Par Nicolas Marques.
Un article de l’Institut économique Molinari
Le revenu universel est un serpent de mer. Le concept vise à distribuer un revenu de base à tous les individus, sans conditions de ressources ou d’activité. Inspiré par Charles Fourrier (1848) et John Stuart Mill (1849), l’idée a suscité l’intérêt de générations de penseurs de tous bords avec le philosophe Philippe Van Parijs ou d’économistes aussi divers que James Meade (Nobel 1977) ou Milton Friedman (Nobel 1976). Friedman défendait cette idée sous la forme d’un impôt négatif se substituant aux aides sociales existantes.
Le rêve d’un revenu universel remplaçant les aides sociales
En France, on retrouve une diversité de soutiens à cette idée. Elle a été portée par des personnalités de gauche, tels Benoît Hamon lors de la campagne de 2017. Elle a aussi été défendue par des conservateurs (Dominique de Villepin)pour des raisons différentes, des défenseurs de la doctrine sociale de l’Église (Christine Boutin) ou plus proche de nous, par certains libéraux, Gaspard Koenig.
À ce stade, l’idée ne s’est pas imposée, comme l’illustre l’échec de la campagne de Benoît Hamon en 2017.
Si ce revenu était vraiment universel, il concernerait tous les individus, ce qui heurte ceux considérant que l’argent public doit être réservé aux moins bien lotis. Pour éviter cet écueil, Milton Friedman défendait d’ailleurs la mise en place d’un revenu universel sous la forme d’un impôt négatif, couplé avec un impôt sur le revenu à taux unique (flat tax), qui remplacerait les aides sociales. Mais la mise en place d’un revenu se substituant aux aides sur critères sociaux est loin de faire l’unanimité. Et même s’il était possible de dégager un consensus pour faire table rase des aides sociales existantes en les remplaçant par un revenu universel, il est à craindre qu’au fil du temps des aides sociales spécifiques réapparaissent.
En dépit de l’enthousiasme qu’il suscite chez certains, le revenu universel ne s’est pas imposé en France. Ses promoteurs ne désarment pas et essayent de marquer des points en ciblant la jeunesse, en partant du principe qu’elle est défavorisée. Selon l’Insee, 49 % des personnes considérées comme pauvres ont moins de 29 ans. De nombreuses voix considèrent que l’impossibilité de bénéficier du RSA avant 25 ans (sauf parents isolés ou situation de travail) constitue une lacune, en passant sous silence que c’est un choix du législateur, considérant qu’en deçà de 25 ans, c’est aux familles d’aider leurs enfants, selon une logique de subsidiarité.
D’où la multiplication de propositions.
En mars dernier, le Comité d’évaluation de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté suggérait d’expérimenter une aide monétaire pour les jeunes. Indépendante de leur occupation (étude, emploi ou recherche d’emploi), cette aide ciblerait les 18-24 ans les plus démunis. Ce comité présidé par Louis Schweitzer proposait d’observer les effets de ce dispositif, avant de statuer sur sa pérennisation.
Assister la jeunesse ou lui donner les moyens de jouer un vrai rôle ?
Cette piste est problématique pour trois raisons :
Elle mettrait sur un pied d’égalité les étudiants ayant peu de moyens, les jeunes ayant un emploi peu rémunérateur et les sans-emplois.
Le risque existe que la montée en puissance de ce dispositif soit financée par des économies sur les bourses, qui ont l’avantage de financer un investissement éducatif.
Elle pourrait encourager le travail au noir ou dissuader la recherche d’emploi, ce qui serait contre-productif.
D’où la proposition, censée rassurer, d’expérimenter ce dispositif, avant de statuer sur sa pérennisation. Pour autant, dans le cadre d’une expérimentation nationale, les probabilités de retour en arrière sont extrêmement faibles.
Probablement conscient de ces risques, Emmanuel Macron semble poursuivre un objectif plus restreint. Il a proposé mi-juillet de mettre en place un Revenu d’engagement pour les jeunes(REJ) sans emploi ou sans formation. Plus de 500 euros mensuels seraient distribués en échange d’un engagement des bénéficiaires conditionnant le versement de l’aide. Cette aide remplacerait le Programme d’accompagnement à l’emploi et l’autonomie (PACEA) suivant 460 000 jeunes et la Garantie jeune, permettant à 110 000 jeunes de bénéficier d’une allocation équivalente au RSA (497,5 euros au maximum).
Supposée être plus mesurée, cette démarche illustre néanmoins un renoncement sociétal. Il est anormal qu’une part significative des jeunes non scolarisés ne trouve pas d’emploi alors que la France investit massivement pour sa jeunesse, avec 161 milliards d’euros de dépenses éducatives en 2019 (6,6 % du PIB). Si l’adéquation entre formations et emplois n’est pas bonne, il faut la corriger de façon structurelle.
Les jeunes ont besoin de prendre leur place dans la société avec une activité leur permettant de contribuer à son développement. Aussi pour lutter contre les difficultés d’insertions, la priorité politique devrait être la réhabilitation des filières techniques et de l’apprentissage, à l’opposé du développement d’aides générant des phénomènes de trappe à inactivité.
Le vrai revenu universel, c’est un système éducatif adapté aux enjeux, permettant à chacun de trouver sa voie et de développer son capital humain, conformément au concept théorisé en 1964 par Gary Becker1.
Cet enjeu devrait être prioritaire et mobiliser toutes les énergies. Dans un travail récent pour l’Institut économique Molinari, Pierre Bentata montrait que la France est 21ème sur 27 en Europe en matière d’adéquation de l’éducation et des besoins. Le taux d’adéquation entre la formation et le marché de l’emploi est médiocre (75 %) et le taux de jeunes ni scolarisé, ni employé, ni en formation est significatif (13 %). Si elle se rapprochait du trio des pays les plus efficaces dans l’adéquation avec les besoins, la France devrait pouvoir économiser jusqu’à 43 milliards d’euros par an sur sa dépense d’éducation.
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- G. S. Becker, 1964, Human Capital, A Theoretical and Empirical Analysis, Columbia University Press for the National Bureau of Economic Research, New York. ↩
eh bien je vous souhaite du plaisir…
‘j’ai le droit d’apprendre ce que je veux »… » à vos frais »…
si on savait ce qu’était une bonne éducation..ALORS la planification pourrait marcher..
une bonne part de l’education d’un individu peut être un « échec »..au sens d’investissement..
eh oui c’est un marché…
ce qui est l’origine du mal c’est d’avoir construit un système pour une minorité qui ne peut se payer des études..et « calibré » sur celle ci..
ce système est un mirage.. les choses qui importent se font ailleurs..essentiellement au niveau familial.
et il n’y pas plus aveugle…
ce sont précisément les personnes qui sont supposées être les plus grands bénéficiaires qui brûlent les écoles.. et on est choqué par un jeune adulte qui pousse une jeune enseignante qui l’empêche d’en sortir.. maintenir l’illusion est à ce prix..
on fait cotre bonheur quand allez vous le comprendre..
En fait ce qu’il faut donner, ce ne sont pas 500 euros de pass culture, pas plus qu’une prime au travail, mais un enseignement de qualité, sélectif et d’excellence. Ensuite il sera plus aisé de rémunérer proportionnellement à leur haute capacité les élèves en étant issus.
Le niveau moyen ne cesse de baisser.
L’éducation nationale actuelle a pour objectif de (dé)former les esprits des futurs citoyens afin qu’ils soient « dans la ligne », pas de les préparer à la vie active. Vie active que les professeurs ne connaissent d’ailleurs pas.
J’avais entendu ce propos de la part d’une responsable syndicale il y a presque 40 ans : « L’éducation nationale n’a pas vocation à former de la main d’oeuvre pour le patronat »…-> objectif atteint !
Bon et bien ce sont les gérants des établissements de nuit qui vont être contents. Ils vont faire le plein tous les week-ends.
Et si l’enseignement supérieur relevait exclusivement du privé ? C’est très politiquement incorrect que de dire cela dans un pays comme la France, mais si c’était le cas, si chaque jeune souhaitant faire des études supérieures devait trouver le financement de ces études, soit en empruntant soit en sollicitant la générosité de ses parents, il me semble qu’on aurait beaucoup moins de candidats à des voies sans issue comme la fac de psycho ou d’histoire de l’art … les gens seraient forcés de choisir une filière où les débouchés existent.
Quant au revenu universel, je n’y vois aucun intérêt si ce n’est celui des hommes de l’État, pour qu’ils fourrent encore un peu plus leurs doigts poisseux dans la vie des gens. Une flat tax et puis c’est tout.
PS, en passant : Louis Schweitzer … le prototype de l’homme de l’État, encore et toujours là, inamovible malgré ses bientôt 80 ans. Et aux frais de qui ? CPEF
« Si ce revenu était vraiment universel, il concernerait tous les individus, ce qui heurte ceux considérant que l’argent public doit être réservé aux moins bien lotis. » Sauf que l’argent public est une fiction, puisqu’il provient des impôts prélevés sur les personnes physiques qui sont libres de contribuer puisqu’ils ont donné leur libre consentement à l’impôt à travers la représentativité démocratique. En résumé il s’agit d’un transfert de revenus supplémentaire, mais d’aucune création de richesses, etc.
Ou comment motiver les jeunes à aller se déplacer le dimanche vers le bureau de vote et à mettre le bulletin Macron dans l’urne . Il faut reconnaître que ce n’est pas facile . Je ne sais pas si 500 balles vont suffire , ce sont des divas les jeunes
Chouette. La prime aux cancres et aux fainéants qui ont refusé de bosser pendant leurs 16 années de scolarité va arriver!
1) Elle leurs donne raison de n’avoir rien fait ( corollaire : alors continuons avec 500€)
2) Elle prouve que l’éducation nationale doit être réformée en profondeur, les écoles privatisées et le statut de fonctionnaire des enseignants supprimé.