Par André Heitz.
Les variétés rendues tolérantes à un herbicide ou une famille d’herbicides sous la guillotine ?
Dans son arrêt du 7 février 2020 (communiqué de presse ; arrêt), le Conseil d’État devait se prononcer sur deux conclusions de la requête de la Confédération paysanne et de huit associations.
Pour la première, il a estimé que les variétés issues des techniques « modernes » d’amélioration des plantes, postérieures à 2001 ou censées l’être, sont des OGM soumis à réglementation s’agissant de l’évaluation, de l’autorisation de dissémination et de mise en marché, du suivi, de la traçabilité et de l’étiquetage.
C’est le cas en particulier des variétés produites ou issues de mutagenèse in vitro. Il en a dérivé d’autres conclusions qui pourront notamment, selon le communiqué de presse, « amener en pratique à retirer les variétés concernées du catalogue et à en suspendre la culture. »
Mais qu’en est-il des variétés rendues tolérantes à un herbicide ou une famille d’herbicides (des variétés issues d’une mutation in vitro) ?
VRTH : voici venir le principe de précaution
Les deux derniers articles de fond de l’arrêt du Conseil d’État portent sur les VRTH (variétés rendues tolérantes aux herbicides).
Le Premier ministre de l’époque, M. Manuel Valls, a certainement eu le tort de ne pas répondre à la Confédération paysanne et huit associations. Le Conseil d’État lui en fait le reproche. Cela donne dans le communiqué de presse :
« Le Conseil d’État a par ailleurs estimé qu’en vertu du principe de précaution, le Premier ministre ne pouvait refuser de prendre des mesures de prévention pour l’utilisation de variétés de plantes rendues tolérantes aux herbicides. »
Mais l’explication laisse songeur. Selon le communiqué de presse, qui résume de manière appropriée la démarche du Conseil d’État,
« En effet, les différentes expertises […] ont identifié des facteurs de risque correspondant au développement des mauvaises herbes tolérantes aux herbicides et à l’augmentation par voie de conséquence de l’usage des d’herbicides, même si ces risques ne sont qu’incomplètement évalués du fait des lacunes des données disponibles. »
Où est l’évaluation du caractère « grave et irréversible » du dommage qui pourrait se réaliser et affecter l’environnement, caractère qui préside à la mise en branle du principe de précaution ?
À son silence, le Premier ministre aurait pu valablement substituer un refus (sommairement motivé) de prendre des mesures. Le Conseil d’État a ignoré cette possibilité pour juger dans le sens des requérants.
Une explication fort anachronique
Outre les arguments déployés par les requérants, décrits en termes généraux dans l’arrêt et vraisemblablement peu spécifiques et pertinents dans leurs écritures, le Conseil d’État se fonde essentiellement sur l’avis de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) du 26 novembre 2019 relatif à l’utilisation des variétés rendues tolérantes aux herbicides cultivées en France.
Nouvelle source d’étonnement : cet avis est postérieur à la non-décision du Premier ministre entreprise de, semble-t-il, au moins cinq ans !
Pas de moratoire, mais…
Le Conseil d’État n’a pas fait droit à la demande de moratoire. Ce n’est pas une lourde défaite pour les requérants, ni une petite victoire pour la rationalité, compte tenu de la décision principale et de ce qui suit.
Tout d’abord, il est enjoint au gouvernement de mettre en œuvre les recommandations formulées par l’ANSES dans son avis, « en matière d’évaluation des risques liés aux VRTH, ou de prendre toute autre mesure équivalente de nature à répondre aux observations de l’agence sur les lacunes des données actuellement disponibles ».
On peut trouver la formulation ambiguë, mais les recommandations sont faites pour être suivies, sauf à considérer que le gouvernement est plus expert que l’ANSES. Et il ne s’agit ici que d’acquérir des connaissances.
Ce qui interroge c’est en premier lieu la position de l’ANSES. En bref, un excès manifeste de précautionite.
L’ANSES note en préambule de ses conclusions générales :
« D’après l’évaluation a priori des risques liés à l’utilisation des herbicides sur les VRTH, conduite au titre du dispositif réglementaire européen encadrant les produits phytopharmaceutiques, les risques associés à l’usage des produits phytopharmaceutiques sont acceptables et des AMM ont été délivrées en France pour les usages concernés. »
Ailleurs, l’ANSES écrit :
« Bien qu’aucun effet indésirable n’ait pu être observé d’après les données collectées, l’étude des pratiques agricoles associées à la culture des VRTH montre que celles-ci pourraient s’accompagner, à terme, de certains effets indésirables. »
Elle produit ensuite une longue liste de recommandations pour en savoir plus sur des risques… acceptables, sans nul doute gérables et maîtrisables, et consistant essentiellement dans l’apparition de mauvaises herbes devenues résistantes (elles existent déjà…).
Les VRTH sont rendues tolérantes à un herbicide ou une classe d’herbicides utilisés depuis fort longtemps sur d’autres espèces cultivées. Les utiliser aussi sur colza ou tournesol peut cependant modifier le paysage agronomique et la dynamique des résistances des mauvaises herbes. C’est pourquoi la profession a mis en place une charte des bonnes pratiques de désherbage dans les rotations incluant des VRTH, afin de minimiser les risques précités (et de préserver l’intérêt des VRTH).
« … pourraient s’accompagner, à terme, de certains effets indésirables… », voilà donc l’incertitude qui a sonné le tocsin pour l’application du principe de précaution.
Le Conseil d’État est fort disert sur le sujet, énumérant sans prise de recul ni esprit critique les arguments des requérants.
Par exemple, ceux-ci n’ont pas hésité à évoquer les risques « de pollution des eaux et de l’environnement […] et d’accumulation de molécules cancérigènes ou de perturbateurs endocriniens dans des plantes cultivées destinées à l’alimentation humaine ou animale »… toutes choses qui, si elles étaient crédibles, auraient dû se produire depuis longtemps suite à des traitements herbicides sur céréales, par exemple ; et se produiraient également avec des herbicides non associés au VRTH.
Le Conseil d’État ne s’est pas appuyé spécifiquement sur ces éléments de gesticulation dans son arrêt (mais il avait été plus « enthousiaste » dans sa décision du 3 octobre 2016, avec probablement un effet induit sur l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE)). Ils ont toutefois manifestement contribué aux différentes décisions.
Voir une juridiction se prononcer et trancher sur des conclusions d’une partie au litige impliquant des questions scientifiques, sans recourir à des avis d’experts, pose cependant problème. Tout particulièrement lorsque la justice est instrumentalisée par l’activisme.
Interdire ou restreindre les VRTH ?
L’article 16.2 de la directive 2002/53/CE concernant le catalogue commun des variétés des espèces de plantes agricoles permet aux États membres de demander l’autorisation d’interdire, pour tout ou partie de leur territoire, l’utilisation d’une variété ou de prescrire des conditions appropriées de culture de la variété, notamment « s’il a des raisons valables […] de considérer que la variété présente un risque pour la santé humaine ou l’environnement. »
L’interdiction de l’utilisation des VRTH n’est pas envisagée à ce point de l’arrêt mais pourrait résulter des décisions prises par les autorités en application d’un article précédent de l’arrêt. En revanche, il est intimé au gouvernement d’activer la procédure dans un délai de six mois « pour être autorisé à prescrire des conditions de culture appropriées pour les VRTH issues de la mutagénèse utilisées en France. »
Quelles seront les « conditions de culture appropriées » – au-delà de la charte des bonnes pratiques ? Est-il raisonnable de penser qu’elles pourront être définies en l’espace de six mois ? Est-il même raisonnable de considérer que les VRTH « présente[nt] un risque pour la santé humaine ou l’environnement » ? L’apparition d’une mauvaise herbe devenue résistante à un herbicide – supposément à cause de l’utilisation d’une VRTH – est-elle un risque pour l’environnement ?
Il y a plus : les « VTH » – les variétés tolérantes à un herbicide ou une classe d’herbicides ayant acquis leur tolérance par le fait d’une mutation naturelle, spontanée, seraient exclues de ce dispositif d’encadrement si l’arrêt est appliqué à la lettre !
En résumé, était-ce bien opportun au vu des nombreuses incertitudes ? En tout cas, le trouble obsessionnel compulsif de la réglementation a encore frappé.
Et si quelqu’un titillait les autorités sur le bio ?
Le Conseil d’État n’a pas eu à recourir au premier point de l’arrêt de la CJUE selon lequel le droit communautaire « doit être interprété en ce sens que les organismes obtenus au moyen de techniques/méthodes de mutagenèse constituent des organismes génétiquement modifiés au sens de cette disposition. »
Nous avions montré dans « L’agriculture biologique doit remonter le temps de… 70 ans ! » que la définition des OGM produite par la CJUE s’applique aussi aux textes régissant l’agriculture biologique. Les thuriféraires de ce mode de production claironnent par ailleurs qu’il exclut les OGM. Jusqu’à présent, faute d’être suffisamment interpellé, le biobusiness a pu simultanément clouer les « OGM cachés » au pilori et alimenter ses profits avec eux.
Biocoop a même réussi l’exploit de vendre des « chips des faucheurs » contenant de l’huile de tournesol oléique en soutien de la délinquance des « faucheurs volontaires ». Le caractère « riche en acide oléique » est issu d’une mutation induite… l’huile doit donc être marquée du sceau de l’infamie, « OGM ».
(Source un fil très intéressant et informatif)
Il serait utile, pour faire cesser le dénigrement de l’agriculture qui nous nourrit et le travail de sape mené contre elle (et des institutions comme l’ANSES, cible d’attaques innommables) qu’une institution ou un acteur de la vie économique fasse appliquer cette définition manifestement excessive des OGM dans le secteur de l’agriculture biologique.
Le Conseil d’État a demandé que l’on identifie au sein du catalogue commun les variétés « qui y auraient été inscrites sans que soit conduite l’évaluation à laquelle elles auraient dû être soumises compte tenu de la technique ayant permis de les obtenir ».
Les autorités pourraient en profiter pour inscrire la mention « non utilisable en agriculture biologique » à chaque fois que l’on se trouve en présence d’une variété issue, directement ou indirectement, d’une mutation.
Cela mettrait bien des champs bio en jachère et viderait bien des rayons des magasins spécialisés. Gageons que cela accélérerait considérablement les travaux sur la nécessaire révision et actualisation de la directive « OGM »… et ferait venir le monde politique, économique et activiste anti-OGM à de meilleures dispositions.
Ce qu’il faut, c’est une législation réglementant les variétés et leurs produits sur la base, non pas de leur mode d’obtention, mais de leurs (nouvelles) caractéristiques et d’une évaluation a priori de leurs risques raisonnable.
C’est une législation urgente, faute de quoi après l’industrie, nous allons sacrifier notre agriculture et notre production alimentaire.
le vrai probleme c’est qu’on peut tout importer.. je me marre
c’est ce qui explique l’émergence du local..
l’injonction à consommer bio peut conduire sinon à conduit à importer des denrées cultivées dans des pays où la main d’ouvre est moins chère ..
or le bio était une promesse de revenu pour les agriculteurs français..il a fallu pallier ce problème évident et prévisible résultant de la promotion du bio.. en qualifiant de juste éthique et écolo le manger local..
donc il faut rendre le bio obligatoire interdire les importations et bien sur au final il faudra aussi forcer les gens à consommer les produits pour que les promesses économiques du bio soient tenues..
et m^me pas…on ne vivra pas « mieux »..mais tous plus pauvrement.
notez les injonctions à manger moins de viande qu’on peut voir AUSSI comme un palliatif destiné à cacher l’appauvrissement résultant de la promotion du bio…
impossible ! car çà contredit la regle europeenne sur le commerce.. on veut faire croire que ce qui est local est forcement meilleur donc plus cher..
Hélas c’est faux!
si on veut appliquer l’idéologie stupide des verts , il faut sortir de l’europe , fermer les frontieres et vivre en autarcie .. autrement dit ce n’est pas demain la veille…
pour le moment nous sommes dans l’injonction..la morale… le manger local peut parfaitement être intégré dans un plan pour éviter les emissions de CO2 du fait des transports de denrées.
la main mise sur l’énergie fossile permet à peut près TOUT.
« manger local » n’est pas toujours efficace pour éviter « les émissions de Co2 ».
Un semi-remorque de tomates qui vient de loin consomme moins de fuel qu’une ribambelle de petits véhicules qui viennent de près.
« Manger local » implique que les parisiens mangent toutes les céréales, produite dans la beauce. Et que les nivernais mangent tous les bovins produits dans leur département (il y a plus de bovin dans la Nièvre que d’habitants…)
« manger local » est une fausse bonne idée. Le maraîchage local ? Si les bretons n’avaient pas pu fournir la grande bretagne en primeur (ce qui ne date pas d’hier mais du 19ème siècle), les paysans bretons seraient mal.
Si les bordelais n’avaient pas pu vendre leur vin en angleterre, les portugais leur portos ?
Et les oranges du maroc ? Ce sont les dromadaires qui vont les manger ?
Au moyen age, les bergers du dauphiné étaient bien content de manger du hareng de la baltique.
Et si nous connaissions un peu mieux les réalités du terrain et l’histoire ?
que ce qu’ils prônent soit efficaces ils s’en foutent..
ils n’aiment pas ce qui est productif…
ils ne comptent pas..
donc le local c’est bien, le bio c’est bien..
ce que je dis est que le bio était promu comme LA solution..écolo et économique..
or le bio est coûteux en main d’oeuvre ils se sont retrouvés à devoir expliquer les bio étranger..et le risque d’une délocalisation au moins partielle de la production bio..pas sexy..
le local n’a servi qu’à pouvoir le rejeter afin de conserver la promesse de prospérité pour les agriculteurs bio français..
ils ne comptent pas..
Ils sont donc riches…
Quel est l’intérêt d’éviter les émissions de CO2, à part pour les taxophiles? Un interessant article, avec des liens crédibles sur dreuz info ce matin . Un clou de plus dans le cercueil des kmers verts quand le moment viendra de régler les compte de ces escrocs
Euh… non non, ça c’est le programme du RN…
Comme dit le proverbe qui ne risque rien n’a rien. C’est comme si l’on prétendait que l’ennemi du danseur de corde, c’est son balancier.
effectivement…mais attention on peut bel et bien avoir des problèmes liés à l’usage massif de pesticides..
mais on PREND déjà des précautions.. et on opère une surveillance…
remplacer une méthode qui a marché par des idées simples..
qui tiennent essentiellement à « ce qui est naturel ou traditionnel est toujours mieux » est absurde…
là encore, si on connaissaient la réalité du terrain.
En 25 ans, les produits phyto utilisés ont radicalement changés… Ils sont bien moins rémanents et toxiques.
En outre les agriculteurs ne sont pas des crétins, ils traitent au minimum (c’est cher, ça prend du temps).
Détail qui tue : les insecticides bio (spinosad, pyrèthre, azadichachtine) sont 1) toxiques pour les abeilles 2) efficaces très peu de temps et donc utilisés très, très souvent.
Deuxième détail qui tue : le pyrèthre (principal insectide bio) est produit en afrique de l’Est et en papouasie… Dans de gigangesques cultures qui ne sont …. pas bio ! (le pyrèthre ressemble à un chrysanthème blanc, il est extrêment sensibles à des maladies, des parasites, etc…
Les produits phyto utilisés pour protéger la culture du pyrèthre sont non seulement pas bio mais, souvent, strictement interdit en France (insecticide organo-phosphorés, etc.).
Dernier détail qui tue : on produisait le pyrèthre dans le sud de la France au début du 20ème siècle…
Pourquoi ne pas imposer aux bios de n’utiliser que du pyrèthre « cultivé en bio »… Et en france pourquoi pas..
Ah… Il parait que ce ne serait pas rentable…
Bon…
Une des études sur le glyphosate portant sur une période longue avait établi que les agriculteurs étaient dans les catégories les moins touchées par les cancers . Qui a choisi de retenir la seule qui laissait planer un doute?
disons que ce genre d’études ne permet que de d’écarter l’idée de problème de santé public important…
l’agriculture bio est idéologique, elle n’a pas d’objectif que d’etre telle qu’elle se définit..
il est sans doute trop tard pour rappeler que l’agriculture bio n’a en réalité AUCUN avantage démontré sur la santé humaine, la prospérité et l’environnement..
« Après l’industrie, nous allons sacrifier notre agriculture »
Mais c’est déjà fait. Le secteur agro-alimentaire qui constituait depuis longtemps un des piliers de nos exportations se trouve désormais en situation de déficit.
Si on ne l’empêche pas de nuire, l’Etat obèse détruira absolument tout dans ce pays.
Il a déjà bien commencé et ne s’arrêtera que si ce symbole du fascisme qu’est le statut de fonctionnaire est supprimé et remplacé par une responsabilité pénale des élus et fonctionnaires, au même titre que pour la société civile
et cette destruction est volontaire……
Cela fait déjà un bout de temps que nos gouvernements, après avoir détruit notre industrie, détruisent systématiquement l’agriculture et le secteur agro-alimentaire, seuls à exporter avec le luxe! Bientôt nous serons uniquement un pays touristique!