La « fête des gens qu’on aime », nouvel avatar de la discrimination

La « fête des gens qu’on aime » est la nouvelle lubie destinée à lutter contre les discriminations et à poursuivre l’œuvre de « déconstruction ».

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La « fête des gens qu’on aime », nouvel avatar de la discrimination

Publié le 31 mai 2022
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Il y avait eu l’affaire des sapins de Noël. Avec son souhait d’instauration d’une « charte des droits de l’arbre ». Mais aussi les déboulonnages de statues, les suppressions de calvaires, et bien sûr aussi les « déconstructeurs » en tous genres. Le tout dans un esprit de victimisation prêt à tout pour faire régner la terreur, au profit de la volonté féroce de remettre en cause nos valeurs « passées » et d’en imposer de nouvelles, basées sur le reniement de siècles d’évolutions lentes, de pensées, de réflexions philosophiques, de traditions, d’histoire, de science, et au détriment de la liberté d’expression.

Les contempteurs de notre civilisation ne sont jamais à court d’idées. Voici donc maintenant qu’ils nous inventent la « fête des gens qu’on aime », nouvelle lubie destinée à lutter contre les discriminations et à poursuivre l’œuvre de « déconstruction ».

 

Ne dites plus « la fête des mères »

Car il y avait une sorte de discrimination, contre laquelle se sont semble-t-il érigées un certain nombre d’écoles en France, à célébrer les mamans, alors même que certains enfants ont connu l’immense tristesse de perdre la leur. Ou pour d’autres considérations plus dans l’air du temps dont je vous laisse apprécier la diversité.

Mais ce qui nous interpelle ici surtout est cette ténacité à pourchasser tout ce qui fait ou a fait notre culture pour tenter d’y substituer une sorte de no man’s land inconsistant, sans saveur et sans passé, où tout se vaut et où tout peut rapidement devenir suspect. À commencer par une transformation du vocabulaire, dont nous montrions récemment encore la perversité dans l’évocation de la Révolution française à travers le roman d’Anatole France Les dieux ont soif.

 

Une culture et une civilisation en péril

Allons-nous renoncer à la liberté ? demandait Carlo Strenger. Ou à la démocratie telle que nous l’avons connue ? (Chantal Delsol et Myriam Revault d’Allonnes). Dans une excellente émission que je vous conseille d’écouter, Alain Finkielkraut nous invite à nous intéresser à ce petit livre que nous avions déjà présenté, Un occident kidnappé, de Milan Kundera qui est riche de leçons.

« J’ai beaucoup réfléchi à cette réflexion de Kundera : « La culture cède la place ». Et je me demande, depuis que j’ai lu ce texte, « à quoi la culture cède-t-elle la place ? ». Mon hypothèse actuelle est que la culture cède la place, curieusement, à la démocratie. Non pas à la démocratie entendue comme régime politique, fondé sur le suffrage universel et la séparation des pouvoirs, mais la démocratie selon Tocqueville, comme mouvement, comme processus d’égalisation des conditions. Parce que nous entrons, justement, dans le monde du « Tout est égal ». Aucune hiérarchie ne vaut, on n’a pas le droit de préférer Beethoven à Booba, un rappeur, c’est faire preuve de préjugé, d’élitisme, voire pire. À ce moment-là, si tout se vaut, la culture n’a pas sa place, tout devient culturel et à ce moment-là l’industrie culturelle, la culture de masse, triomphe. C’est-à-dire, comme l’a écrit Gilles Lipovetsky, « L’Empire de l’éphémère ». On consomme des produits comme on mange des aliments, dans un mouvement sans fin, et c’en est fait de la culture. Voilà peut-être le moment historique dans lequel nous sommes entrés. »

 

Refuser le narcissisme de notre temps

L’Europe est non pas à concevoir comme une construction, selon Kundera, mais comme une civilisation. Fondée sur sa culture. C’est là qu’il nous interpelle sur ce dont nous n’avons pas conscience, sous-estimant notre fragilité et la sauvegarde de notre identité. Comme d’autres cultures et identités peuvent disparaître, sous l’assaut de leurs ennemis. Lisant un passage de l’intervention de Kundera, dans laquelle celui-ci donne une définition du vandalisme, Alain Finkielkraut constate qu’elle s’adapte parfaitement au wokisme, et au narcissisme de notre temps. La conférence de Kundera, juge-t-il, est à même de nous éclairer sur nous-mêmes.

« Le vandale, c’est la fière étroitesse d’esprit qui se suffit à elle-même et est prête à tout moment à réclamer ses droits. Cette fière étroitesse d’esprit croit que le pouvoir d’adapter le monde à son image fait partie de ses droits inaliénables. Et vu que le monde est majoritairement composé de tout ce qui la dépasse, elle adapte le monde à son image en la détruisant. Les hommes qui ne vivent que leur présent contextualisé, qui ignorent la continuité historique et qui manquent de culture, sont capables de transformer leur patrie en un désert sans histoire, sans mémoire, sans écho et exempt de toute beauté. »

Il est un fait que nous avons de bonnes raisons de nous inquiéter, et de refuser de vouloir céder à ces tendances destructrices à l’œuvre, de plus en plus nombreuses qui, sous leur aspect anodin, constituent une véritable œuvre de destruction et de nihilisme.

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  • Avatar
    jacques lemiere
    31 mai 2022 at 7 h 25 min

    ce n’est pas déconstruire la société qui me pose problème.. c’est qui la déconstruit et comment..

    une « élite » qui la déconstruit via l’autorité de état a n’a rien à voir avec une poignée des gens qui changent la société via l’exemplarité et le débat.
    sans parler des wokes et cie..
    il ya une grande différence entre le scientifique qui vient exiger la vaccination obligatoire.. et le scientifique qui promeut la vaccination. en expliquant les avantages , les inconvénients et les limitations de son savoir…

    • Avatar
      jacques lemiere
      31 mai 2022 at 7 h 30 min

      personne n’ets entièrement altruiste ou narcissique…

      le communisme poussait à l’atruisme TOTAL…
      et il n’y pas pas de position de curseur « correcte ».. ée.

  • La culture cède la place à la démocratie, nous assène Fink. Ce qui m’amène à la question du jour : à quoi l’intelligence de Fink a-t-elle cédé la place ?
    Car le wokiste est le barbare des temps modernes et j’ai un mal infini à me le représenter, quel que soit le sens du mot qu’on lui prête, en démocrate. La démocratie n’est si son but, si sa méthode.

    • Je suis d’accord avec vous Abon . Car nous ne sommes plus en démocratie . Macron a été élu par grossière manipulation judiciaire/ médiatique voire étrangère , il se maintient par perversion de notre système électoral (majoritaire à 2 tours) puisqu’une forte majorité de gens n’en voulait pas . On voit ici chez Fink le mépris des masses , notre mépris . Alors que les élites sont coupables , mille fois coupables , car ce sont elles qui -comme d’habitude- s’allient aux vandales pour asservir le peuple (la majorité) comme à la grande époque stalinienne ou hitlérienne . Fink me déçoit beaucoup . Comme beaucoup de nos intellos, il nous méprise et nous hait. . Je préfère mille fois un Michel Onfray , même si nous différons sur les moyens à mettre en oeuvre.

  • « Non pas à la démocratie entendue comme régime politique, fondé sur le suffrage universel et la séparation des pouvoirs, mais la démocratie selon Tocqueville, comme mouvement, comme processus d’égalisation des conditions. Parce que nous entrons, justement, dans le monde du « Tout est égal ». Aucune hiérarchie ne vaut, on n’a pas le droit de préférer Beethoven à Booba, un rappeur, c’est faire preuve de préjugé, d’élitisme, voire pire. »
    J’ai pas compris le rapport entre la notion de démocratie « tout égalitaire » de Tocqueville qui me semble être un bon gars, et le fait que ça fait préjugé de préférer Beethoven ou Booba… Je ne vois pas en quoi le fait d’avoir une démocratie dans laquelle on est tous égaux (mais vraiment hein, pas en fonction de sa couleur de peau ou genre par exemple) empêche d’avoir des opinions différentes.

    • Je pense que Finkielkraut cherche à faire passer l’idée que préférer Booba à Beethoven devrait faire l’objet d’une interdiction non discutable, c’est comme ça que je le comprends.

      • Ceux qui préfèrent Booba sont donc tous climatosceptique et antivax ? 😀

        • Faut demander à Finkielkraut… j’imagine qu’ils sont antisémites pour commencer, c’est le premier de ses démons qui me vient à l’esprit.

    • C’est notre étroitesse d’esprit qui nous empêche de bien comprendre.

    • Que voulez-vous comprendre à un gars dont la pensée est défaite ?
      Dès l’instant où il tente d’expliquer que la démocratie, sous un certain angle, est un mode dégradé de la culture, sinon un déchet, il faut passer à autre chose.
      Ps : Le positionnement de Fink me rappelle la notion de « musique cultivée » fort bien décrite par Baricco dans « L’âme de Hegel et les vaches du Wisconsin » :
      – « Ideologiquement, c’est à ce moment [l’auteur fait référence à Beethoven, justement] que naît l’idée de « musique cultivée ». Elle naît pour enregistrer l’écart soudain qui voit une tradition musicale se placer au-dessus des autres et s’attribuer, en plus de la suprématie sociale, une suprématie spirituelle. »
      Et toc, le suprémaciste Fink est démasqué. Voilà pourquoi la démocratie n’est pas son fort, ni en aspiration, ni en définition.

      -1
  • Je ne suis pas certain qu’il faille absolument imposer une « fête des gens qu’on aime » ou une « fête des mères ». Je pense qu’il est absolument possible de préférer Beethoven à Booba, par contre imposer cette préférence me semble étrange… comme le dit Finkielkraut la culture est la convocation de la Raison, à partir de là la préférence de Beethoven sur Booba est un résultat et non une hiérarchie arbitraire et d’origine inconnue à laquelle il faut se soumettre : je conseille à Finkielkraut la lecture de Finkielkraut, il est très bon sur ce sujet même s’il oublie parfois ce qu’il a écrit au chapitre précédent.
    Toute démocratisation se construit sur une base matérielle, sur la diffusion des moyens, et il est vrai que désormais Contrepoints et d’autres peuvent relativement facilement et à peu de frais publier des articles au même titre que de grandes entreprises industrielles.
    Plus globalement, dans un pays relativement libéral, il y a des cycles de construction-déconstruction qui s’enchaînent, au niveau de la création, des rites et un peu de tout. En fait c’est complètement la culture occidentale, et justement appeler au respect intransigeant d’une hiérarchie culturelle éternelle… c’est un peu vouloir se soumettre à une culture qui n’est pas la notre.

    • Bien vu.
      Fink devrait méditer cette sentence de Picasso : « Ne jamais contredire un c.n, si on attend un peu, il le fera de lui-même ».

  • D’accord avec le discours de Fink mais absolument pas avec « la culture de masse, triomphe. » Elle a bon dos la masse. Qui nous impose Booba ? Qui nous impose ses artistes « progressistes » et les œuvres transgressives dans Versailles , Paris ou partout ailleurs ? Qui plastronne à Cannes pour défendre la « culture » du rodéo urbain ? Vous savez ce qu’elle en pense la masse ? Elle pense que ce sont les élites qui sont à la masse .

    • « Vous savez ce qu’elle en pense la masse ? Elle pense que ce sont les élites qui sont à la masse. »
      J’aurais bien aimé la trouver celle-là. Cette formule résume tout.

      • « Cette formule résume tout »???
        Certes, mais la masse dans son ensemble, de tout temps et en tout lieux a toujours espéré et souhaité l’existence d’élites.
        Les élites ne sont aucunement le fruit du hasard.
        Une sorte de hiérarchie déterministe existe concernant la plupart des espèces vivantes dont l’homme fait partie intégrante, c’est ainsi…….

  • La connerie humaine a de beaux jours devant elle avec les woks et les autorités en place qui n’ont pas le courage de les affronter comme madame von der Leyden par ex ou son ami, notre très aimé président!

  • Un grand merci à l’auteur de cet article pour son conseil d’écouter chaque samedi matin l’excellente émission d’Alain Finkielkraut : »Répliques ».
    Que l’on apprécie ou non ce philosophe, force est de constater que ce genre d’émissions, trop rares, permet d’avancer dans la réflexion et l’esprit d’ouverture souhaité par France culture.
    L’exercice intellectuel du philosophe de penser notre temps est loin d’être inutile, même si notre époque à tendance à considérer que les intellectuels ne sont pas sur les rayons parmi les objets qu’on préfère…….

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