Carrefour dégringole en bourse, la faute au « souverainisme économique »

Non seulement l’État donne son avis, mais il se fait arbitre d’un intérêt général qui se construit en opposition aux principes élémentaires du libre-échange.

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Carrefour dégringole en bourse, la faute au « souverainisme économique »

Publié le 19 janvier 2021
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Par Frédéric Mas.

Le cours de l’action Carrefour a dégringolé après l’échec du rapprochement avec le groupe québécois Couche-Tard que le gouvernement français a court-circuité pour « préserver la souveraineté alimentaire » du pays.

Vers 14 heures ce lundi, le titre perdait 6,17 % à 15,60 euros. L’extension du contrôle de l’État sur l’économie nationale au nom de la notion fluctuante d’« intérêt stratégique » ou de « patriotisme économique » n’est pas seulement politiquement irrationnelle, mais économiquement dangereuse.

Carrefour : la souveraineté alimentaire avant tout

Lors d’un passage télévisé sur France 5 la semaine dernière, Bruno Le Maire avait déclaré qu’il n’était a priori pas favorable à un rapprochement entre les deux groupes car à ses yeux, Carrefour représentait un « chaînon essentiel dans la sécurité alimentaire des Français, dans la souveraineté alimentaire ».

Non seulement l’État donne son avis sur la situation de Carrefour, mais il se fait arbitre d’un intérêt général qui se construit en opposition aux principes élémentaires du libre-échange.

C’est que la crise sanitaire a déclenché la panique au sommet de l’État. Il a même été envisagé en mars dernier de rationner l’approvisionnement alimentaire des Français pour pallier la flambée de l’absentéisme et des commandes non livrées.

Si les acteurs du secteur de l’alimentation et l’armée ont dû plancher sur cette éventualité, c’est la pénurie réelle de masques, de gel et de test qui a fait sentir aux dirigeants notre dépendance vis-à-vis des importations dans le domaine médical. Mais l’autosuffisance est-elle souhaitable, et dans quelle mesure ?

Le flou de l’intérêt stratégique

La notion d’intérêt stratégique est ici suffisamment floue pour légitimer l’interventionnisme étatique bien au-delà de son domaine de compétence, c’est-à-dire des activités régaliennes.

Comme l’observent les économistes Emmanuel Combe et Sarah Guillou dans un rapport de la Fondapol paru ce dimanche 17 janvier, l’autonomie stratégique régulièrement invoquée par une partie de la classe politique est une version moderne et atténuée de l’autarcie.

L’encouragement à produire des biens et des services jugés « stratégiques » est couvert par de nombreux textes de lois internationaux, en général assez stricts et limités aux périodes d’exception. Cependant, le risque en cas de flottement sur la définition de « stratégique » est son instrumentalisation par le capitalisme de connivence : « Les entreprises vont tenter d’influencer les décideurs politiques sur la définition de ce qui est stratégique, afin d’être protégées de la concurrence étrangère. »

C’est ce qu’a fait Donald Trump pour augmenter les droits de douane au nom de la « sécurité nationale », et c’est ce qu’a fait l’État français en resserrant son contrôle sur les investissements directs étrangers sur le sol national. Maintenant l’intérêt stratégique s’étend au secteur alimentaire.

Comme le notait Eddie Willers dans Contrepoints :

« Alors qu’il est censé représenter l’intérêt général, l’État ne représente que son propre intérêt. En fonction des circonstances, il peut demander des dividendes lorsque les déficits dérapent, des maintiens d’emplois pour préserver sa cote de popularité dans l’opinion, d’investir dans un projet non rentable pour améliorer son image à l’étranger. Parfois les trois en même temps… »

Ainsi, profitant de l’État d’urgence sanitaire, le pouvoir politique étend ses filets sur l’économie et ce faisant, la menace directement. Incapable de penser en dehors du cadre de la planification centrale, il menace de fait toutes nos libertés.

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  • Le titre est volontairement accrocheur, mais un peu inexact : le cours de l’action Carrefour était, juste avant l’annonce de Couche-Tard, à 15.47 €, hier à 15.46 €.

    Il était brusquement monté à un maximum de seulement 18 € le lendemain de l’annonce de Couche-Tard ( alors que l’offre était à 20 € ), pour très vite redescendre dès la première annonce de BLM et revenir à son lamentable cours après l’enterrement officiel de l’offre.

    Carrefour s’ajoute ainis à la liste des entreprises qu’il faut « sauver des étrangers, quitte à la faire mourir »

    Consolation : Carrefour est dans le top 5 des entreprises écologiques : « qu’importe que je meure, puisque je suis vert »

  • Le problème est que ce que raconte le maire est bel et bien populaire..
    le crétinisme de le maire peut faire l’objet d’un questionnement, mais moi je vois un homme politique qui dit des choses populaires plutôt que des vérités…banal.
    En ce qui me concerne, sachant que le but de le maire est de faire carrière dans la politique..je constate sa réussite.
    Croyez vous que les voyantes croient en « leur don »?
    Croyez vous que les types de Boiron aux vertus de THERAPEUTIQUES de l’homéopathie?

    Ce qui serait utile et pourrait amener à ce qui importe ,c’est à dire la fin de croyance en des absurdités par la population , serait une démonstration publique de l’incohérence des PROPOS de le maire par un débat argumenté ou en lui posant quelques questions..

    • la souveraineté alimentaire.. il n’a « curieusement » pas utilisé l’expression autonomie alimentaire..
      lorsque la distribution a pu vendre des masques, des gens, souvent forts éduqués, se sont plaint… en imaginant que la distribution avait choisi auparavant de ne pas en vendre..

      le pays en est là… il ne comprend plus a logique économique de l’épicerie..

      • pourriez vous m’expliquer pour cette histoire de masque, car je dois reconnaitre que je ne comprends qu’assez mal votre phrase, et je me suis effectivement arrêté à imaginer que la distribution à du s’empecher de vendre des masques.

  • Si le cours de bourse de Carrefour n’était pas contraint par les taxes sur les transactions financières et sur les plus-values qui découragent les Français qui auraient l’idée saugrenue d’y investir, il serait sans doute à un niveau qui garantirait sa souveraineté. Et qui ferait se sentir inutile BLM…

  • Bruno Le Maire est un indigent intellectuel en économie (entre autre)

  • Pour une fois je m inscris en faux sur la dégringolade de l’action carrefour qui a grimpé subitement jusque 17 euros à l annonce du rapprochement mais qui est redescendu à 15 euros suite à la bêtise de notre zélus-zélés-incompétent Ministre de l’économie… ca fait des mois que l’action se trainait à 14 euros…

  • je suis surpris et déçu que cet article ne soit pas aussi « vrai » que les autres et essaye de démontrer l’absudité de B Lemaire en utilisant une montée – descente ponctuelle de la valeur de l’action. Et si vous analysiez les raisons pour lesquelles l’action qui se situait aux alentours de 32 euros vers 2017 est depuis plus d un an à 13/15 euros

    • Les raisons? toujours les mêmes depuis 40 ans! L’indigence économique de nos élus! Et leur arrogance à vouloir à tout prix et « quoi qu’il en coûte », mettre leur grain de sable dans des domaines où ils sont incompétents.

  • Ils tuent l’économie avec leur tout sanitaire à sens unique (inique?) et ils en rajoutent une couche!
    Pauvre France tombée bien bas.
    Qui les délogera?

  • Les commentaires sont fermés.

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