarations d’urgence nationale ne sont pas faites lorsqu’un sénateur ne veut pas voter comme le président le souhaite. Il ne s’agit pas non plus d’un outil de chantage présidentiel visant à obliger le pouvoir législatif à se plier aux exigences de l’exécutif. Malgré toute l’ouverture dont elle fait preuve à l’égard des abus présidentiels, la loi sur les urgences nationales n’avait pas pour but d’inverser complètement la conception de la Constitution quant au déroulement de l’action fédérale. Malheureusement, les présidents récents ont compris comment les déclarations d’urgence pouvaient être utilisées à cette fin.

La tentative de Biden de forcer le Sénat sur le changement climatique rappelle remarquablement la menace de l’ancien président Donald Trump en 2019 de déclarer une urgence nationale afin d’obtenir des fonds pour construire son mur frontalier tant promis.

Elizabeth Goitein du Brennan Center for Justice dans The Atlantic a écrit que :

« Trump pourrait penser que l’échec répété du Congrès à fournir des fonds montre la nécessité d’une action d’urgence. La vérité est exactement le contraire. En donnant au Congrès le temps d’établir définitivement son refus de financer le mur frontalier, Trump enlève à la fois toute justification légitime à une action d’urgence et prouve son intention de subvertir l’équilibre constitutionnel des pouvoirs. »

Changez quelques mots et la même critique s’applique à Biden et au changement climatique.

Tant que la loi sur les urgences nationales ne sera pas réformée, les présidents continueront d’en abuser pour faire pression sur le Congrès, comme l’ont fait Trump et Biden.

La loi doit être modifiée pour en limiter strictement les raisons et la durée et pour définir plus précisément la portée et la nature des problèmes que ces déclarations peuvent traiter, ainsi que la durée pendant laquelle l’état d’urgence peut se poursuivre sans l’approbation du plan du président par le Congrès.

Ce délai devrait être assez court – quelques jours, peut-être, au lieu des six mois actuels – afin que les législateurs soient contraints d’examiner les mesures d’urgence sur la base de leurs mérites propres plutôt que d’approuver automatiquement des programmes fédéraux bien établis. S’il s’agit vraiment d’une urgence, même nos législateurs devraient être capables de se rassembler pour agir.

 

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  • Les Etats Unis ont des buts économiques, sociaux très différents des vaincus de 1939-1945, ils ne suffit de croire que l’ont gagné la guerre pour l’avoir gagner vraiment tout dépend du montant de la dette vis vis du libérateur. Leurs économies peut se transformer très rapidement, tout dépendra du système militaro-industriel si une guerre se pointe à l’horizon l’économie fonctionne très bien.

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