« Motif impérieux », ou le nouveau fourre-tout du ministère de l’Intérieur

La nouvelle attestation de déplacement obligatoire prévoit sept motifs pour limiter notre liberté de circulation. Mais qu’est-ce qu’un motif impérieux ?

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La police by crypto on Flickr (CC BY-NC-ND 2.0)

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« Motif impérieux », ou le nouveau fourre-tout du ministère de l’Intérieur

Publié le 13 mai 2020
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Par Pierre Farge et Alexandre Nouailles.

L’état d’urgence sanitaire vient d’être pérennisé jusqu’au 10 juillet 2020.
Dans le cadre du déconfinement, des attestations dérogatoires doivent permettre de nous déplacer dans un rayon de 100 km. Tout du moins en théorie, car en réalité un défaut de base légale de ces attestations est à craindre.

Liberté, j’écris ton nom

« Je suis né pour te connaître, pour te nommer, Liberté »,  concluait Paul Éluard dans son poème éponyme.

Alors que s’ouvre le déconfinement depuis le 11 mai 2020, la nouvelle attestation de déplacement obligatoire prévoit sept motifs pour user, ou plutôt limiter notre liberté d’aller et venir dans un rayon de 100 kilomètres au-delà de notre domicile.

Parmi les autorisations mentionnées, on retrouve les déplacements professionnels, les soins de santé, les trajets pour aller à l’école, l’obligation de se présenter aux autorités, ou répondre à une convocation en justice, la participation à des missions d’intérêt général sur demande administrative, et enfin les déplacements « pour motif familial impérieux ».

Motif impérieux et juridiction

C’est cette dernière notion disposée par le ministère de l’Intérieur qui est complètement folle et attentatoire à nos libertés : elle autorise à être verbalisé au prétexte que le motif que l’on considère « impérieux » ne soit pas le même que celui qui nous contrôle.

Reprenons.

La définition posée par le Larousse considère impérieux « ce qui s’impose avec le caractère d’une obligation, qu’il faut absolument satisfaire ».  Le motif impérieux renvoie donc à une obligation qui contraint une personne de manière impérative et qui l’amène à contrevenir à un principe applicable.

D’un point de vue juridique, la notion de motif impérieux n’a fait l’objet d’aucune définition claire par le législateur.

On retrouve néanmoins, vaguement, çà et là, des notions relatives au caractère « impérieux » d’un agissement.

En droit du travail par exemple, certains salariés ne peuvent pas faire l’objet d’une faute ou d’un licenciement dans le cas où l’absence serait justifiée par « des obligations familiales impérieuses ».

En droit pénal, ou encore droit de la responsabilité, le motif impérieux peut prendre un sens comparable à la force majeure, à savoir un évènement inéluctable auquel on ne peut se soustraire, pouvant être imprévisible et extérieure aux parties.

Dans ces conditions, les déclarations des différents ministres enfoncent des portes ouvertes lorsqu’ils évoquent un professionnel avocat ou médecin devant satisfaire à une convocation administrative, ou encore un routier devant livrer sa marchandise à l’autre bout du pays ; mais ne répond pas au caractère impérieux ou non de cet homme qui a voulu se rendre au chevet de son père mourant, et qui a été verbalisé ; ou encore de ces femmes sorties acheter un test de grossesse et du papier hygiénique ; de cet étudiant qui s’est déplacé à la laverie automatique faute de moyens dans sa chambre de bonne pour laver ses vêtements ; ou encore, l’absurde n’ayant pas de limite, de ce SDF ayant enfreint le confinement pour s’être montré  mobile et « particulièrement agressif » !

Le pouvoir au fonctionnaire de police

À défaut de définition précise, cette notion de motif impérieux est donc à la discrétion du fonctionnaire de police ou de gendarmerie, c’est-à-dire avec plus ou moins de discernement, au cas par cas, et donc à la tête du justiciable.

Ce pouvoir totalement subjectif entre les mains d’un seul questionne le principe de légalité en droit pénal, à savoir l’interdiction absolue de réprimer un comportement qui n’ait pas été préalablement établi par la loi, à savoir encore, ce principe ancien de droit pénal selon lequel tout ce qui n’est pas interdit est autorisé.

Ce vide juridique sidérant va donc entraîner une recrudescence de contentieux judiciaires à l’occasion desquels les magistrats devront apprécier le caractère  impérieux, compte tenu notamment des preuves qui leur seront apportées, ou de la bonne foi des justiciables.

Un état de fait inquiétant quand on constate que les tribunaux rouvrent à peine, et croulent déjà sous un retard augmenté par un peu plus de deux mois de confinement.

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  • Dommage de ne pas avoir ajouté un petit paragraphe à propos d’Amazon, entreprise condamnée à ne plus vendre certains biens dits non essentiels, alors qu’a priori il s’agit du même problème, un bien essentiel n’existant pas plus qu’un motif impérieux.

    Le plus grave n’est-il pas que des lois arbitraires soient validées par des « experts » supposés défendre les principes démocratiques et se soumettre à la constitution ?

    « Tout ce qui n’est pas défendu par la loi ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu’elle n’ordonne pas. » C’est à se demander si ce pays, dans lequel la garantie des droits n’est plus assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, a encore une constitution.

    • Les caprices du gamin tiennent lieu de constitution.

      • Non. Comme le soulignais Trump dans l’une de ses intervention, l’Etat n’a aucune idée de ce qui rentre dans la composition de tel ou tel produit…mettons que j’ai une machine outil permettant de fabriquer des masques qui tombe en rade à cause d’une vis avec un pas de vis un peu exotique…mes fournisseurs et mon magasin de bricolage le plus proche sont fermés, mais Amazon dispose de ladite vis. Qu’est-ce qui permet à quiconque chez Amazon de déterminer du caractère essentiel de ma commande ? Rien. Il ne peut donc qu’exister des biens essentiels.

        Essayer de revoir la démonstration que Milton Friedman avait emprunté à Leonard Read sur un certain crayon…

    • une constitution n’est physiquement que de l’encre sur un papier.
      Tout dépend de ce que l’on en fait.
      En Grande Bretagne, on respecte cette Constitution, alors qu’elle n’est pas écrite.

      En France, ceux qui nous gouvernent n’ont ni morale, ni culture : ils ne connaissent plus que la force…

    • @Cavaignac
      Bonjour,
      « C’est à se demander si ce pays, dans lequel la garantie des droits n’est plus assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, a encore une constitution. »
      Il n’y a plus à se le demander vu que l’absence de garantie et de séparation est bien actée.
      Le truc c’est comment vivre quand l’Etat décide des règles que nous devons suivre et qui les change quand ça le chante ?
      Aah…(soupirs) ! Lansing, Michigan ; Richmond, Virginie… où les citoyens rendent visite à leurs élus sans rendez-vous.

      • Quand il n’y a plus de constitution, l’honnête citoyen correctement éduqué n’y a plus de raison valable de se soumettre aux lois, aux impôts ou aux institutions, en dehors des rapports de force brutaux.

        La résistance à l’oppression est un droit naturel qu’aucun socialo-collectiviste ne pourra jamais enlever.

        • @Cavaignac
          Bonsoir,
          Les rapports de force sont comme vous le dites « brutaux », donc inégaux, et à notre désavantage.
          Ceux qui ont réussi à égaliser un tant soit peu ces rapports sont les racailles en tout genre, de celles qui cassent lors des manifestations à celles qui tendent des guet-apens aux pompiers et aux Forces de l’Ordre, et qui allument ces dernières au mortier ou aux cocktails molotov.

          Certes, se défendre est naturel. Même les enfants le font sans avoir de notions de self-defense ; les socialo-communistes ont tout de même bien mis sous clés les 4 Droits fondamentaux, naturels, et imprescriptibles. Le simple fait de se procurer un masque pour se protéger d’un virus, était soumis à une règlementation décidée unilatéralement par l’Etat.
          Les Forces de l’Ordre ne sont pas instituées dans notre intérêt, mais à celui de ceux qui en ont la gestion. Et ça craint.

    • Amazon étant américain doit être bloqué pour ses activités en France où il travaille ( partiellement ) avec des fournisseurs français. Alibaba étant chinois, n’ayant pas d’établissement en France et ne travaillant avec aucun fournisseur français peut fonctionner.

  • C’est grave, nous sommes en gravitude c’est juste avant ce que nos dirigeants ne souhaitent pourtant pas: la dictature. A force de jongler avec les lois, ça tombe.

    • Vous pensez vraiment qu’un gouvernement mis à mal par des mois de manifestations impossibles à juguler, ne souhaite pas la dictature? On peut aussi s’intéreser au profil psychologique de notre président…

      • Il ne la souhaite pas, malgré lui la base dictatoriale s’installe par une technostructure aveugle et imbue de ses pouvoirs muselant nos sociétés. D’ailleurs que vaut sa parole quand après un de ses discours n’importe quel ministre le détricote avec autorité plus forte que la sienne.

  • Nos représentants ont voté la suspension de libertés fondamentales et la population, confinée dans la peur, a applaudi.
    Cette acceptation de l’arbitraire aura de lourdes conséquences. Et il se trouve bien peu de monde pour réagir cimme l’auteur de cet article.

    • Enfin, il y a énormément de banderolles anti-macron et anti-gouvernement…que la police de la pensée est prompte à aller détruire en vertu d’un délit imaginaire d’injure publique qui ne saurait exister sur une propriété privée.

      • Oui, mais je doute qu’il s’agisse d’une majorité de la population. Ceci dit, les choses changent souvent grâce à une minorité motivée.

        • Dans ce que j’observe, la France des villages en veut énormément à la France des villes…et tout particulièrement aux parisiens…

          • +1000
            De plus, ça échappe plus ou moins à ces Parisiens qui se fient aux reportages transmis par des journalistes « envoyés spéciaux », et basés dans les grandes villes…

  • « Art. 5. La Loi n’a le droit de défendre que les actions nuisibles à la Société. Tout ce qui n’est pas défendu par la Loi ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu’elle n’ordonne pas.  » DDHC 1789.
    Nous en sommes à ce que l’Etat considère un déplacement comme nuisible à la Société.
    Nous en sommes à ce que l’Etat traque des randonneurs seuls dans les chemins, à pied et jusqu’à utiliser un hélicoptère : à ce qu’il surveille des citoyens avec des drones… mais laisse tranquille les « jeunes » émotifs des quartiers non moins émotifs.
    10 millions de contrôles en moins de 8 semaines, pour 1 million de P.V, pour le seul motif de déplacement.

    • Les FO font rentrer les sous dans les caisses vides et sans fond de l’état. Pour elles, peu importe qui crache au bassinet.

  • Tout cela est parfaitement exact mais n’a pas commencé avec cette présidence !!! Nos socialistes de droite comme de gauche ont insidieusement modifié les textes sans réaction des politiques que çà arrangeait finalement !!!! Même les  » grandes gueules  » progressistes sont quasiment muettes et si ce n’est pas par adhésion , c’est par intérêt ( une mauvaise loi peut toujours servir si on atteint le pouvoir !!) !!! Il suffit de se souvenir de Mitterrand brocardant la 5ème dans son pamphlet :  » le coup d’état permanent  » mais qui n’a rien modifier de ce qu’il reprochait au système le trouvant très à son goût !!!!!

  • La France n’a jamais épuré le régime de Pétain de ses magistrats, FDO, élus divers… Il doit donc trainer dans les tiroirs une suite des textes des années 40-45, appliqués déjà à l’époque, et repris actuellement par les dignes descendants (parfois les petits-enfants de ces enf..rés de l’époque) qui n’ont aucune raison de se gêner puisqu’il ne s’est rien passé de désagréable, après la chute. En sachant qu’il n’y a pas eu plus de 400 000 dits résistants (à peine 1% de la population française de l’époque), on est mal patron vu le niveau de vraie opposition de notre pays.

    • @vitevu
      Bonsoir,
      « En sachant qu’il n’y a pas eu plus de 400 000 dits résistants (à peine 1% de la population française de l’époque), on est mal patron vu le niveau de vraie opposition de notre pays. »
      En sachant aussi, que dans les 400.000 beaucoup trop étaient des communistes, rendus en résistance après la violation du pacte Germano-Soviétique. Les communistes étaient traqués par les nazis. Evidemment, ils ont phagocyté la Résistance.

      1% de la population actuelle représente environ 670.000 personnes. C’est aussi à peu près l’effectif de la Police, de la Gendarmerie et de l’Armée réunies.
      Les « séparatistes » (terme de Macron) qui tiennent en échec l’effectif policier sont-ils 670.000 ? (Ok, ces policiers sont aussi tenus en échec par leur hiérarchie, l’Administration et la Justice)

  • Les motifs impérieux devraient être énoncés sur le site du gouvernement. Il est insupportable de prévoir des sanctions sans définir précisément leurs motifs, laissant des fonctionnaires de terrain les apprécier à leur façon !
    Mais notre société de bisounours est prête à payer n’importe quel prix, notamment les décisions arbitraires de plus en plus nombreuses des politiques et de la bureaucratie dans tous les domaines, s’imaginant que c’est pour son bien…
    Le libéralisme nécessite la prise en mains de leur destin par des individus responsables, alors que notre époque proclame une prétendue volonté de solidarité pour masquer le désarroi d’une génération gâtée, incapable de se gérer, jusqu’à rechercher son propre asservissement contre l' »aide » de la communauté.
    C’est pourquoi, face à un État omniprésent, vorace et débordé, les français en demandent encore plus…

  • En Belgique, nous sommes à peu près dans le même état. On est en train de nous museler pour notre bien. Quand nous votons (c’est obligatoire), lors des résultats, nous voyons des formations de 4,5, partis qui forment des coalitions. A quoi a servi le vote: ils sont tous (presque) au pouvoir. Des partis pourtant bien souvent opposés. Nous pouvons nous déplacer pour « faire des courses », mais attention: si on vous arrête on vous demande d’où vous venez, où vous allez, …. Et vous devez acheter « des choses essentielles ». Comme chez vous ce qui est essentiel est laissé à l’appréciation de l’agent verbalisateur. A la limite, vous tombez sur un « végan » convaincu et vous avez de la charcuterie, il peut (à la limite), s’il voulait que ce que vous transportez n’est pas essentiel … ( à son avis). Et ne rouspétez pas: c’est « refus d’obtempérer à un ordre d’un agent de la force publique ». La dictature est en marche. Des traces de ce confinement vont rester dans les lois et les décisions politiques.

  • Les attestations dérogatoires ( ancienne ou nouvelle) ne précisent pas la référence ( N° de la loi ou décret) qui les rendent obligatoires et susceptibles de justifier les sanctions infligées après verbalisation. Est-ce bien légal puisque nul n’étant censé ignorer la loi, la moindre des choses est de donner à chacun le moyen de vérifier qu’il n’est pas en infraction par rapport à une loi, décret ou règlement dûment identifié et compréhensible par le commun des mortels – donc pas rédigé en charabia administratif?
    Sans être contre le fait de prendre des précautions élémentaires cette auto-autorisation que l’on s’autorise à s’autoriser, ça donne quand même une forte impression de foutage de gueule sous couvert de responsabilisation (plutôt d’infantilisation, comme le collégien qui se fait à lui-même un billet d’absence!).

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