La prostitution : sujet oublié de la présidentielle (I)

Dans un contexte marqué par des pensées radicales dont le néoféminisme, l’absence de débat et de discussion autour de la prostitution paraît surprenant.

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Prostitution à Paris (Crédits Nils Hamerlinck, licence creative Commons)

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La prostitution : sujet oublié de la présidentielle (I)

Publié le 13 mars 2022
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Bien que l’on puisse observer ici et là des candidats parlant de la prostitution, dans un contexte marqué par des pensées radicales dont le néoféminisme, l’absence de débat et de discussion autour de la prostitution paraît surprenant. Pourtant, la prostitution et la dignité des personnes prostituées et des travailleurs du sexe ne doit pas être un non-sujet.

Brève histoire de la prostitution

L’Histoire nous enseigne que la prostitution est aussi vielle que l’humain. En effet, 3000 avant Jésus-Christ en Mésopotamie, on trouve déjà des tablettes décrivant l’activité prostitutionnelle, ses us et coutumes et l’on voit comment étaient traités celles et ceux qui exerçaient ce métier. Bien que marginalisées et méprisées, les prostituées appartenaient à cette culture raffinée, à laquelle seule une élite avait accès. Ce n’est qu’avec Solon, fondateur d’Athènes, que la prostitution va avoir une place bien à elle dans la société Antique. Ainsi, dans les villes athéniennes sont créés des établissements municipaux où argent et sexe se confondent. La prostitution devient même sacrée et se joint à l’hospitalité. Les hommes qui la pratiquent, les hiérodules, en espèrent alors un renforcement de leur vigueur sexuelle, et un renforcement de leur capacité reproductive, car rappelons-le, les hiérodules étaient infertiles ou atteint d’un dysfonctionnement sexuel, et ce dans une société où la fertilité a une place importante.

Louis IX, devenu Saint Louis, mettra en place une politique répressive avant de rétropédaler. En effet, son édit de 1254 prévoyait notamment l’exclusion des prostituées, la fermeture de leurs maisons et la vente de leurs biens. Devant les jacqueries provoquées par cet édit, il accepte le retour des prostituées mais loin des villes. Elles s’installeront à l’extérieur, dans des bordes, on les baptisera les bordelières, l’ancêtre du bordel.

Au XIXe siècle, la lutte contre la prostitution se poursuit. Bien qu’inefficace, elle contribue à précariser le statut de ces femmes, déjà mis à mal par le statut de la femme dans le Code civil de 1804. Cependant, la lutte ne se fera plus sur le plan pénal mais sur le plan médical. En effet, les prostituées sont régularisées et contrôlées, notamment pour éviter la syphilis.

Les systèmes de pensées autour du fait prostitutionnel

Trois principales pensées recouvrent la prostitution.

Le réglementarisme

L’activité est considérée comme légale et sa pratique doit être encadrée, sécurisée, accompagnée dans des lieux dédiés ou non, avec un suivi médical. Il s’agit de considérer la prostituée comme un travailleur à part, avec des droits et des devoirs.

Le prohibitionnisme

Son objectif est d’éradiquer la prostitution et donc d’incriminer tous ses acteurs.

L’abolitionnisme 

Ce courant a fait l’objet de variations dans le temps. Initialement, il visait la disparition de toutes les réglementations structurant la prostitution, par exemple la suppression des obligations sanitaires. Il se rapproche aujourd’hui du mouvement prohibitionniste. Dès lors, mieux vaut parler des néo-abolitionnistes pour préserver l’abolitionnisme historique.

L’arsenal législatif du fait prostitutionnel

Depuis 1946 la prostitution a fait l’objet de nombreuses lois. Il convient d’en faire succinctement le tour avant de s’intéresser d’un peu plus près aux acteurs de cette activité.

Le 13 avril 1946, la loi de Marthe Richard interdit les maisons closes et vise à les fermer. La lutte contre le proxénétisme est adoptée. Cette loi est très sévère à l’encontre des personnes prostituées. Cette sévérité et son manque de précision la rendront peu appliquée.

En 1958, une nouvelle loi vient l’adoucir notamment au sujet du racolage sanctionné d’une simple contravention.

À partir de 1975, le racolage passif sera distingué du racolage actif, le premier étant logiquement moins sanctionné que le deuxième.

La Loi Sarkozy de 2003 transformera le racolage public en infraction délictuelle et l’infraction contraventionnelle de troisième et cinquième classe disparaîtra.

Le proxénétisme étant reconnu depuis l’ordonnance de 1958, les sanctions pénales l’entourant ont évolué, la loi de 2003 précédemment citée a aggravé les sanctions.

En 2016, l’infraction de racolage a été abandonnée pour la sanction du client. Dès lors, la prostitution est aujourd’hui dans un entre-deux insécurisant. L’activité est légale mais utiliser les services d’une prostituée ne l’est pas.

Brève sociologie du fait prostitutionnel

Les personnes prostituées

Les personnes prostituées regroupent à la fois des femmes, des hommes et des transsexuels, bien que la majorité des personnes prostituées soient des femmes.

Les personnes prostituées déclarent leur revenu au fisc, payent des impôts sur le revenu et les diverses taxes nationales. Il est difficile de calculer le nombre de prostitués en France du fait des différents modes de calculs existants.

La Grande-Bretagne a pris en compte toutes les dépenses effectuées par les prostitués pour ensuite en faire une moyenne, arrivant ainsi à 61 000 prostitués.

En France, selon certains organismes, ils seraient entre 30 et 40 000. Mais là encore, les modes de calculs sont très différents. La part d’immigrés dans le total de prostitués en Grande-Bretagne s’élève à 9,6 %. En France, cette part est souvent comprise entre 12 à 25 % selon les organismes.1

Trois catégories de prostitués se sont dessinées au fil des années.

  • ceux dépendant d’un proxénète, qui représenterait entre 10 à 17 % des prostitués,
  • les prostitués libérés des proxénètes, représentant entre 35 et 40 %,
  • les indépendants, représentant entre 40 à 45 %.

 

Il convient de ne pas négliger la part de prostitués issus de l’immigration, et ce hors réseaux mafieux. En effet, parmi les immigrés, plus de la moitié viennent du continent africain. C’est dans ce contexte de misère et d’espoir d’une vie meilleure que certaines femmes sont incitées à fournir un service sexuel contre rémunération. Elles peuvent venir d’un pays pauvre où la famille attend de l’argent pour pouvoir se nourrir. On ne peut donc pas s’attaquer aux réseaux sans prendre en compte la réalité des flux migratoires alimentés par la pauvreté des pays d’origine.

La personne prostituée étrangère est loin d’être une victime de la traite, de l’esclavage, de mauvais traitements ou autres. Sans minorer la part des victimes de violences, les prostitués immigrés sont souvent dans la deuxième catégorie, libérés de leur proxénète après avoir payé la dette de passage, dans l’attente d’être régularisés. 82 % seraient des femmes, 15 % des hommes et 3 % des transsexuels.

Les proxénètes

Le proxénétisme est une activité illégale avec un chiffre d’affaires de 21 milliards d’euros par an dans le monde selon l’OCTREH (Organisme contre la traite des êtres humains).

Un proxénète peut être considéré comme un intermédiaire entre le client et la personne prostituée. La sociologie en distingue deux sortes :

  • le proxénétisme de soutien (ami, conjoint) ayant pour objectif de soutenir la personne prostituée dans ce choix d’activité.
  • le proxénétisme de contrainte, la personne prostituée devant enrichir le proxénète contre sa volonté.

 

Le client

La clientèle des personnes prostituées englobe toutes les catégories d’âges, la plus représentée étant celle des 35-55 ans. La part des 18-25 ans clients a augmenté de 15 % entre 2005 et 2010. La part des femmes clientes est de l’ordre de 12 %.

 

Le second article traitera de notre vision souvent simplificatrice de la prostitution qui néglige les différents aspects qu’elle recouvre.

  1. Voir Janine Mossuz-Lavau, La prostitution, Dalloz
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  • « les prostitués libérés des proxénètes, représentant entre 35 et 40 %,
    les indépendants, représentant entre 40 à 45 % »
    Quand je pense que certaines harpies du PS ont tenté de faire croire que les prostituées étaient de pauvres victimes de l’exploitation humaine que l’Etat devait secourir en pénalisant leurs clients…
    Quand je pense aussi aux mêmes et à d’autres qui expliquaient que le délit de racolage passif était une monstruosité sarkozienne qu’ils supprimeraient dès leur prise de pouvoir, faisant croire aux naïfs qu’ils donneraient aux travailleuses du sexe un vrai statut comme le réclame la profession depuis des années, et aux organismes humanitaires qu’ils régleraient la question de la précarisation, alors que cela a été encore pire après…

  • L’absence de la prostitution des débats de campagne n’est pas surprenante. C’est un problème qui n’a, en pratique, jamais pu être politiquement résolu. À part multiplier les interdictions et les punitions qui, il est prévisible, ne résoudront presque rien… C’est plutôt un sujet qui est du domaine de la famille et de la société. Autrefois, la misère fut la principale pourvoyeuse de cette lèpre. De nombreuses associations, principalement religieuses, en avaient réduit considérablement l’étendue. Aujourd’hui, on se retrouve devant l’appât du gain, l’appétit du « toujours plus », la déliquescence des mœurs, et toujours une certaine misère. Cela fait beaucoup de fronts. On devrait plutôt s’étonner qu’on ne parle jamais d’instaurer une éducation morale de l’individu, mais on craint d’en parler publiquement pour ne pas s’obliger à revenir aux fondamentaux et ne pas voir agiter le spectre des « libertés bafouées ». Là aussi, on a préféré faire des lois pour remplacer ses règles.

  • Les commentaires sont fermés.

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