Les entreprises n’ont pas à sauver la planète

Aux entreprises de produire et mettre sur le marché les produits et services dont leurs clients ont besoin.

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Carrefour Market, Bagnols-sur-Cezer, France by kmaschke - Creative Commons Attribution-Share Alike 2.0

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Les entreprises n’ont pas à sauver la planète

Publié le 14 juillet 2022
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À l’occasion des Rencontres économiques d’Aix-en-Provence de juillet 2022, lors du débat sur les entreprises à mission, le PDG de Carrefour, Alexandre Bompard, a tenu un discours pour le moins iconoclaste au milieu de la bien-pensance de ses homologues tous plus ou moins convertis au rôle social de l’entreprise.

 

Rappel sur la loi PACTE et la raison d’être des entreprises

Souvenons-nous. C’était en mai 2019, la loi PACTE relative à la croissance et à la transformation des entreprises était présentée par le gouvernement d’Édouard Philippe. Ses objectifs principaux étaient de « faire grandir les entreprises » mais surtout de repenser leur place dans la société.

C’est ainsi que la définition de l’objet social de l’entreprise a été modifiée dans le Code civil pour offrir la possibilité aux entreprises volontaires de se doter d’une raison d’être, et que la qualité juridique de société à mission a été créée.

Mais à quoi ressemble concrètement la raison d’être des grandes entreprises françaises qui se sont muni d’une telle mission ? Parmi les grandes entreprises françaises ayant formulé une raison d’être, on peut citer les exemples suivants.

  • Michelin : « Offrir une meilleure façon d’avancer » ;
  • Atos : « Contribuer à façonner l’espace informationnel » ;
  • SNCF : « Apporter à chacun la liberté de se déplacer facilement en préservant la planète » ;
  • Orange : « Être l’acteur de confiance qui donne à chacune et à chacun les clés d’un monde numérique responsable » ;
  • Veolia : « Contribuer au progrès humain, en s’inscrivant résolument dans les Objectifs de Développement Durable définis par l’ONU, afin de parvenir à un avenir meilleur et plus durable pour tous » ;
  • PwC : « Bâtir la confiance en notre société » ;
  • EDF : « Construire un avenir énergétique neutre en CO2 conciliant préservation de la planète, bien-être et développement grâce à l’électricité et à des solutions et services innovants ».

 

Comme chacun pourra s’en rendre compte, ces belles déclarations n’engagent que ceux qui y croient.

Les clients de la SNCF apprécieront que l’entreprise publique leur apporte « la liberté de se déplacer facilement en préservant la planète », surtout aux périodes des départs en vacances.

Quant à PwC, on est heureux d’apprendre que cette société de conseil va « bâtir la confiance ». En effet, cette société a été condamnée en août 2014, par les services de régulation financière de New-York qui lui ont infligé une amende de 25 millions de dollars pour avoir aidé la banque de Tokyo-Mitsubishi à maquiller des transactions datant de 2008 vers des pays sous embargo international. Depuis, cette société de conseil a été condamnée à plusieurs reprises pour diverses irrégularités comptables.

Bref, sous couvert de raison d’être, on a un peu l’impression d’opérations de communication langues de bois pour ne pas dire plus.

 

Danone et Renault : des entreprises modèle à mission ?

Tout le monde se rappelle l’ancien PDG de Danone, Emmanuel Faber, qui s’était fait le chantre de l’entreprise à mission en surfant sur les nouvelles formes de gouvernance des entreprises et la loi PACTE. L’objectif visé était de faire de Danone une B Corp (Benefit Corporation) à l’échelle mondiale ; une société associant but lucratif et intérêt général.

« Notre ambition de devenir une B Corp exprime notre engagement de longue date à créer durablement de la valeur et la partager avec tous, en ligne avec notre double projet économique et social. »

Malheureusement pour Emmanuel Faber, la dure réalité économique l’a rattrapé. En novembre 2020, il a dû annoncer la suppression de 2000 postes chez Danone, dont 400 en France. L’annonce est tombée comme un couperet sur tous les employés de Danone qui se croyaient protégés par le statut d’entreprise à mission. En fait, cette décision s’insérait dans un plan d’adaptation tracé par le patron du groupe d’agroalimentaire français, soucieux de renouer avec la croissance et la rentabilité afin de satisfaire ses actionnaires. L’histoire montre que cela n’a pas suffi pour redonner confiance aux actionnaires et que M. Faber fut débarqué de son conseil d’administration en mars 2021.

Auteur du rapport sur l’entreprise et l’intérêt général, Jean-Dominique Senard, PDG du groupe RENAULT est également un fervent défenseur du statut de l’entreprise à mission.

C’est ainsi qu’il déclara aux rencontres d’Aix-en-Provence :

« Le capital responsable fait du chemin. Les entreprises ne font plus uniquement du profit. »

Belle déclaration qu’on appréciera venant d’un patron d’une entreprise publique aussi mal contrôlée par l’État et qui a connu les frasques de son ancien dirigeant Carlos Ghosn. Bien que cette entreprise se veuille exemplaire, ses comités d’audit, notamment des rémunérations, n’ont pas vraiment fonctionné. On peut aussi se demander en quoi elle est plus responsable que son concurrent Stellantis (ex Peugeot SA) ?

 

Carrefour sans langue de bois

À rebours des belles déclarations en faveur de l’entreprise à mission, le PDG de Carrefour, Alexandre Bompard, a détonné aux Rencontres économiques d’Aix-en-Provence de juillet 2022 en affirmant que le but de son entreprise était de créer de la valeur pour ses actionnaires.

On imagine l’horreur qui a dû saisir l’assistance bien policée du colloque ! Et le patron du groupe de distribution d’insister :

« Je rêverais de me lever tous les matins en me disant que je vais sauver la planète. Mais ce n’est pas mon rôle. Ma vocation : c’est de créer de la valeur. » 

Alexandre Bompard a poursuivi en toute sincérité :

« On prend ces engagements pour notre intérêt. Les leviers de la transformation sont nos clients et nos employés. Les labels ne me font pas prendre des engagements. »

Selon lui, il faut être convaincu de l’intérêt pour réussir à embarquer ses clients, ses équipes dans ces changements pour aller au-delà du simple greenwashing.

Comme nous l’écrivions dans un article de la revue Finance-Contrôle-Stratégie :

« Créer de la valeur pour les actionnaires est un jeu difficile qui s’opère sous très fortes contraintes sur des marchés concurrentiels et cela implique de bien comprendre les attentes de toutes les parties prenantes. Une gouvernance actionnariale bien comprise passe par la prise en compte des attentes de toutes les parties prenantes. »

Dans ces conditions, on ne voit pas très bien ce que les belles déclarations sur la mission de l’entreprise peuvent apporter si ce n’est ajouter de la confusion et brouiller les pistes sur le fonctionnement des entreprises. N’en déplaise aux disciples de l’entreprise à mission, ce n’est pas son rôle de sauver la planète comme le dit si bien le PDG de Carrefour. Par contre, oui, elle se doit de respecter les réglementations édictées par les pouvoirs publics, en espérant cependant que les décisions de ces derniers soient cohérentes et convergent vers le sauvetage de la planète. Et ce n’est pas gagné !

En conclusion, à chacun son rôle : aux entreprises de produire et mettre sur le marché les produits et services dont ont besoin leurs clients ; à l’État d’être en charge de l’intérêt général bien compris.

 

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  • oui gagner sa croute…honnêtement..

    une remarque le « role » des paysans n’est pas non de nourrir la population. ou autres aneries…

    mais pourquoi diable les gens acceptent de baisser la tête comme ça??????

    et quand des gens oseront faire un parti politique pour dire stop..

    • « mais pourquoi diable ! »
      Mon miroir m’explique que c’est à cause d’une croyance dans un récit collectif qui présente à nos sens des failles si béantes que nous ne pouvons y croire. Ne passons nous pas notre temps à dégommer des illusions auxquelles nous ne croyons pas ?
      La bonne nouvelle est que nous avons dû développer une forte croyance dans notre récit individuel pour survivre. Mon miroir précise qu’il ne parle pas des opinions politiques mais du doute qui nous habite et nous rend moins ignorant chaque jour qui passe.

  • Nos politiciens sont à côté de la plaque comme toujours. Ils veulent réhabiliter l’entreprise aux yeux des français pour la rendre plus attractive que les aides sociales.
    Mais pour rendre l’entreprise attractive, il n’y a que 2 choses à faire :
    1) supprimer les aides. Mais c’est assurer la non réélection du politicien qui les supprime
    2) fournir, à l’école, une vraie éducation non doctrinale économique. Mais c’est virer tous les enseignants qui ne jurent que par les idéologies marxistes et léninistes, c’est à dire 80% des enseignants.
    Bref le politicien fait donc du bricolo inutile qui occupe quelques copains dans son cabinet conseil préféré…

    • non désolé remettre l’ecuationsous la responsabilité des parents.. donc je n’ai rien contre le fait que des parents marxistes engagent des enseignants marxiste..ou religieux des enseignants croyants..

      rien de mieux qu’une petite communauté communiste..façon kibboutz pour comprendre ce qui ne va pas dans le communisme..

  • Sauver la planète… Ni le rôle des entreprises ni de personne d’autre.
    La planète n’a aucun souci à se faire. Elle en est bien incapable. Pour l’humanité, ça se discute.
    Assimiler celle-ci à celle-là me rappelle cette royale forfanterie du pluriel de majesté.
    Il y a là les mauvaises manières d’un monstrueux égotisme. L’homme n’est pas son biotope. Il n’en est qu’un infime représentant.
    Un peu de modestie que diable !

  • Bravo, M. Bompard, vous avez raison sur toute la ligne. Merci d’oser le crier haut et fort.

  • Milton Friedman l’avait dit mieux que moi (mais malgré ça n’a pas été compris par les 2/3 des économistes universitaires et assimilés) : un entreprise cherche à créer de la valeur pour ses actionnaires, c’est sa seul raison d’être et sa seule façon de continuer à exister. Pour faire cela, du profit à court terme n’est pas mal, mais surtout il faut que la somme actualisé des profits à l’infini soit positive (c’est ça qui est reflété au mieux possible dans le cours des actions) donc il faut du long terme, mais pas du long terme au détriment du présent (l’actualisation prend ça en compte). Il faut que les clients restent ou reviennent, il faut que les salariés restent (remplacer un salarié ça coûte souvent bien plus que d’augmenter un déjà présent) et soient satisfaits (leur productivité est moins bonne sinon), il faut que les fournisseurs y trouvent du profit, et que les collectivités environnantes ne soient pas impactées négativement (voire qu’elle y gagnent).

    Bref, si les gens s’inquiètent réellement de l’environnement ou de la société, ce bon Milton Friedman nous avait bien dit que la recherche libre de la valeur actionnariale donnerait les entreprises les plus efficaces à traiter ces problèmes et les meilleurs résultats possibles. Mais nos « journalistes », nos « politiciens », nos « écologistes » s’en foutent royalement de l’environnement en vrai; ils veulent juste « détruire le capitalisme » et mettre en coupe réglée les entreprises qui ne peuvent exister que si elles obéissent directement à leurs ordres (ils seraient donc fasciste ? oh, si peu, si peu… )

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