Le Conseil constitutionnel demande des juristes, pas des politiciens retraités

Plutôt que des nominations politiques, il serait bien de nommer au Conseil constitutionnel des juristes indépendants.

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Laurent Fabius - COP21 - Crédit photo : Ministrerio del Ambiente Peru (CC BY-NC-ND 2.0

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Le Conseil constitutionnel demande des juristes, pas des politiciens retraités

Publié le 17 février 2022
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Le Conseil constitutionnel n’est pas une institution anodine de notre ordre juridique. Comme le rappelait son président en 2021, il est le garant libéral de l’État de droit. Pourtant, sa composition ainsi que les nouvelles nominations annoncées soulèvent des questions, notamment sur l’indépendance de ses membres.

En effet, un rapide aperçu démontre des liens ténus entre les membres du Conseil et l’exécutif et plus généralement la sphère politique. Pour remédier à cela, il serait nécessaire de nommer des juristes (magistrats et professeurs de droit) plutôt que des politiciens.

 

Des nominations de personnes ayant eu des fonctions exécutives

Conformément à la procédure, le président Macron, le président de l’Assemblée nationale Richard Ferrand et le président du Sénat Gérard Larcher ont chacun choisi un membre pour siéger au Conseil constitutionnel (neuf ans non renouvelables) afin de remplacer trois membres en fin de mandat.

Emmanuel Macron a choisi Jacqueline Gourault actuelle ministre de la Cohésion des territoires. Elle a fait des études d’histoire et de géographie.

Richard Ferrand a choisi Véronique Malbec, actuelle directrice de cabinet du ministre de la Justice. Elle est toutefois magistrate et ancienne Procureur générale de la cour d’appel de Rennes. Néanmoins comme le rappelle Le Monde, elle était la supérieure du « procureur de Brest lorsque celui-ci a décidé le 13 octobre 2017 le classement sans suite de l’enquête préliminaire concernant l’affaire des Mutuelles de Bretagne ». Affaire qui visait Richard Ferrand…

François Larcher a choisi François Seners, Conseiller d’État (donc membre du Conseil d’État). Il a toutefois occupé des fonctions ministérielles et administratives dans le passé.

Les trois membres ont exercé lors de leur carrière des fonctions dans l’exécutif. Pire tous n’ont pas fait d’études de droit.

La continuité des nominations politiques au Conseil constitutionnel

Ces propositions de nominations ne doivent pas surprendre, elles sont la continuité de nominations favorisant le politique par rapport au juridique.

L’actuel président du Conseil constitutionnel, Laurent Fabius est un ancien ministre et Premier ministre. Il a fait ses études à SciencePo Paris et l’ENA. Un parcours similaire pour Alain Juppé lui aussi membre du Conseil. Plus problématique, ce dernier a été condamné par la Justice.

Étant donné que le casier judiciaire est souvent requis pour des postes de fonctionnaires, la nomination d’un ancien condamné est critiquable.

Enfin, n’oublions pas que les anciens présidents de la République sont, de droit, membres à vie du Conseil. Néanmoins, Nicolas Sarkozy comme François Hollande ont renoncé à siéger.

 

Et l’indépendance de la Justice constitutionnelle ?

Ces différents éléments montrent que le Conseil a du mal à être indépendant du pouvoir politique. Cette situation s’explique par le fait que cet organe n’a pas été conçu en 1958 comme une vraie cour garante de la protection des libertés fondamentales à l’instar de ses homologues européennes et américaines.

Si le Conseil a pu gagner en puissance pour renforcer son rôle dans la protection des libertés publiques, le poids politique venant de l’exécutif reste fort.

Ce point est d’autant plus dérangeant à l’heure où le président Macron critique d’autres pays européens sur l’indépendance de la Justice. De nombreux juges constitutionnels français n’ont pas une formation juridique, ce qui est problématique dans l’exercice d’une telle fonction.

En comparaison, les membres de la Cour Suprême des États-Unis sont tous des juristes avec d’importantes carrières de magistrats et de professeurs. Si certains ont eu des expériences dans l’administration des présidents passés, le cœur de leur carrière était dans le domaine du droit et dans le pouvoir judiciaire.

Même chez la très critiquée Pologne, tous les membres de la Cour constitutionnelle ont fait des études en droit, et un nombre non négligeable ont un doctorat.

Il est utopique de faire disparaître la dimension politique dans la nomination des juges constitutionnels. Et celle-ci est d’ailleurs là dans le cadre libéral de l’équilibre des pouvoirs. Mais avoir une cour de juristes et pas de ministres et d’administrateurs semble être le minimum requis pour la crédibilité de la justice constitutionnelle.

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  • Pour Fabius, il faut lui reconnaître une habileté en casuistique dans l’affaire du sang contaminé. Même si ce n’est pas lui qui l’a prononcée, la formule  » responsable mais pas coupable », de Georgina Dufoix, lui colle à la peau

  • Le Conseil Constitutionnel est un organe politique qui émane de la technocratie, envahissante dans les postes élus, et qui la protège. L’orientation actuelle de ses décisions montre qu’à l’instar des parlementaires, il est un conseil godillot envers sa caste. Il se sert d’ailleurs lui aussi des indemnités illégales. Entre prélèvements insensés, maîtrise électoraliste de la redistribution et assemblées de connivence, nous ne sommes décidément plus en démocratie.

  • je ne sais pas ; à mon opinion, étant donné que je suis un citoyen donc.. que MES libertés et mes droits fondamentaux sont régis par la constitution, je devrais pouvoir être membre du conseil constitutionnel..

    si la constitution que je dois respecter est incomprehensible pour moi..problème..

    si vous voulez on commence à voir des lois qui comportent des jugements de valeur
    tel l’ ecocide..

    la loi comporte des mots comme « grave » ou « important ».. POUBELLE…

    je ne VEUX pas jouer à un jeu si je ne peux pas comprendre les règles!!
    c’est aussi simple que ça;..

  • En un sens le CC remplit largement son rôle puisqu’il a été créé en 1958 pour faire dire à la Constitution ce qu’elle ne dit pas afin de libérer qui-vous-savez des contraintes explicites de la DDHC. Pas étonnant qu’elle soit peuplée de politiciens fidèles plutôt que de juristes objectifs.

  • Il faut bien caser ces politiciens tomber en désuétudes.

  • Lorsqu’on sait que les membres du Conseil C. sont appelés « sages », c’est à dire une personne compétente et indépendante, la réalité fait sourire. Encore une de nos institutions Canada Dry !
    En même temps, notre constitution est ambivalente alors qu’espérer d’autre. Et que dire de notre hymne national et sa rocambolesque origine !

  • Le conseil constitutionnel actuel n’a plus rien à voir avec celui en vigueur lors de sa création. Il est donc normal que ses membres fassent retourner De Gaulle dans sa tombe. D’autany plus qu’il joue de plus en plus contre les intérêts nationaux!

  • Appelons un chat un chat, il ne me semble pas qu’on prenait autant de précautions oratoires pour décrire des régimes corrompus d’autres pays. Les « gardiens » sont les amis de ceux qu’ils sont censés contrôler, ce n’est même plus du conflit d’intérêt à ce niveau.
    C’est une dérive totalitaire, comme les médias « publics » ou les « parrainages » qui est l’adoubement du futur monarque par la petite noblesse d’état, le scrutin ouvert offrant une possibilité de menacer les séditieux.

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