Sans majorité parlementaire, pas de présidentialisme majoritaire, pas de boulimie présidentielle donc. Dans une lecture institutionnelle de la Constitution de 1958, le retour des délibérations et des compromis ne peut qu’être satisfaisant. À cela doit s’ajouter le retour de la responsabilité politique, propre à la culture du Parlement. La culture politique qui lui est propre, est celle d’une « morale constitutionnelle » chère à Edmund Burke, qui suppose entre autres, la responsabilité politique, qu’elle soit collective ou individuelle, des membres du gouvernement.
L’exemple de ce qui se passe actuellement au Royaume-Uni, avec la démission récente de Boris Johnson de la présidence du Parti conservateur et peut-être bientôt du poste de Premier ministre, nous donne des leçons sur l’éthique que doit posséder n’importe que gouvernement, notamment le sens des responsabilités qui suppose de répondre de ses actes en les assumant et d’accepter les conséquences politiques qui en découleront, notamment la démission individuelle. À cet égard, le cas Abad est un contre-exemple d’une « morale constitutionnelle »
Comme l’explique Céline Roynier dans un article sur le blog de Juspoliticum :
Cette règle est particulièrement importante dans une culture juridique où le Parlement a été, pendant longtemps, la « Haute Cour du Parlement », formule qui permet de ne pas oublier que la détermination du bien public en droit constitutionnel britannique est fondamentalement une question de justice. Dans ce contexte, la morale est bien une morale constitutionnelle : elle contribue à une détermination juste du bien public. L’un des avantages de cette morale est qu’elle peut être techniquement déclinée aussi bien sur le plan institutionnel – par la séparation des pouvoirs par exemple – que sur le plan individuel – par l’éthique et la déontologie.
À cet égard, l’exemple d’Amber Rudd permet d’illustrer cette morale constitutionnelle et de ses conséquences en matière de responsabilité politique. Un des apports du parlementarisme libéral anglais est l’existence de la responsabilité individuelle d’un ministre.
Comme l’affirme Céline Roynier :
Bien qu’individuelle, cette responsabilité n’en est pas moins une responsabilité de nature politique, par opposition à une responsabilité de type « juridique » (droit civil, droit pénal) impliquant un lien entre une faute et un préjudice : il s’agit d’une responsabilité objective, pour fait de l’Administration, devant le Parlement.
Cette dernière ajoute fort justement :
La règle en vertu de laquelle un ministre est responsable pour le fait de son Administration est à l’origine une pratique des départements ministériels et est classiquement analysée comme un principe non écrit ou convention de la constitution ou encore comme un « principe de responsabilité morale.
Cette pratique du parlementarisme anglais fut une œuvre prétorienne, notamment par l’arrêt Carltona de 1943. Un des avantages de la responsabilité politique individuelle des ministres c’est qu’elle permet de ne sanctionner politiquement que le ministre concerné, protégeant le gouvernement dans son ensemble.
La responsabilité politique a disparu du régime de la Cinquième République, notamment depuis Mitterrand et l’autisme politique et constitutionnel dans lequel il a entraîné le pays, notamment en ne tenant pas compte de l’échec aux élections législatives, sanctionnant politiquement sa politique. Depuis, l’irresponsabilité politique est devenue la norme, l’absolutisme a entraîné l’absolution pour reprendre les mots de Jean-François Revel.
La nature et le droit ayant horreur du vide, c’est la responsabilité pénale qui a essayé de combler ce manque de réponse, comme l’illustre « l’affaire du sang contaminé » et la gestion de la Covid-19. Dans les deux cas, la responsabilité pénale des ministres mène à une impasse, à la fois théorique et pratique. La responsabilité pénale pour fait d’autrui n’existant pas, on se demande alors comment sanctionner un ministre du fait de son administration.
Les actions en justice se multiplient alors en vain, permettant à de piètres avocats de faire des affaires juteuses, en sachant pertinemment que leurs actions en justice n’ont aucune chance d’aboutir. Le juge n’a pas la compétence pour trancher des questions politiques, conduisant dans le même temps à une baisse de la confiance dans la justice.
La responsabilité politique doit être renforcée
Face à l’impasse de la responsabilité pénale, la responsabilité politique doit être renforcée, seule responsabilité à pouvoir générer de la confiance dans les gouvernants.
La responsabilité politique peut se définir comme « un mécanisme juridique d’affectation de valeur à une conduite gouvernementale. Elle implique l’obligation pour les gouvernants de répondre devant le Parlement des actes accomplis dans l’exercice de leurs fonctions selon une procédure déterminée par la Constitution ».
Deux obligations découlent de cela selon Colin Turpin :
- obligation de répondre de ses actes devant le Parlement,
- obligation de démissionner si la représentation nationale n’est pas convaincue.
Cette responsabilité n’a pas besoin d’être sanctionnée par un juge.
La responsabilité politique est « prospective » et « anticipatrice ». De par cette souplesse, elle en tire sa force. À la différence de la responsabilité pénale, la responsabilité politique ne trouve pas son fondement dans la loi, mais dans le « principe d’opportunité ». Ainsi donc, la responsabilité politique d’un ministre pourra toujours être engagée alors même qu’aucun délit ni crime ne peuvent lui être reprochés.
Les leçons du parlementarisme anglais sont nombreuses. Elles illustrent la séparation fondamentale entre la responsabilité pénale et la responsabilité politique des ministres. Elles illustrent la nécessité de renforcer les organes de contrôle de l’action gouvernementale, notamment en ce qui concerne la déontologie. Elles illustrent aussi l’importance des commissions parlementaires dans leur rôle d’acteur dans l’engagement de la responsabilité politique des ministres.
Ainsi, plusieurs réformes sont nécessaires pour recoller à la lettre de la Constitution de 1958 afin de retrouver la morale constitutionnelle propre aux démocraties saines. Il convient donc de supprimer la CJR mais également de « réinvestir l’opinion publique comme lien juridique entre le représenté et le représentant ».
Selon Céline Roynier :
Cela permettrait de rétablir la continuité de la chaîne de responsabilité allant de l’administration au peuple : les fonctionnaires sont responsables devant leur ministre, qui l’est lui-même directement devant le Parlement, dont les membres sont eux-mêmes responsables devant les représentés. Cela aboutirait à un découpage très fin de la participation de tous à l’action politique commune, ce qui aurait nécessairement pour effet de responsabiliser chacun à l’égard des intérêts de tous, et peut-être même de contribuer à mettre fin au « désenchantement » de la vie politique dans les régimes représentatifs démocratiques. Solution juste, démocratique et logique que permet la responsabilité politique des ministres.
Tres intéressant . Nous voyons bien que les anglais ont une culture de responsabilité . De notre côté nous organisons l’irresponsabilité . C’est peut être ça qui devrait être inscrit dans notre constitution : le principe d’irresponsabilité, juste à côté du principe de précaution, ça aurait une gueule d’enfer . Ca aurait le mérite de la vérité . Je ne sais pas pour vous , mais enfant , quand je faisais une bêtise , il valait mieux pour moi ne pas dire « c’est pas ma faute » « c’est pas moi c’est l’autre » .
Parler de culture de responsabilité anglaise relève de la cocasserie pure puisque les britanniques ont voté pour le brexit et ensuite pour B Johnson avec une majorité absolue jamais atteinte même par M Thatcher grâce à des victoires dans des bastions travaillistes depuis 40 a 50 ans ans…….soyons sérieux……😄😄😄
que voulez vous dire par là ?en quoi cela infirme t il l’assertion que les anglais ont une culture de responsabilité??