Télétravail et nouvelles formes de travail : opportunités et limites

Un nouvel équilibre doit être trouvé entre le travail sédentaire et le travail nomade.

Partager sur:
Sauvegarder cet article
Aimer cet article 0

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Télétravail et nouvelles formes de travail : opportunités et limites

Publié le 12 janvier 2018
- A +

Par Jean Pouly.
Un article de The Conversation

Le parlement a récemment voté les ordonnances Macron qui modifient en profondeur le Code du travail et qui ont suscité beaucoup de débats et d’oppositions. Mal connues dans le détail, ces ordonnances comportent un volet spécifique sur le télétravail avec différentes mesures qui vont faciliter cette pratique, plébiscitée par une grande majorité de salariés, mais encore mal vue des employeurs et crainte par les managers.

Au-delà de cette libéralisation du télétravail, c’est l’essor sans précédent des nouvelles formes de travail liées au numérique qui est en jeu puisque le coworking est également en pleine croissance. Mais cela pose de nouvelles questions car une possible généralisation du travail à distance et collaboratif n’est pas sans risques et il nécessite de repenser totalement nos collectifs de travail qui se sont structurés il y a plus de 150 ans.

Qu’est-ce que les ordonnances Macron modifient sur la question du télétravail ?

Pour résumer, les ordonnances Macron lèvent pas mal de freins réglementaires et juridiques au télétravail. Tout d’abord, celui-ci peut enfin se faire légalement de façon occasionnelle. Ce qui colle à l’usage réel du télétravail qui requiert beaucoup de souplesse.

Ensuite, la prise en charge d’un accident du travail en situation de télétravail se fera dans les mêmes conditions que si l’accident survenait au siège de l’entreprise. Enfin, le gouvernement va obliger un employeur qui refuse le télétravail à un salarié de motiver ce refus. Une sorte de renversement de la charge de la preuve qui opère un véritable changement culturel par rapport à cette pratique.

Les bases d’un droit au télétravail

Le télétravail est toujours basé sur le double volontariat : celui de l’employeur et de l’employé. Aucun des deux ne peut l’imposer à l’autre. La nouveauté des ordonnances repose sur cette nécessaire motivation d’un refus de la part de l’employeur.

Autrement dit, ce dernier devra justifier précisément pourquoi il refuse le télétravail au salarié de façon argumenté. Par ailleurs un amendement du député Laurent Pietraszewski va permettre à toute entreprise de négocier de gré à gré et par tout moyen le télétravail avec un salarié en dehors de tout cadre collectif, ce que deux syndicats dénoncent.

Nous verrons dans quelques mois ce que dira la jurisprudence à ce sujet. Quoi qu’il en soit, ces différentes avancées ont aussi une forte charge symbolique. On est dans le registre de la soft law. Ces ordonnances sont un vrai stimulateur pour faire progresser le télétravail en France, qui est, disons-le, très en retard par rapport aux pays scandinaves par exemple.

Un risque d’explosion des collectifs de travail ?

Crise lyonnaise.
M. Ferat/Musée Gadagne

C’est un argument avancé par de nombreux employeurs et managers car c’est un vrai risque. D’ailleurs, certaines entreprises pionnières comme IBM, Yahoo ou Hewlett-Packard qui sont allées très loin dans la mise en place du télétravail sont revenues en arrière.

Pour comprendre, prenons un peu de recul historique. Il y a 150 ans, à Lyon, sur la colline de la Croix-Rousse, près de 80 000 canuts travaillaient déjà depuis leur domicile.

Puis la révolution industrielle a déplacé les outils de travail dans les manufactures, puis dans les bureaux. Le droit et les codes culturels du travail que nous connaissons se sont ainsi constitués. Mais aujourd’hui, le numérique fait tout exploser en permettant de travailler où l’on veut et quand l’on veut. Il ne nous dit pas pour autant comment renouveler les collectifs de travail.

Le coworking, une première réponse à ce besoin collectif

we work.
swettysensor_666/Pixabay

Le besoin de recréer des collectifs de travail explique sans doute le succès et la croissance exponentielle du coworking dans le monde. Selon la Global Coworking Survey de 2017, le nombre de coworkers a plus que doublé entre 2015 et 2017, passant de 500 000 à près d’1,2 million aujourd’hui.

En six ans, le nombre d’espaces de coworking a été multiplié par 10, passant d’un millier en 2011 à près de 14 000 en 2017. Ce phénomène d’hyper-croissance s’observe au niveau mondial avec le succès de WeWork, qui compte plus de 100 000 membres et se valorise à près de 20 milliards de dollars.

Mais aussi en France qui compte près de 600 espaces de coworking et compte des entreprises pionnières comme La Cordée et des nouveaux venus comme NowCoworking ou Wereso. Étymologiquement le coworking cela veut dire « travailler ensemble ». C’est évidemment une première réponse concrète à l’atomisation des collectifs de travail lié notamment à la numérisation du travail.

Un phénomène qui ne concerne plus que les travailleurs indépendants, les freelance et des start-upper

Les indépendants ont été les pionniers du coworking car cette façon de travailler répondait à plusieurs besoins. Économique, pour mutualiser l’espace de travail mais également social, pour constituer des communautés solidaires, des collectifs de travail d’un nouveau genre. Aujourd’hui, de plus en plus de salariés fréquentent les espaces de coworking. Par exemple, si une entreprise allemande veut ouvrir un bureau en province, elle va placer son salarié dans un espace de coworking. Cela lui coûtera beaucoup moins cher qu’un bureau classique et son salarié sera plus vite intégré dans la vie économique et sociale locale. Les entreprises commencent aussi à intégrer le coworking comme une façon de travailler à part entière dans leur organisation. On parle même de corpoworking. C’est sans doute cela la vraie révolution du travail.

Des perspectives de croissance, des opportunités et des risques

Le coworking n’est déjà plus réservé à quelques centres spécialisés ici ou là. Il désigne désormais une façon de travailler qui facilite le travail collectif, l’innovation, l’entraide, le brassage, la mixité. Cela constitue une vraie réponse à l’explosion des collectifs de travail que le numérique opère dans les entreprises. À l’avenir, il est probable que de plus en plus d’actifs travailleront d’un lieu à un autre, alterneront leur présence entre leur domicile, le siège de l’entreprise, un centre de travail partagé ou encore les transports en commun qui sont aussi devenus de véritables espaces de travail. Il suffit de prendre le TER ou le TGV pour s’en rendre compte.

team.
Chris Reading/Pixabay

 

Si cette atomisation des collectifs comporte un risque de dispersion et d’instabilité il faut aussi voir que les actifs s’adaptent vite, notamment les jeunes générations qui arrivent sur le marché du travail et que cette agilité est désormais requise pour évoluer dans le monde instable de la transformation numérique.

Un ensemble d’outils, de plateformes et de méthodes sont en train de voir le jour pour faciliter cette évolution et optimiser cette itinérance professionnelle. Un nouvel équilibre doit être trouvé entre le travail sédentaire et le travail nomade.

The ConversationBref, un condensé de l’histoire humaine en quelque sorte…

Jean Pouly, Expert en économie numérique, Université Jean Monnet, Saint-Étienne

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don
7
Sauvegarder cet article

Notre nouveau et brillant Premier ministre se trouve propulsé à la tête d’un gouvernement chargé de gérer un pays qui s’est habitué à vivre au-dessus de ses moyens. Depuis une quarantaine d’années notre économie est à la peine et elle ne produit pas suffisamment de richesses pour satisfaire les besoins de la population : le pays, en conséquence, vit à crédit. Aussi, notre dette extérieure ne cesse-t-elle de croître et elle atteint maintenant un niveau qui inquiète les agences de notation. La tâche de notre Premier ministre est donc loin d’êtr... Poursuivre la lecture

Le fait pour un gouvernement de solliciter et d’obtenir la confiance de l'Assemblée contribue à la prévisibilité, la stabilité et la sincérité de l’action publique, et cela devrait être reconnu comme indispensable.

Le 30 janvier dernier, Gabriel Attal a prononcé son discours de politique générale, sans solliciter la confiance de l’Assemblée, avant qu’une motion de censure soit soumise, puis rejetée le 5 février. Le gouvernement Attal, comme le gouvernement Borne avant lui, a donc le droit d’exister, mais sans soutien de la chambre.

... Poursuivre la lecture
8
Sauvegarder cet article
« Je déteste tous les Français »

Le 3 février dernier, un immigré malien de 32 ans, Sagou Gouno Kassogue, a attaqué au couteau et blessé grièvement des passagers de la Gare de Lyon. Finalement maîtrisé par l’action conjuguée des passants, des agents de sécurité et des membres de la police ferroviaire, l’homme en garde à vue a été mis en examen pour tentative d’assassinat aggravée et violence avec armes aggravée.

Les premiers éléments de l’enquête dévoilés par le préfet de police de Paris révèlent les discours conspirationnistes d’un in... Poursuivre la lecture

Voir plus d'articles