Par Ludovic Delory.
NB : cet article s’inspire du thread de Guillaume Nicoulaud sur la chasse aux « revenus malhonnêtes » lancée par Mikhaïl Gorbatchev dans l’URSS agonisante.
On est en 1986, quand Mikhaïl Sergeyevich Gorbatchev, sixième secrétaire général du Parti communiste de l'Union soviétique, lance une grande campagne destinée à combattre les « revenus malhonnêtes ». #Thread pic.twitter.com/qtX2cKj5Uz
— Guillaume Nicoulaud (@ordrespontane) March 8, 2018
Mikhaïl Gorbatchev arrive à la tête du Parti communiste le 11 mars 1985. Onze mois plus tard, le nouveau chef d’État réunit le XXVIIe Congrès du P.C. en le plaçant sous le signe de la réforme. L’immense empire soviétique est alors rongé par les difficultés économiques, la corruption généralisée et les privilèges de la nomenklatura. Le pays vacille et plus personne, jusqu’au plus haut sommet du gouvernement, ne peut nier l’évidence du déclin.
Gorbatchev lance à cette époque la chasse aux « revenus malhonnêtes », c’est-à-dire ceux qui n’entrent pas dans la planification voulue par le gouvernement. L’économie en dehors de l’État, ce que l’on pourrait qualifier aujourd’hui de « marché noir ».
L’économiste Yuri Maltsev posa un regard intéressé sur la planification en cours. Cet intellectuel, chargé de mettre en application la perestroïka, s’intéressa notamment aux prix du boeuf et du lapin vendus dans les magasins coopératifs. Des prix trafiqués de manière à ce qu’ils ne s’éloignent pas trop du prix « officiel » fixé par l’État.
Or, à la différence de beaucoup de ses pairs, Maltsev a accès aux livres occidentaux qui lui font comprendre l’absurdité du système soviétique.
Yuri Maltsev fuira l’URSS pour le monde libre. En 1989, deux ans avant la dissolution de l’empire, il arrive aux États-Unis, travaille à Washington puis devient professeur d’économie au Carthage College à Kenosha, dans l’État du Wisconsin. Depuis, il n’a de cesse de dénoncer l’absurdité de l’économie planifiée, qu’il a connu en tant qu’acteur « privilégié ».
Comme il l’écrit en 1992 dans la préface du livre Requiem for Marx, dont il dirige la publication, Yuri Maltsev a constaté que :
Pour les Soviétiques, Gorbatchev était considéré à juste titre comme un autre pirate du Parti communiste. Ses « réformes » n’ont jamais été fondamentales, mais seulement des mesures opportunes pour préserver le centralisme du Parti communiste soviétique et pour sauver ce qui restait du système socialiste. Gorbatchev n’était disposé à « réformer » que lorsque le monde s’écroulait autour de lui.
Yuri Malstev est l’un des témoins les plus indiqués pour discuter des échecs du socialisme. Son texte sur la médecine soviétique fait partie de l’anthologie de base de tout penseur libre. Pourtant, quelques décennies avant la Perestroïka, des penseurs libéraux avaient lancé l’alerte sur les dangers de l’économie planifiée — que l’on pense à Ludwig von Mises qui, lui, avait fui le nazisme. Mais la perméabilité (toute relative) du système en vigueur en URSS, additionnée à ce que Hélène Carrère d’Encausse qualifie de « maffiacratie »1, semblait avoir détourné ses dirigeants de la réalité.
Pour preuve : Mikhaïl Gorbatchev restait encore convaincu, en rédigeant son œuvre majeure2, du bien-fondé de sa démarche :
La perestroïka touche à toutes les sphères de la société. Dans son processus, elle résout les problèmes, surmonte les difficultés. Le Parti agit en tant que lanceur d’idées, force organisatrice et dirigeante et, dirais-je, en tant que garant de la consolidation du socialisme et dans celui des travailleurs.
L’URSS s’effondrera quatre ans après que Gorbatchev eût prôné, dans le sillage de Lénine, la « Révolution permanente ». La Grande Terreur3, le goulag, la censure auront ponctué plus de 80 ans d’histoire socialiste, mais c’est l’économie qui aura le dernier mot.
L’URSS, empire morcelé, s’effondra sous l’absurdité économique de ses dirigeants. Yuri Maltsev a perçu, à temps, la « présomption fatale » dont parlait Hayek. Cet admirateur de Soljenitsyne, ce pourfendeur de l’occupation russe en Tchétchénie, a choisi de quitter le navire avant qu’il ne sombre. Il y a un an, il mettait en garde contre la résurgence du socialisme :
Aujourd’hui, Yuri Maltsev reste le témoin d’un passé toujours vivace en France : il ne se passe pas une semaine sans que des élus, de gauche comme de droite, ne souhaitent planifier le logement, la mobilité, la sécurité ou l’alimentation de « leurs » citoyens.
Planwirtschaft in der DDR :
Dans les années 70-80, Klaus-Peter, l’oncle de mon épouse, nourrissait ses poules avec du pain subventionné, moins cher au Kg que le blé non subventionné…
Joli exemple.
Dans Adieu Camarades, un très bon documentaire en plusieurs volets qui passait sur la chaine Histoire, un ponte du parti expliquait que sous les ères Brejnev et Gorbatchev, l’économie était négligée. Cela voulait, peut-être, dire que sans cette négligence, l’URSS et ses satellites auraient pu être prospères. Hors, qu’on appelle le système économique de l’URSS, communisme ou capitalisme d’état, l’autorité centrale devient très vite ignorante de la situation de l’économie, tout simplement parce que l’information est transmise de la périphérie par des gens dont la motivation et la détermination s’est souvent perdue dans le « désintéressement ». Pour ceux qui ont voyagé avant et juste après la chute du mur dans les pays d’Europe centrale ou en URSS, on a bien vu à quel point les infrastructures étaient pourries, les magasins très chichement achalandés, et que la pollution industrielle, en plus de l’usage du charbon comme source de chauffage, avait atteint des seuils extrêmement dangereux. Ca fait tout drôle de se prendre une pluie acide sur la tête et sous un ciel orange, comme cela m’est arrivé à Most, en Tchécoslovaquie 🙂
Le socialisme a toujours et partout échoué. Cette leçon n’a pas encore atteint les rives françaises.
Ludwig von Mises expliquait, dès 1923, dans son fameux livre « Sozialismus » que le communisme ne pouvait pas marcher, notamment parce qu’il empêche, justement, la formation des prix.
Nous avons notre Gorbatchev : Macron.