Le Grand Démantèlement : où en est l’école dans l’Amérique de Trump ?

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Le Grand Démantèlement : où en est l’école dans l’Amérique de Trump ?

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 10 juin 2025
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Le 20 mars 2025, le président américain Donald Trump signe un décret visant à « éliminer » le ministère de l’Éducation, concrétisant une promesse de campagne vieille de neuf ans. Ce geste, applaudi par la droite conservatrice et les milieux évangéliques, s’inscrit dans le cadre d’une croisade idéologique contre ce que le président et ses alliés perçoivent comme l’ennemi : une bureaucratie fédérale aussi coûteuse qu’engluée dans le wokisme. Quels risques et quels enjeux se cachent dans les coulisses de ce grand chamboule-tout ? Décryptage.

Créé en 1979 sous la présidence de Jimmy Carter, le ministère de l’Éducation emploie environ 4 400 personnes pour un budget annuel de 268 milliards de dollars. Contrairement à des pays centralisés comme la France, où l’éducation est pilotée au niveau national, le système éducatif américain reste, en partie, décentralisé. Les États et les collectivités locales financent environ 90 % du budget de fonctionnement des écoles publiques et définissent les programmes scolaires propres à chaque région. Le ministère fédéral se limite donc à des fonctions spécifiques (administration de subventions, soutien des élèves en situation de handicap, gestion des bourses et des prêts étudiants…).

En raison de cette « suprastructure », les résultats sont mauvais. Très mauvais. 70% peinent à lire correctement et 72% ne parviennent pas à atteindre les compétences requises en mathématiques. Le constat est d’autant plus incompréhensible et douloureux que, selon les dires de Trump, les États-Unis dépensent plus par élève que n’importe quel autre pays au monde pour des résultats au mieux médiocres, au pire catastrophiques. Et là-dessus, il est dans le vrai puisque les États-Unis dépensent 16 300 dollars par élève contre une moyenne de 10 900 dollars dans les autres pays de l’OCDE.

Alors que faire ? Sinon briser le moule attendu et nommer Linda McMahon -ex-patronne de la WWE (ligue de catch)- à la tête du ministère et de lui confier pour mission « d’éliminer ce dernier une bonne fois pour toutes ».  Un trimestre ne s’est pas encore écoulé que 2 000 postes (soit la moitié des effectifs) ont été supprimés quand des coupes budgétaires eurent lieu au sein de certains départements clés (Bureau des droits civiques, Institut des sciences de l’éducation…). La Maison-Blanche, par la voix de sa porte-parole Karoline Leavitt, justifie cette mesure en affirmant que le ministère, depuis sa création, a coûté « plus de 3 000 milliards de dollars aux contribuables » sans « jamais éduquer un seul enfant ».

Sans compter qu’au-delà des considérations budgétaires, l’enjeu est profondément idéologique. La droite américaine accuse les écoles publiques d’endoctriner sciemment les jeunes avec l’enseignement d’idées jugées progressistes (théorie du genre, droit des minorités, éducation sexuelle…). En démantelant le ministère, Trump promet de « rendre l’éducation au peuple », c’est-à-dire aux États et aux collectivités locales, perçus comme plus aptes à répondre aux besoins locaux tout en respectant l’inclinaison conservatrice d’une partie du pays.

Et pourtant, pour que ce programme s’applique, il lui faut surmonter un problème de taille. La loi américaine dispose, en effet, que seul le Congrès est apte à dissoudre un ministère fédéral. Or, si Trump a la majorité absolument au Sénat, cette majorité ne tient qu’à un fil, deux ou trois votes de moins ou de plus peuvent rapidement faire toute la différence. De plus l’initiative visant à démanteler l’USAID ayant été jugée « probablement inconstitutionnelle » par un tribunal fédéral en mars dernier, Myong Joun – juge fédéral de Boston- n’hésite plus et bloque le processus entamé. C’est l’avenir de la réforme qui est désormais en jeu. Donal Trump pourra-t-il faire ce qu’il a promis aux électeurs ou les juges fédéraux l’en empêcheront-ils  ?

Les partisans de cette réforme voient en elle l’opportunité de redonner du pouvoir aux communautés locales. Supprimer (ou écrémer) la « superstructure » fédérale permettrait, en effet, de réduire une bureaucratie perçue comme aussi lourde qu’inefficace. Libérés des règles fédérales, les États pourraient ajuster leurs priorités en fonction de leurs spécificités sans être sans cesse entravés par la rigidité tatillonne de Washington. Sans compter que cela court-circuiterait l’emprise idéologique du ministère fédéral, accusé d’imposer sans coup férir contenus controversés et autres approches progressistes.

Ses détracteurs craignent en revanche que cette suppression n’amène un creusement dans les inégalités. Jusqu’à présent, le programme Title I distribue, chaque année, près de 16 milliards de dollars à destination des 56 000 écoles situées dans les zones à faible revenu. Sans cette aide, les districts appauvris pourraient voir leurs écoles fermer les unes après les autres. New York dépense déjà 24 000 dollars par élève quand l’Idaho se contente de 9 000, nous aurions donc l’aggravation d’un système à deux vitesses, les Etats riches seraient en mesure de compenser une diminution des fonds fédéraux tandis que les États les plus pauvres ne pourraient remédier à cette saignée budgétaire. C’est du moins l’avenir redouté par une certaine partie de l’Amérique parce qu’en l’état si Donald Trump a tenté de disloquer le ministère, il n’a pas encore remis en question les principales aides financières. Le système peut se restructurer vers la voie du libéralisme sans pour autant sabrer certaines aides sociales indispensables.

En effet, la privatisation, par des vouchers ou des charter schools, créerait une sorte de saine concurrence (comme au Texas) qui, à court et moyen terme,  stimulerait l’innovation et réduirait même les coûts de scolarité. Qu’on laisse aux gens la liberté de décider ! En attendant, le Congrès est encore susceptible de bascule (220 républicains contre 215 démocrates à la Chambre) quand une partie des juges, se considérant comme les gardiens d’un État centralisé, bloquent ce vent de liberté. Pour l’instant…

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