Par Thierry Foucart.
La volonté des pouvoirs publics d’orienter l’épargne des particuliers vers les placements en actions n’est pas récente et régulièrement réaffirmée. Sa dernière manifestation date de la loi Pacte (2019) qui valorise les placements labellisés socialement responsables, et verts.
Le gouvernement espère un succès supérieur à celui des fonds euro croissance créés en 2014 qui offraient pourtant déjà une garantie en capital à une échéance fixée. La préférence des Français pour les placements offrant une sécurité immédiate est manifeste : l’épargne en produits de taux (épargne réglementée, fonds euros des assurances-vie, etc., 3464 milliards d’euros au premier trimestre 2020) est plus du double de celle en produits de fonds propres (actions, fonds en unités de compte, etc., 1635 milliards d’euros).
Après avoir proposé quelques explications de cette préférence, nous donnons une règle permettant d’investir à la fois en fonds garanti et en fonds en actions pour améliorer le rendement d’un placement en sécurité.
Cette règle peut être appliquée périodiquement pour garantir le capital valorisé. Nous terminons par deux exemples sur des données réelles.
Les obstacles à l’investissement en valeurs mobilières
L’investissement en valeurs mobilières présente un risque en capital que les épargnants français n’acceptent pas facilement de courir. Il se heurte à plusieurs obstacles de nature différente :
- L’opposition idéologique
- La lourdeur de la fiscalité
- La hantise du risque
- Le coût des régimes obligatoires de protection sociale
Le premier obstacle est le résultat de l’idéologie plus ou moins socialiste qui domine la vie sociale en France depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Le refus d’investir dans l’entreprise cache évidemment une contradiction de l’investisseur qui préfère un taux garanti ou un investissement immobilier à un investissement boursier tout en accusant les actionnaires d’engranger des dividendes largement exagérés.
Une autre contradiction de cette idéologie dominante est le refus de fonds de pension français inévitablement au profit des fonds étrangers, au refus d’un système de retraite par capitalisation, et à l’exigence d’un régime obligatoire par répartition dont on connaît les inconvénients et les difficultés.
Le second est la lourdeur de la fiscalité sur le bénéfice : 25 ou 30 % d’impôt sur les sociétés, 30 % de prélèvements obligatoires sur les dividendes versés, soit 47,5 % ou 51 % de prélèvement total environ sur le bénéfice total.
La dynamique fondamentale est toujours la même : les taux élevés de la fiscalité ordinaire financent l’abaissement parfois très important des prélèvements obligatoires offert par les niches fiscales comme les défiscalisations immobilières et orientent ainsi les investissements vers des secteurs économiques choisis par le gouvernement1.
Au plan individuel, le choix de l’investissement est souvent davantage guidé par l’avantage fiscal qu’il offre que par sa rentabilité ; il peut être très rentable, mais aussi conduire à des pertes importantes souvent mal perçues.
Le troisième point est la hantise du risque financier. Les places financières sont souvent secouées par des crises qui font chuter fortement et soudainement brutalement les cours et affolent les investisseurs surtout particuliers.
À la suite de chaque krach boursier, certains épargnants liquident leur investissement en actions pour replacer les capitaux en obligations ou en fonds garantis euros dans des contrats d’assurance vie : c’est un excellent moyen de ne pas récupérer la perte subie, et cela montre leur méconnaissance des marchés financiers et leur vision à court terme.
La garantie en capital offerte par certains contrats, par les fonds euro croissance par exemple, n’a pas attiré beaucoup d’investisseurs individuels. Les performances n’ont guère été au rendez-vous et le succès auprès des épargnants limité, comme celui du PERP d’ailleurs.
Les régimes obligatoires de protection sociale constituent le dernier frein. Les cotisations obligatoires à ces régimes, versées par les salariés et les employeurs, auxquelles s’ajoutent les prélèvements sociaux sur les revenus du capital, sont élevées, réduisent la capacité d’épargne personnelle et orientent cette dernière vers des dépenses de consommation puisque la retraite et la santé sont déjà financées par les cotisations et prélèvements.
Investissement à capital garanti à un horizon fixé
Les meilleures façons de garantir un capital en permanence, dès le premier jour, sont de le conserver en liquide, de le placer sur un fonds administré (livret de la Caisse d’épargne, de développement durable…) ou à capital garanti (fonds euros des contrats d’assurance-vie).
Mais c’est au prix d’un rendement faible et même très faible. L’investissement en actions est plus risqué à court terme, plus instable et plus rentable à long terme. Ce sont ces inconvénients qu’il faut limiter.
Notre démarche est la même que celui des contrats euro croissance déjà commercialisés : utiliser un fonds garanti pour sécuriser un capital constitué d’actions. Certains contrats offrent par exemple une garantie de 100 % du capital à huit ans ou plus, avec une bonification acquise de 5 % si l’Euro Stoxx dépasse un seuil fixé. Les droits d’entrée et les frais de gestion limitent les performances dont une partie revient à l’organisme sans qu’on sache laquelle.
L’investissement garanti ci-dessous est accessible au particulier. Le support financier peut être un contrat d’assurance-vie en gestion libre, un compte titre ou un PEA et le capital est disponible à tout moment. Ce dernier point est à la fois un avantage (en cas de nécessité) et un inconvénient (en cas de dépense superflue).
Il est constitué d’un fonds à taux ou à capital garanti (livret A, plan d’épargne logement, obligations, fonds euros…) et d’un fonds en actions, appelé ci-dessous fonds UC (unités de compte).
L’idée de base est la suivante (les taux sont illusoires, mais facilitent les calculs) : en plaçant 80 % d’un capital sur le fonds garanti à 5 %, l’épargnant perçoit 4 % du capital total (5 % de 80). Au bout de cinq ans et même un peu moins, ce dernier est reconstitué même si le fonds en actions a perdu toute valeur.
L’analyse est effectuée suivant les paramètres choisis ci-dessous :
- Le pourcentage garanti du capital, de 0 % à 100 %
- L’horizon de la garantie
- Le taux annuel net du fonds garanti, supposé constant jusqu’à l’horizon fixé.
- Le taux moyen annuel net du fonds UC.
Les résultats établis sont les suivants :
- La performance de l’investissement à 100 % au taux garanti et à l’échéance fixés.
- Le pourcentage initial investi en fonds garanti pour obtenir la garantie choisie.
- Le pourcentage initial investi en fonds UC.
- Le taux minimum du fonds UC pour obtenir la garantie fixée.
- Le taux de rendement équivalent à comparer avec le taux garanti.
- Le capital actualisé à l’échéance du fonds arbitré.
- La répartition finale du capital en fonds garanti et fonds UC.
L’exemple ci-dessus montre que même avec un taux moyen de rendement de 5 % du fonds UC, la garantie d’un capital à 100 % à l’horizon de cinq ans présente un intérêt relativement faible : l’évolution favorable de la Bourse (5 % en moyenne pendant cinq ans) n’augmente le capital final que de 1,43 % (=109,16 – 107,73) par rapport au placement garanti.
Par contre, si on accepte un risque de perte de 25 % (garantie à 75 %), les autres paramètres restant les mêmes, la performance globale est nettement améliorée :
Le taux équivalent annuel obtenu est de 1,97 % au lieu de 1,5 %, la plus-value augmentée de 2,5 % au bout des cinq ans, et le capital initial est en plus-value si le taux des fonds UC dépasse – 3,82 % par an en moyenne pendant les cinq ans. Si, à l’échéance, la valeur du fonds UC tombe à 0 (hypothèse invraisemblable), le capital est égal au capital garanti, soit 75 %. Le risque est plus acceptable.
Deux applications
Une particularité de cet investissement financier est sa disponibilité : un retrait reste possible, mais doit être effectué en respectant la répartition du capital pour conserver les paramètres choisis, en particulier le taux de garantie fixé.
Lorsque l’horizon est éloigné, on peut remettre à jour chaque année les critères d’investissement en recalculant la répartition fonds garanti/fonds UC suivant le nombre d’années restant pour garantir le capital acquis. Il est également possible de garantir chaque année le capital investi lorsqu’il est supérieur au capital initial : il suffit d’arbitrer suivant la nouvelle répartition calculée en tenant compte de la plus grande proximité de l’échéance.
On peut aussi effectuer un arbitrage annuel et modifier le taux de garantie du capital suivant le délai restant à courir. L’objectif peut être par exemple de garantir le capital à 100 % à l’échéance de dix ans ou vingt ans, en augmentant annuellement la proportion de capital garanti de 10 % ou 5 % tous les ans. Le capital garanti est alors de 100 % à l’échéance et est calculé chaque année.
Une feuille Excel permet d’effectuer tous ces calculs suivant deux paramètres supplémentaires par rapport aux précédents :
- Le pourcentage initial garanti du capital.
- Le pourcentage final garanti du capital.
- Le capital initial versé.
- Le versement annuel éventuellement revalorisé en fonction de l’inflation.
Les applications ci-dessous sont effectuées sur des données réelles. Le fonds UC est Carmignac investissement A, avec capitalisation des dividendes, et le fonds garanti est le fonds euro du contrat AFER. Le taux de ce dernier n’étant pas constant, nous l’avons estimé chaque année par le taux réalisé l’année précédente. Le capital garanti peut donc baisser si ce taux diminue.
Épargne à moyen terme
Les paramètres sont choisis de façon à observer les conséquences des crises financières de 2008, 2011 et 2018 sur le fonds arbitré. La date d’investissement est 2007 et d’échéance 2019. Le versement initial est de 10 000 euros, sans versement complémentaire. La garantie initiale du capital est de 50 %, et de 100 % la dernière année. Le graphique ci-dessous montre l’évolution des fonds et du capital garanti.
Les fonds en unités de compte subissent les effets de la crise financière de 2008, mais le fonds arbitré, garanti à 50 %, les supporte mieux que le fonds Carmignac. Sa valorisation est supérieure jusqu’en 2018, et le taux de garantie en 2018 (95,45 %) lui permet d’échapper à la crise contrairement au fond Carmignac. Le capital garanti dépasse le fonds AFER en 2017.
Évolution des fonds Carmignac, AFER et du fonds arbitré à moyen terme
La valorisation des fonds en 2019 est la suivante :
L’arbitrage a joué son rôle et protégé le capital investi des effets de chacune des crises. Le fonds arbitré a même été supérieur au fonds Carmignac jusqu’en 2018 et devient inférieur en 2019 parce qu’il est investi à 95,45 % en fonds euros et qu’il ne bénéficie presque pas de la hausse en 2019. La différence avec le fonds AFER est environ de 10 % à l’échéance.
Épargne retraite
L’objectif est ici de constituer un capital en vue de la retraite. La date d’investissement est 1989, et l’horizon 2019.
Le pourcentage initial garanti est fixé à 0 %, le pourcentage final à 100 %. Chaque année, ce pourcentage augmente de 3,45 %. Un versement annuel de 3000 euros complète le capital initial versé en 1987 de 10 000 euros à partir de 1990. Le graphique ci-dessous montre les évolutions des capitaux investis dans les trois fonds considérés.
On distingue les crises financières de 2001, 2008, 2011. On constate que les effets de ces crises disparaissent assez rapidement. Le fonds arbitré a échappé à la crise de 2018 par suite de la forte proportion garantie.
Les résultats sont probants : la totalité des sommes versées est de 97 000 euros, et le capital disponible au bout de 30 ans de 418 000 euros avec un capital garanti à 100 % à l’échéance, presque le double du capital investi sur le fonds AFER (214 000 euros) mais, investi à 65 % sur ce dernier, a moins profité de la reprise en 2009 que le fonds Carmignac (541 000 euros). Le capital garanti progresse plus vite que le fonds AFER et dépasse ce dernier en 2006. À partir de 2002, le fonds garanti est supérieur aux sommes versées.
Évolution des fonds Carmignac, AFER et du fonds arbitré
Avantages et difficultés d’une démarche de capitalisation collective
L’épargne à court terme (moins de cinq ans) n’est guère concernée par la procédure de garantie du capital proposée : la durée de l’investissement est trop faible pour compenser une crise financière et un taux de garantie élevé impose une trop forte proportion de taux fixes pour valoriser significativement le capital à l’aide de fonds UC.
Dans le cas d’une épargne à moyen terme (une dizaine d’années), choisir un taux initial de garantie du capital égal à 100 % ne présente qu’un faible intérêt par rapport aux placements à taux fixes ou à un fonds euros.
Un taux à 50 % permet par contre d’amortir les crises financières éventuelles soit par la durée si elles se produisent en début de période, soit par la garantie plus élevée si elles se produisent à proximité de l’échéance. La progression du taux de garantie est une amélioration notable de la procédure.
Il est nécessaire aussi d’évaluer les conséquences économiques d’un système de retraite collectif conçu sur la base proposée. Dans un article assez ancien, Bourgeois-Pichat explique que le financement des retraites est d’une telle ampleur qu’il n’est pas envisageable de généraliser la capitalisation à la totalité de la population2. L’ensemble des capitaux à investir dépasserait très largement le patrimoine total des Français.
Cette crainte est contestée par d’autres économistes qui considèrent que les marchés financiers et immobiliers s’adapteraient à un tel afflux d’investissements. Il faut aussi la relativiser par le fait que les fonds garantis, qui représentent une bonne part des capitaux investis dans le système proposé, sont en majorité des obligations, ne sont pas assis sur des richesses constituées mais sur des dettes, et ne peuvent donc être comptabilisés dans le patrimoine total.
En fait, il y a une certaine équivalence entre la retraite par capitalisation en fonds d’État et la retraite par répartition : dans le premier cas, les actifs financent la dette contractée par leurs aînés et dans le second, ils financent directement les pensions.
Inversement, l’apport de capitaux aux marchés financiers aurait un effet bénéfique sur les investissements et l’emploi.
La fiscalité (impôt sur la plus-value et prélèvements sociaux) n’a pas été prise en compte dans tous les calculs précédents. Les objectifs à long terme sont particulièrement sensibles aux prélèvements obligatoires puisque les capitaux sont constitués en grande partie de plus-values à l’échéance (75 % dans l’épargne retraite précédente). La lourdeur et l’instabilité de la fiscalité sur le patrimoine est un handicap évident à l’investissement financier. Ce dernier point ne dépend que des pouvoirs publics, qui risquent d’être très tentés par les capitaux ainsi générés.
Et pourtant les mathématiques financières nous enseignent que la volatilité (le risque) est une fonction inverse du temps ce qui veut dire qu’à un horizon de 20 ans le risque tend vers zéro. Warren Buffet investit à 100% dans des entreprises, il a réalisé un TRI de plus de 20 % l’an sur 53 ans.
Il est donc question des intermédiaires dont la culture financière tangente vers zéro et qui n’accompagnent pas leurs clients dans la durée par manque de connaissances réelles.
Et bien sûr les actions ne sont surtout pas surévaluées par le tsunami de monnaie fraîchement créé…
Quand les actifs auront retrouvé leur vraie valeur, on va perdre combien?
On ne va rien perdre. C’est déjà expliqué dans le sujet : la surévaluation énorme des années 2000 a été passée avec succès
c »est bientot Noel !!!!
Au contraire, les actions représentent des usines, des savoir-faire, des clientèles, des organisations, etc., et elles ont valeur intrinsèque qui ne dépend pas du tsunami monétaire. La différence entre leur valeur intrinsèque et le cours affiché dépend de la valeur intrinsèque de l’argent, de la concurrence qu’exercent les autres placements, et des anticipations et de l’humeur des investisseurs principalement. Dans le tsunami, la valeur de l’argent baisse, la concurrence ne change guère, et l’humeur des investisseurs s’améliore, etc. Tout ça se compense plus ou moins, donc l’investissement en actions garde son intérêt antérieur.
Opposition idéologique, lourdeur de la fiscalité, coût des régimes obligatoires…
Franchement, quels rapports avec le schmilblick ? Devant un constat aussi peu convaincant, j’hésite à croire aussi à la pertinence de la solution proposée !
Seul la peur du risque explique le peu d’appetence des gens pour la bourse.
D’autant que depuis des années, l’assurance-vie offrait des rendements confortables et sûrs, et peu fiscalisés. A quoi ça sert d’aller jouer en bourse quand les AV offrent un bon rendement ? C’est moins vrai aujourd’hui. Du coup, il existe une alternative, devenue intéressante : investir dans des UC SCPI. Un tout petit peu moins sûr que le fonds euro mais bien plus rentable.
En réalité, si les gens investissent peu dans la bourse, c’est tout simplement que le ratio bénéfice/risque n’est pas bon. Et qu’ils ne se fient pas aux bonimenteurs qui leur explique que la bourse est toujours gagnante, après avoir choisi la date de référence qui va bien !
A long terme et en se diversifiant, le ratio bénéfice/risque est bien meilleur pour la bourse que pour les placements réputés plus sûrs.
N’oubliez pas qu’il faut regarder PX1NR plutôt que le CAC40…
Les placements garantis, ça nexiste pas.
Par qui ou par quoi seraient-ils garantis d’ailleurs ?
Les placements sont tous plus ou moins risqués.
Quand vous êtes sur le fond Euros, vous êtes en risque :
– Vous n’avez qu’une créance sur la compagnie d’assurance (vrai aussi pour les UC).
– Créance qui est elle-même placée sur de la dette.
Donc tout cela n’est que de la dette, et quand vous possédez de la dette, vous êtes en risque :
– Risque d’émetteur (défaut de l’emprunteur).
– Risque de taux (actuellement négatifs).
– Risque de faillite de celui qui gère le contrat, à savoir l’assureur.
Les fonds déposés sur le fonds euro d’une AV sont garantis par l’assureur, en premier lieu, et en cas de défaut de l’assureur, par l’Etat (jusqu’à 70000 euros).
Par ailleurs, le fonds euro est principalement investi en dette des Etats et de grosses entreprises.
S’il n’y a pas de risque zéro absolu, celui-ci reste très très très faible, bien plus faible que le marché actions pour un public amateur…
Le risque de l’état explose, quoi que vous en disiez.