Les services à la personne dans un pays sclérosé

Les services à la personne ne doivent plus être sous tutelle, ils ne sont plus des enfants ni encore gâteux, ils doivent être soumis au droit général.

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Les services à la personne dans un pays sclérosé

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 14 juillet 2022
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En 2005, avec le plan Borloo de développement des Services à la personne, la France pouvait sembler en pointe dans l’accompagnement d’un secteur d’activité gigantesque et utile à tous, qui existe en France comme dans chaque pays du monde : les services dits à la personne.

Par le biais d’un plan global d’actions (baisse de la TVA, élargissement du crédit d’impôt de 50 % offert aux clients particuliers…), l’État français permettait rapidement l’émergence d’une filière nationale créatrice de richesses et d’emplois, au travers notamment de leaders nationaux comme O2 services ou Shiva pour le ménage à domicile, Adhap Services ou Petits-Fils pour le maintien à domicile, Kinougarde ou Family Sphère pour la garde d’enfants à domicile, etc.

Ces dispositifs législatifs ne visaient, in fine, qu’à rétablir la possibilité économique pour un ménage d’employer quelqu’un pour l’aider. En effet, d’un côté la forte progressivité de l’impôt sur le revenu pour les ménages, et de l’autre pour les travailleurs l’existence d’un revenu minimum augmentant plus rapidement que l’ensemble des salaires, rendaient impossible en France de salarier une aide à la personne. Dit autrement, par ce plan, l’État français tentait de corriger les problèmes et effets de bord qu’il avait lui-même créé dans le fonctionnement libre de l’économie.

L’intention sous-jacente était de faire entrer dans le formel tout un pan d’activités traditionnellement occupées par l’économie informelle (le travail au noir) pour le plus grand bonheur de tous : des consommateurs qui se verraient ainsi délivrer des services de meilleure qualité, des intervenants qui gagneraient en droits sociaux et, enfin, un État qui engrangerait de nouvelles recettes fiscales et sociales. Politiquement, c’était aussi bien entendu une idée maline pour faire baisser mécaniquement les chiffres du chômage…

Garde des enfants au domicile familial, la journée ou après l’école, assistance des personnes âgées à leur domicile, entretien de la maison ou du jardin, cours de soutien scolaire ou dépannage informatique, etc, tous ces métiers aux domiciles des particuliers représentent ainsi aujourd’hui en France un chiffre d’affaires global d’environ 20 milliards d’euros, ce qui représente 1,1 % du PIB et 1,3 million de travailleurs. Pour autant, depuis déjà de nombreuses années, le secteur patine et n’évolue plus. Et surtout, dans ce marché, les entreprises ne représentent qu’un chiffre d’affaires limité d’environ 10 %, soit seulement deux milliards d’euros.

Elle est bien loin l’époque où le secteur semblait un véritable eldorado qui allait révolutionner à la fois la vie des ménages – qui n’auraient plus jamais à faire leur ménage ou à courir pour être à l’heure à la sortie de l’école, les conditions de travail des travailleurs et l’économie française. Après 17 ans d’injections de fonds publics, la qualité des services proposés par les entreprises est toujours loin d’être satisfaisante, les salaires et parcours des travailleurs du secteur sont décevants et la précarité est la règle. Enfin, aucun acteur n’est à ce jour par exemple coté en Bourse (ceux qui y sont entrés en sont très rapidement sortis devant l’effondrement du cours de leurs actions) et aucun champion national n’a réussi à s’exporter à l’étranger.

 

Pourquoi ce constat d’échec ?

Bien sûr, nous pourrions répondre que tout système bâti sur des aides est par essence artificiel et voué à échouer, en particulier à l’étranger où ces dispositifs n’existent pas. Pourtant, avoir appris à faire du vélo avec des petites roues solidement vissées de part et d’autre du vélo ne nous condamne pas à rouler toute la vie avec des petites roues. Et puis, si la filière des voitures électriques se développe en France notamment par l’intermédiaire de l’interventionnisme de l’État en matière de bonus/malus écologique, cela n’empêche pas que de très nombreuses personnes dans le monde ont fait le choix de s’équiper, même sans aides de l’État, d’une voiture électrique plutôt que d’une voiture thermique, convaincus qu’elles étaient d’avoir un comportement vertueux.

Dans son rôle d’amorçage, le système américain montre bien enfin que l’aide initiale de l’État n’entrave en rien un ultérieur succès économique libre. Les exemples sont connus : l’internet a été développé par la DARPA, qui dépend du ministère de la Défense des États-Unis, le moteur de recherche Google a reçu ses premiers financements de In-Q-Tél qui est une société de capital-risque financée par le gouvernement américain, etc. Enfin, ce que, d’une main, l’État donne aux entreprises de services à la personne en France (baisse de TVA, crédit d’impôts…) ne se fait qu’à hauteur que ce qu’il leur impose de l’autre, en réglementation, en taxes fiscales et sociales.

En réalité, déjà, dès le début, ce plan ambitieux a commencé en 2005 avec les habituelles lourdeurs et gabegies inhérentes à la planification de l’économie dans un pays notoirement sur-administré : création d’une inutile Agence nationale des services à la personne dont la seule réalisation fut de créer des obligations chronophages et permanentes de reporting d’activités pour tous les acteurs du secteur, création de services spécialisés « Services à la personne » dans chaque unité territoriale de l’inspection du travail afin de contrôler le bon respect d’un cahier des charges conçu 15 ans plus tôt par un fonctionnaire n’ayant jamais fréquenté de près ou de loin une entreprise de services à la personne, création d’un chèque emploi universel censé être financé (à l’instar du ticket-restaurant) par les entreprises qui ne l’ont jamais demandé et donc jamais adopté, coûteuses campagnes de publicité à la charge de l’État pour promouvoir de manière générique un secteur et non des acteurs identifiés, dépenses hasardeuses dans la conception d’un site internet mal fait, dans des brochures en pagaille et d’un logo qu’il est devenu obligatoire d’apposer systématiquement comme le Graal sur toute devanture, tout devis, toute brochure commerciale sous peine que l’entreprise soit interdite d’exercer, etc.

Les contraintes étant les mêmes pour toutes les entreprises de France, celles-ci les ont intégrées sans mal dans leurs process et dans leurs tarifs pour en absorber le coût, ce qui ne les a donc pas empêché de grandir et de développer des marques, des outils informatiques, un savoir-faire, des organisations et des réseaux. Mais exclusivement en France. Droguées aux aides de l’État, ces entreprises ont bâti tout leur modèle économique sur la manière d’optimiser les coûts en baissant, là, la rémunération de leurs salariés pour économiser en cotisations à verser aux URSSAF (abattement de charges sociales dit Fillon), ici, sur leurs obligations contractuelles (indemnisation des temps de trajet, mutuelle d’entreprise, durée des contrats de travail…) au gré des évolutions du Code du travail et des lubies plus ou moins idéologiques des gouvernements successifs, des conventions collectives négociées avec des syndicats archaïques et/ou fantômes, des ré-écritures hors-sol du cahier des charges par l’administration (l’inspection du travail).

En vérité, si les entreprises de services à la personne ont développé une expertise depuis 2005, ce n’est pas celle de satisfaire leurs clients mais celle de surfer sur la législation législative, réglementaire, sociale et fiscale française, et de ne pas tomber dans l’eau. En bref, à survivre face à leur pire prédateur : l’État français.

De son côté, durant toutes ces années, au lieu de se poser les bonnes questions, le personnel politique a, comme à l’accoutumée, privilégié les débats idéologiques voire les postures, plutôt que de réfléchir à l’économie à laquelle il ne connaît strictement rien.

Les dénonciateurs de l’esclavagisme : « Ne devrait-on pas interdire qu’une personne embauche une autre personne pour faire le ménage de son domicile ? N’est-ce pas dégradant ? »

Ou bien, les collectivistes pour qui la collectivité c’est bien, l’individu ou la famille, c’est mal : « Les enfants ne devraient-ils pas être gardés dans des structures collectives pour être sociabilisés plutôt que de devenir de furieux asociaux s’ils sont gardés chez eux par une nounou ? »

Les anti-capitalistes : « Est-ce vraiment normal que des entreprises privées aient le droit de garder des enfants ? N’est ce pas là une sorte de délégation de service public déguisée ? N’est ce pas exclusivement à l’État, ou au pire à des associations loi 1901, qu’il revient d’éduquer les enfants ? »

Enfin, à l’instar du MEDEF, les entreprises de services à la personne ont accepté les règles du jeu de l’économie administrée et ont préféré amadouer l’État pour qu’il les protège de la concurrence nouvelle (par exemple, des plateformes comme Helping) et qu’il continue à rester généreux dans ses dispositifs fiscaux et sociaux, plutôt qu’à œuvrer pour que l’État cesse de les emmerder.

 

Pour une révolution du secteur

Depuis 2005, l’économie a changé, le monde a changé. Le nombre d’utilisateurs d’internet a été multiplié par 5, le chiffre d’affaires des ventes réalisées par internet a été multiplié par 15, l’usage de la visioconférence a explosé, le nombre de travailleurs indépendants a explosé, l’organisation du travail a changé, etc.

Pour le bien des consommateurs, celui des travailleurs, des finances publiques et pour le bien de l’économie française, il est nécessaire de réformer complètement les dispositifs créés et/ou pérennisés par la plan Borloo de 2005. À 17 ans, il est temps de dévisser les petites roues et de rouler sans l’aide de papa et maman…

À l’instar de ce qui a été plusieurs fois envisagé par la Cour des comptes, il faut recalibrer le dispositif. Pour permettre l’émergence de champions mondiaux, il faut se focaliser sur l’essentiel et se débarrasser de l’accessoire.

Les chèques emploi service financés par les entreprises ne bénéficient qu’à des salariés d’entreprises publiques qui sont de connivence avec les politiques politiques mais pas aux autres salariés car le dispositif est inutile. Ils doivent être supprimés.

Le fameux crédit d’impôt de 50 % pour les services à la personne fait des entreprises de services à la personne des acteurs mi-public mi-privé qui tirent leur rentabilité exclusivement de l’ajustement de leurs coûts avec les subventions d’État, et non de leur valeur ajoutée apportée aux clients. Nécessairement salariés, les travailleurs sont aspirés dans la trappe à SMIC alors qu’indépendants, dans le cadre de la loi de l’offre et de la demande, ils pourraient augmenter fortement leur salaire sans coûter plus cher aux clients. Le crédit d’impôt de 50 % des services à la personne doit être supprimé, à minima pour les services de confort (soutien scolaire, cours à domicile, ménage…).

Enfin, le secteur doit être retiré de la tutelle des services de l’inspection du travail et/ou de toute agence nationale dédiée. Les services à la personne ne doivent plus être sous tutelle, ils ne sont plus des enfants ni encore gâteux, ils doivent être soumis au droit général.

Le seul et unique dispositif qui est économiquement vertueux, c’est la conservation d’un taux le plus réduit possible de TVA (10 % actuellement). Bizarrement, c’est l’unique avantage qui a été diminué avec le temps…

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  • Excellente démonstration de l’aberration du système français.

  • Apres un echec en Belgique, l entreprise, leader sur le marché français, oui care avec son dirigeant G Richard a racheté une pme espagnole qui lui a permis de s implanter avec succès en Espagne, au Portugal en Amérique latine…….

  • « Le fameux crédit d’impôt de 50 % …. (soutien scolaire, cours à domicile, ménage…) »

    1) « Le fameux crédit d’impôt de 50 % pour les services à la personne fait des entreprises de services à la personne des acteurs mi-public mi-privé qui tirent leur rentabilité exclusivement de l’ajustement de leurs coûts avec les subventions d’État, et non de leur valeur ajoutée apportée aux clients. » ==> yes

    2) « Nécessairement salariés, les travailleurs sont aspirés dans la trappe à SMIC alors qu’indépendants, dans le cadre de la loi de l’offre et de la demande ils pourraient augmenter fortement leur salaire » ==> yes

    3) « sans coûter plus cher aux clients » euh, ah bon? avec des salaires fortement augmentés, quel mécanisme permettrait un moindre coût pour les clients?

    4) « Le crédit d’impôt de 50 % des services à la personne doit être supprimé, à minima pour les services de confort (soutien scolaire, cours à domicile, ménage…). » pas sûr que le ménage,pour les p’tits vieux qui ont le dos en compote, soit un service de « comfort »

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