Privatisation d’ADP : la volte-face des Républicains

La droite doit redevenir elle-même, c’est-à-dire libérale, et accepter la privatisation d’ADP.

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Départ d'avion (Crédit : Gabriel Rocha, Creative Commons)

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Privatisation d’ADP : la volte-face des Républicains

Publié le 11 juillet 2019
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Par Jean Semnoz.

Le groupe parlementaire Les Républicains s’est exprimé contre le projet du gouvernement de céder les parts de l’État au sein de Groupe ADP. Le Sénat, Bruno Retailleau en tête, s’y est même opposé frontalement de sorte que le projet de loi a dû repasser par l’Assemblée nationale pour y être finalement adoptée. Pourtant, historiquement, la droite a toujours été favorable aux privatisations. Cette position paradoxale sera d’autant plus compliquée à tenir en cas de retour au pouvoir des Républicains.

L’opposition fait… opposition

La décision officielle est prise et annoncée. Dans le cadre de la loi Pacte, l’État cédera sa part majoritaire dans le capital de Groupe ADP. En septembre dernier, Clément Lesaffre d’Europe 1, annonçait : « Bouleversement en vue pour les aéroports de Paris : la privatisation du groupe ADP, actée dans la loi Pacte qui arrive actuellement à l’Assemblée, doit se concrétiser début 2019. Pour l’instant, l’État français détient toujours 51  % d’ADP, qui gère les plateformes de Charles-de-Gaulle et Orly. »

L’État se désengage car sa présence au capital n’est plus nécessaire pour le développement de la plateforme. De plus le produit de la vente, estimé à 10 milliards d’euros, rapportera bien plus dans le fonds pour l’innovation, auquel il est destiné.

Mais le groupe LR ne l’entend pas de cette oreille et affiche son opposition farouche au projet. Dès janvier 2019, Bruno Retailleau, chef de file LR au Sénat, a initié le blocage parlementaire, comme rapporté par François Vignal, pour Public Sénat : « La surprise – qui était attendue, comme nous l’expliquions – est venue de l’opposition de nombreux sénateurs de droite. Le président de groupe, Bruno Retailleau, a signé l’un des amendements de suppression. Le monde à l’envers, diront certains. Mais beaucoup, comme le sénateur LR des Côtes d’Armor, Michel Vaspart, se disent ‘résolument opposés’ à la privatisation ». Cette opposition étonne d’autant plus que, historiquement, les Républicains ont toujours été favorables aux privatisations.

Une histoire libérale

La droite gaulliste (RPR, UMP, puis LR) s’est toujours montrée favorable aux privatisations lorsqu’elle était au pouvoir et ce au nom de l’allègement de l’État et du libéralisme économique. Mathieu Lehot, spécialiste économie pour Ouest-France, rappelle le rôle historique de la droite dans les privatisations : « En 1993, Édouard Balladur est appelé à Matignon (deuxième cohabitation). La France connaît une nouvelle vague de privatisations. L’État se sépare de ses entreprises pétrolières. La quasi-totalité des actifs de Total et d’Elf-Aquitaine sont écoulés en 1993. Au total, le gouvernement a engrangé quelque 114 milliards de francs grâce aux ventes de ses entreprises publiques. Ce qui vaudra à Édouard Balladur le titre de champion des privatisations, quelques années plus tard. »

En 30 ans, le nombre de sociétés contrôlées par l’État a diminué d’environ 60 %, principalement sous la houlette des gouvernements de droite successifs. Seul le gouvernement Sarkozy-Fillon a peu privatisé, en raison de la crise des subprimes rendant toute privatisation conjoncturellement peu intéressante.

Mais le candidat François Fillon avait bel et bien l’intention de reprendre les privatisations et plaidait pour une sortie de l’État des entreprises où il n’est pas nécessaire : « Le pays est terriblement endetté, il va devoir faire face à la remontée des taux d’intérêt dans les prochains mois ou les prochaines années. Comment investir quand on n’a pas d’argent ? Moi, je veux reprendre les privatisations, que l’État sorte des entreprises du secteur commercial où il n’est pas absolument nécessaire. »

De plus il est bon de rappeler que le Groupe ADP a déjà été privatisé, bien que partiellement, sous Dominique de Villepin. Un rapide passage en revue de l’histoire des privatisations en France suffit donc à mettre en évidence le soutien passé de la droite aux privatisations, et donc l’incohérence de la position actuelle de Bruno Retailleau et des membres LR à l’origine de l’opposition.

Une logique de parti

Mais ce dernier est affairé, non à la conduite des affaires de L’État, mais bien à la reconstruction de son propre parti. Après le désastre électoral de 2017, confirmé par les résultats catastrophiques des européennes, la refondation du parti a donné naissance à de nouveaux profils meneurs qui doivent se créer une existence politique rapidement s’ils veulent être crédibles en 2022. Mais si les ambitions de gouvernement de la droite traditionnelle se concrétisent il lui sera alors difficile de mettre en œuvre sa politique libérale quand elle l’aura critiquée aussi vertement pendant la période d’opposition.

Le rôle de l’opposition est d’apporter l’équilibre et la perspective, afin que le pouvoir ne soit pas seul à s’exprimer. Mais le climat politique tendu pousse les forces en présence à contraster leurs positions. Dire non par principe, peu importe à quoi, est apparemment devenu le modus operandi de l’opposition. Quitte à négliger sa propre cohérence politique, et quitte à se préparer à un bien difficile retour au pouvoir éventuel.

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  • Après ca LR s’étonne d’avoir pris une raclée aux dernières élections !

  • Cela avec le tribunal écolo de Peltier….On ne peut plus voter pour eux!

  • LR ce n’est ^plus a droite depuis longtemps.. opportunistes? certainement

  • Il me semble que le problème ne vient pas de la privatisation en elle-même mais plutôt de la manière de la faire.
    Je ne serais pas étonné si le contrat de vente était un concentré de magouilles et de copinage, notamment par rapport à Vinci (en compensation du fiasco de Notre-Dame-Des-Landes).

    • Il serait facile pour LR de préconiser une manière plus honnête, et même d’en tirer parti moralement plutôt qu’en connivences à son avantage…

    • Et pourquoi, comme il est dit dans la vidéo, est-ce devenu une priorité?
      Il y a chez Macron une tendance à concentrer en même temps les travers de la droite, et de la gauche.

      • Macron est un mondialiste, donc un collectiviste: rien ne doit appartenir à personne si l’on considère les Etats-nations comme les “personnes” du monde.
        Dans cette perspective, les multinationales doivent se partager les richesses du monde, et donc auront le pouvoir. Il reste à savoir si la liberté des citoyens y gagnera.

    • Préambule de 46, art 9 : Tout bien, toute entreprise, dont l’exploitation a ou acquiert les caractères d’un service public national ou d’un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité.
      Tout le reste n’est que verbiage et pertes de temps inutile.
      La privation d’AdP est anticonstitutionnelle.
      Affaire suivante.

      • En l’occurrence il ne s’agit pas d’un service public ou d’un monopole. Il existe pleins d’aéroports en France, de compagnies aériennes et de moyens de transports. Leur fonctionnement n’a pas besoin de l’état, hormis pour fixer des règles générales, mais pas plus. Un aéroport étatisé n’a aucun intérêt. Les ressources de l’état doivent être utilisées à ce qui est, et doit rester, strictement régalien: la sécurité (police, armée) et la justice. Un peuple qui se sent en sécurité physiquement et juridiquement, et qui est libre pour tout le reste, est un peuple heureux.

  • Vendre des pepites pour creer des fonds d’inovations qui seront surtout des gouffres financiers….il y a de quoi retourner sa veste…ils ne peuvent meme as utiliser ces 10 milliards pour payer nos dettes..autant garder adp.

  • Il n’y a pas de droite en France car celle que nous qualifions ainsi est sociale démocrate!

    • La droite française n’a jamais été libérale, ce n’est pas quelques privatisations au bénéfices de milliardaires amis qui en font une force libérale.
      Il est amusant d’essayer de placarder des structures multi dimensionnelles (liberté économique, sociale, moeurs, nationalisme…) comme les partis politiques sur un simple axe droite-gauche.
      La droite représente l’autoritarisme et le conservatisme, la gauche le laxisme et l’égalitarisme.
      Après l’économie, les électeurs s’en foutent. Chirac a été élu car il semblait sympa, pas pour tout privatiser.
      Quand il y a une privatisation, tout le monde se moque du gouvernement car il a toujours sous vendu et s’est fait avoir.
      En même temps niveau contrat, ils ont de vrais pignoufs comme juristes. De l’incompétence ou de la corruption ?

  • ” … une sortie de l’État des entreprises où il n’est pas nécessaire ”
    Tout le débat est là. Concernant les aéroports, il y a des arguments des deux côtés. La rentabilité des boutiques peut par exemple induire des décisions sur le type de trafic.
    A noter que la plupart des aéroports du monde sont aux mains des Etats.

  • On ne saurait leur en vouloir de s’intéresser aux faits, de prendre en compte les expériences comme celles de Toulouse, et la réalité du dossier ADP, plutôt que de se contenter de tenir une ligne idéologique libérale, par pur principe et dogmatisme.

  • Privatiser un oligopole ainsi qu’une frontière internationale, mais quelle brillante idée.. au surplus pour financer l’immixtion de l’Etat dans l’intelligence artificielle pour qu’on finisse tous serviles comme en Chine au service du dictateur.. quelle brillante idée..

    Il n’y a donc rien de libéral à souhaiter une telle privatisation, car une telle privatisation ne serait pas libérale, mais anarchiste.

  • C’est une aéroport, une frontière, pas un centre commerciale !

    On fait ce que Thatcher a fait à une époque (la vente des “bijoux de famille”). Je me demande si une politique vieille de 30 ans est le fait de l’efficacité ou du manque d’imagination de Macron qui fait ce qu’il a appris étudiant….

  • Un aéroport est un monopole.
    Dans cas la théorie libérale dit qu’il faut en vendre le droit d’exploitation sur 6 ou 10 ans, pas 70 ans !

  • Il faut éviter à ADP le scandale de la privatisation ratée de l’aéroport de Toulouse-Blagnac. Pour en savoir plus sur celle-ci, il faut lire “L’empreinte du Dragon” de Jean Tuan chez CLC Editions. L’auteur, observateur attentif de la Chine depuis longtemps et journaliste spécialisé en transport aérien, a choisi la forme du roman (la fiction n’est rien d’autre qu’une face insoupçonnée de la réalité). Il révèle la réelle personnalité de l’actionnaire chinois, les raisons de sa disparition après avoir acheté 49.9% des actions et le rôle du MSS (les redoutables services secrets chinois). Les derniers exemplaires sont disponibles sur Amazon.fr, fnac.com, Decitre et Babelio et sur commande en librairie.

    • Le fait surtout que les chinois ont pris toute la trésorerie de l’aéroport de Toulouse malgré leur pacte d’actionnariat, c’est une pratique de fond vautour. Heureusement que la région a enquêté sur les candidats actionnaires, encore une brillante preuve de l’efficacité de notre belle administration.

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