Emploi et insertion, ce n’est pas qu’une question de pouvoir d’achat

Télétravail, auto-entrepreneuriat, apprentissage, la pandémie a changé les habitudes du monde du travail ainsi que l’emploi et l’insertion.

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Emploi et insertion, ce n’est pas qu’une question de pouvoir d’achat

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 13 février 2022
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Sachant qu’ils passent en moyenne quasiment 100 000 heures de leur vie à travailler, l’évolution du monde professionnel devrait passionner les Français… et donc nos candidats à la présidentielle. Or, à moins de deux mois d’un scrutin qui va peser sur notre avenir pendant cinq ans, la question du travail et de l’emploi est bien peu présente du discours des politiques qui la cantonnent à la seule question du pouvoir d’achat. C’est certes important mais pas que.

Ces deux années ont bouleversé le monde du travail et ce n’est qu’un début : télétravail, auto-entrepreneuriat, apprentissage ont explosé, tandis que la technologie ouvrait toujours plus grand le champ des possibles. Et dans cinq ans, le monde du travail sera certainement sans grand rapport avec celui imaginé dans les programmes présidentiels.

Le premier bouleversement est sans doute celui du télétravail. On en parlait depuis des dizaines d’années. La pandémie nous a mis devant la responsabilité de le mettre en place immédiatement. Quatre Français sur 10 ont eu l’occasion de le tester (Enquête Harris Interactive de juin 2021) et beaucoup ont été obligés de s’y plier.

Oui, dans ce domaine, il y aura un « monde d’après ». Cela bouleverse le management, la santé au travail, l’ergonomie, l’attachement des salariés à leur entreprise, les équilibres géographiques, la question du logement… et même les propositions liées au pouvoir d’achat. Les candidats nous proposent encore des mesures sur les heures sup’. Génial, mais comment mesurer les heures sup’ de salariés installés dans leur salon ?

Aujourd’hui, selon une enquête pour le ministère du Travail, seuls 44 % des salariés estiment ne pas pouvoir passer au télétravail quand 21 % n’y voient pas d’inconvénient (Harris Interactive décembre 2021).

Mais notre société est-elle prête pour s’organiser avec la moitié de la population en télétravail ?

Les logements sont-ils équipés ? Un créateur d’entreprise peut déduire une partie de ses frais, voire une part de son loyer. Quid du salarié ? Les villes de périphérie qui voient affluer de nouvelles populations et qui n’ont plus la possibilité d’adapter leur taxe d’habitation pourront-elles faire face aux nouveaux besoins en matière d’infrastructures, de services ? Quels seront les impacts sur la santé et les conditions de travail ? Quand on travaille sur le tabouret de la cuisine à quoi servent les nombreuses études consacrées chaque année aux troubles musculo-squelettiques… Comment manager, suivre les salariés, les motiver quand on ne les voit jamais ?

Les questions sont évidemment multiples et les entreprises comme les salariés imposeront à la puissance publique d’apporter des réponses concrètes allant au-delà du simple « chèque équipement ».

 

Télétravail, temps de travail, le monde professionnel change dans l’indifférence

Et si la localisation de l’employé est un sujet, le temps qu’il consacre à ses missions en est un autre. Les réflexions sur le temps de travail qui clivaient notre débat politique depuis 50 ans semblent avoir aujourd’hui disparu. Et pourtant… La Grande-Bretagne lance en ce moment un pilote de test de la semaine de 4 jours. Pas dans une logique malthusienne de partager un hypothétique gâteau de travail façon Martine Aubry, mais dans une recherche d’efficacité et de productivité.

L’expérience mérite d’être suivie. Il est plus que jamais intéressant de réfléchir à la productivité de notre modèle. La différence de coût horaire entre la France et ses voisins a diminué alors que la balance de nos échanges continuait à se dégrader, peut-être est-ce le moment d’aller chercher ailleurs des idées d’évolution de nos organisations et de nos pratiques.

Est-il tabou de se poser la question de la poursuite de nos sacro-saintes 35 heures en 5 jours partout ? Peut-on se demander si, dans le contexte actuel, le droit du travail doit ou non garder son aspect monolithique de Bastia à Dunkerque ? La situation ne doit-elle justement pas, au contraire, nous pousser à promouvoir toutes les expérimentations afin d’inventer, avec les acteurs de terrain, de nouveaux modèles et de nouvelles organisations optimisées.

La technologie aussi entre dans la danse. On peut rigoler en voyant Facebook se passionner pour le Métavers, ce monde virtuel ou votre avatar pourra se balader selon vos désirs, faire ses courses, s’amuser… ou travailler. Mais imaginez-vous que Facebook investit plus de 50 millions de dollars sur le sujet pour permettre à quelques techno-addicts de jouer avec des chats numériques ?

Il y a déjà des entreprises qui construisent des espaces sur le Métavers pour permettre aux télétravailleurs de retrouver une ambiance professionnelle conviviale et efficace. Mark Zuckerberg se donne dix ans pour que ce soit complètement développé.

C’est dès maintenant, dès ce quinquennat, qu’il faudra suivre les avancées de ce nouveau mode d’échanges pour éviter de rater encore un train en rêvant du minitel. On peut notamment imaginer une accélération de la digitalisation de certains métiers. Ce choc technologique est bel et bien là et impacte tous les secteurs professionnels. Même celui d’avocat est aujourd’hui concurrencé par l’intelligence artificielle. Imagine-t-on un seul instant comment va se passer le mariage du Métavers et de l’intelligence artificielle alors que certains politiques, comme Madame Hidalgo, en sont encore à s’interroger sur le risque que les distributeurs automatiques de billets de trains font courir à l’emploi !

Autre bouleversement de fond : l’explosion de l’auto-entrepreneuriat. On comptabilise en France 2,23 millions d’auto-entrepreneurs, une augmentation de plus de 17 % en un an. Aujourd’hui, dans notre pays pourtant hyper-étatisé, les fonctionnaires ne représentent qu’un peu plus du double des auto-entrepreneurs.

À part les communistes qui rêvent de les intégrer dans le salariat plus facile à syndiquer, qui s’intéresse à ce phénomène majeur ? Reconnaissons que le gouvernement actuel a substantiellement fait évoluer la question du statut social de l’auto-entrepreneur mais sans aucune vision prospective. Où veut-on collectivement aller ? Est-ce un modèle à promouvoir ou un moindre mal ? Est-ce une étape transitoire vers la « vraie entreprise » ou le salariat, ou une forme de liberté qui permet à chacun d’améliorer nettement son pouvoir d’achat en travaillant plus ? Les plus taquins pourront aussi se demander s’il est tout à fait normal que l’auto-entrepreneuriat soit devenu en France un meilleur ascenseur social que l’école de la République…

 

Une réussite en trompe-l’œil de l’apprentissage et l’oubli des seniors

Tout le monde reconnait les vertus de l’apprentissage en matière de formation et d’insertion professionnelle. Et l’on fait tous semblant de croire qu’il a connu un réel essor ces deux dernières années. Il est vrai que la croissance a été spectaculaire : une augmentation de 42 % du nombre d’apprentis en 2020 et 37 % en 2021. Mais, la réalité, c’est que les mesures du Plan un jeune une solution ont permis de réduire à presque rien le coût pour l’entreprise de la rémunération d’un apprenti. Il s’agissait d’une mesure d’urgence pour pallier la difficulté d’insertion des jeunes en pleine pandémie.

Et, du coup, on se félicite qu’un service, cher hier et devenu quasiment gratuit, bénéficie d’une forte croissance. C’est le contraire qui aurait été étonnant ! Mais quelle est la part d’effet d’aubaine de cet engouement ? Quelle est la temporalité de la mesure ? L’apprentissage « gratuit » pour l’entreprise est-il devenu la règle permettant à des études secondaires de se professionnaliser ? On rappellera que cette mesure coûte plusieurs milliards à l’État et s’inscrit pour l’instant dans une approche très ponctuelle de post pandémie. Que fera-t-on des jeunes que l’on incite à se tourner vers l’apprentissage si demain, les mesures d’exception rangées au placard, les entreprises n’acceptent pas de payer pour les former et que l’on retombe de 700 000 postes d’apprentis à moins de 400 000 comme avant la crise sanitaire ? (Source : ministère du Travail )

Dernier sujet, mais il y en a bien d’autres, la hausse tendancielle des chômeurs de plus de 45 ans. Comment peut-on sérieusement disserter partout sur la réforme des retraites et de l’emploi des jeunes sans se préoccuper du fait que près de 4 demandeurs d’emploi sur 10 ont plus de 45 ans ? Comment peut-on faire comme si l’on ne voyait pas que, en vingt ans, le nombre de jeunes au chômage n’a pas bougé d’un iota et que celui des seniors a été multiplié par deux. (Source Pôle Emploi ).

Aujourd’hui les seniors ne sont plus ces nobles vieillards attendant leur retraite et cherchant à transférer leur savoir mais plutôt de « jeunes » parents remariés, en charge aussi de grands enfants et de leurs parents dépendants. Ils cherchent un boulot pour vivre alors que des milliards partent vers l’emploi exclusif des jeunes, faussant parfois la concurrence sur le marché de l’emploi, notamment pour les métiers les moins qualifiés.

Allonger l’âge du départ à la retraite quand on n’a pas les moyens de mettre les plus anciens au travail n’est qu’un tour de passe-passe entre les comptes de l’assurance chômage et ceux des caisses de retraite. Quels accompagnements proposer à ces demandeurs d’emploi seniors ? Et est-il bien sérieux que Pôle Emploi embauche un millier de conseillers dédié à l’accompagnement des jeunes, en concurrence directe de l’action des Missions locales, alors que les autres tranches d’âge sont livrées à elles-mêmes.

Recherche d’indépendance, d’autonomie, besoin de protection, d’accompagnement… nous sommes encore loin d’avoir appréhendé toutes les conséquences de la crise sanitaire sur le marché de l’emploi. Ce qui est certain en tout cas c’est que des fondamentaux ont évolué tant en termes d’organisation que de perception du marché du travail par les salariés comme les recruteurs. Il est plus que temps de prendre la peine de s’en préoccuper et de pousser ces questions dans le débat public.

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