Par Victor Fouquet.Â
On n’a sans doute pas fini d’attribuer à la TVA des mérites illusoires, conséquemment d’en manipuler les différents taux selon les différentes catégories de produits. Prétendument justifiée par l’absence de mécanisme progressif de personnalisation de l’impôt, la différenciation des taux de TVA doit surtout être assimilée à un ensemble de niches fiscales, autrement dit de faveurs accordées à certaines catégories ciblées de contribuables – faveurs toutes relatives en réalité…
C’est ainsi qu’a prospéré ces dernières semaines, comme une traînée de poudre traversant le Grand débat national, l’idée consistant à appliquer aux produits de première nécessité un taux à 0 % (portant ainsi à dix le nombre total de taux de TVA applicables, Corse et outre-mer inclus). Sans parler de l’inévitable subjectivité de son champ d’application, et en laissant de côté les obstacles juridiques afférents à la directive européenne de 2006 (dite directive TVA), pareille proposition ne résiste pas à un examen scientifique de la fiscalité.
La règle Ramsey-Boiteux de taxation optimale nous enseigne en effet que les taux d’imposition devraient être inversement proportionnel aux élasticités-prix respectives de la demande et de l’offre, en sorte qu’il faudrait à peu près faire le contraire de ce qui est couramment pratiqué et en l’espèce suggéré : taxer plus lourdement les produits dits de première nécessité, pour lesquels il existe peu de substituts, et taxer moins lourdement les produits dits de luxe, pour lesquels les substituts sont plus nombreux. On perçoit alors aussitôt les difficultés, cette fois-ci strictement politiques, qu’il y aurait à suivre un tel credo.
Aussi l’optimum de second rang consisterait-il à tendre le plus possible vers une TVA à taux unique, et en tous les cas à ne pas étendre, s’agissant de surcroît d’un impôt aux recettes providentielles pour un État dispendieux, le bénéfice de ses taux réduit ou super-réduit à des produits et services dont la consommation est difficilement délocalisable à l’étranger. La France pourrait parfaitement, à rendement budgétaire constant, se satisfaire d’un taux unique de TVA à 15 % (c’est-à -dire proche du taux moyen pondéré actuel) – véritable réforme structurelle qu’avait d’ailleurs envisagée le Conseil des prélèvements obligatoires dans un rapport de décembre 2015.
L’analyse de la TVA à partir de l’offre plutôt que de la demande freinerait assurément bien des velléités dans la manipulation de ses taux (hélas, les vieux réflexes keynésiens ont la peau dure !). Car on en oublie, à étudier la matière imposable de la TVA à partir du fait générateur, que c’est bien la « valeur ajoutée » qui est taxée, c’est-à -dire la rémunération du travail plus la rémunération du capital. Ce que l’on appelle impôt sur la consommation est en fait ici, ni plus ni moins, un impôt sur le revenu.
La définition juridique du redevable demeurant sans incidence sur la répercussion économique de la sous-charge ou surcharge de TVA, toujours partagée entre offreurs et demandeurs en fonction des élasticités-prix considérées, il est vain de manipuler les taux de TVA comme on piloterait une voiture. De même qu’une baisse de taux ne se traduit pas nécessairement par une baisse des prix, de même une hausse de TVA ne se traduit-elle pas mécaniquement par une hausse des prix.
Sauf à imaginer une demande totalement captive, il est très difficile pour les offreurs d’augmenter librement leurs prix sans provoquer une diminution de la consommation. Et même lorsque la demande est relativement captive, la hausse d’impôt n’est jamais immédiatement et totalement répercutée sur le consommateur (s’est-on déjà demandé pourquoi, à chaque nouvelle hausse de fiscalité sur le tabac, les buralistes accompagnaient les fumeurs dans leurs récriminations contre le gouvernement ?).
Généralisés à l’ensemble de la fiscalité, le défaut de réflexion théorique et la défaillance dans l’analyse et les présupposés politiques sont particulièrement visibles à travers la TVA. Le débat fiscal, qui ne fait que s’ouvrir, n’a heureusement pas fini de s’amplifier…
Du coup il vaut mieux supprimer tous les impôts sauf une tva à 15% pour assurer le régalien ?
le GVT cherche du pognon..
apres avoir pressurés les retraites, les classes moyennes , a qui va t il donc bien vouloir s’attaquer maintenant? a votre avis..
Les catégories sur qui taper s’amenuisent lentement mais sûrement. On a taper sur les vieux, les riches, la classe moyenne, les automobilistes, les gros, les maigres. Il manque juste les familles nombreuses mais ça risque de faire péter les cités.
Ah oui on n’a pas assez taper sur ces ordures d’entreprises ?
Ben… il commence à penser aux non-imposables qui deviendraient imposables, même à un euro par an. C’est une bonne idée, comme il y a de plus en plus de pauvres…
Et ils pensent aussi à sucrer la retraite de tous ces connards de français qui profite de leurs vieux jours à l’étranger ?
Une question, combien de points de TVA permettraient de supprimer l’impôt sur le revenu des citoyens et des entreprises ?
Bien entendu , je pense a ça dans l’optique de faire de la France un paradis ou toutes les entreprises pourraient se réfugier…
Aucune augmentation d’un impôt ou d’une taxe ne permet d’en supprimer un autre ! C’est le constat de décennies d’observation expérimentale : “aucun préalable avancé comme nécessaire à une diminution fiscale ne s’est jamais montré suffisant pour y aboutir finalement”.
En effet mais en raisonnant ainsi rien ne peut bouger. Il faut le bruissement d’une aile de papillon pour changer un situation figée,investir ou s’investir dans le travail en sachant que le fruit sera entier et non réduit a un trognon…..peut changer positivement un pib.
Il suffit de regarder des pays comme la Suisse , on ne bosse pas là -bas pour le paysage ou le climat ou pour faire la fête , uniquement pour sa fiscalite idem pour d’autres pays appelés paradis fiscaux…et cela ne marche pas que pour les petits pays !
Bien sûr que si on peut bouger ! C’est même en abandonnant l’idée qu’il faut maintenir les recettes de l’Etat qu’on bouge le mieux, il faut admettre de diminuer les recettes fiscales sans contrepartie, et ensuite proportionner les dépenses publiques aux recettes effectives. Il faut être churchillien (pour éviter les dérives napoléoniennes du “La situation est grave mais pas désespérée”), admettre que des mesures significatives et désagréables sont indispensables, et les prendre. La réduction des déficits s’obtient en ne dépensant pas plus qu’on ne perçoit, pas en optimisant ce qu’on perçoit avec l’idée que ce serait plus juste ou je ne sais quoi.
Si on ne veut pas avoir 160% de tva, je pense qu’il faut penser aux rôles régaliens de l’État.
Par exemple, on peut penser au budget de la Justice, la défense, la diplomatie, l’armée, le recouvrement de la dette et l’éducation nationale (à travers le chèque éducation).
On calcule la somme dont on a besoin. Ensuite on voit ce que rapporte la tva.
L’auteur donne un taux moyen de 15% pour remplacer les divers taux actuels.
Je ne voudrait pas dire de bêtises mais si on se base sur le budget 2019, on a environ pour 150 milliards de dépenses citées plus haut et 130 milliards de recettes de tva.
Du coup, si on ne prend pas en compte le petit boum économique lié à la simplification fiscale (et j’espère du code du travail), le compte n’y est pas.
Concernant l’IS, c’est zéro point de TVA qui est nécessaire. En effet, on peut supprimer l’IS en renonçant aux inutiles subventions à l’économie puisque ces dernières sont à peu de chose près égales aux recettes de l’IS.
Par ailleurs, les recettes nettes de TVA sont de l’ordre de 150 milliards pour un taux normal à 20%. Un point de TVA rapporte donc environ 7,5 milliards. Puisque l’IR rapporte environ 75 milliards, vous pouvez faire le calcul. Ceci dit, plus le taux de TVA est élevé, plus l’exil fiscal intérieur voit sa rentabilité augmenter. Laffer, encore et toujours.
Et peut être baisser les dépenses, non ? Ca ,ça n’est jamais la priorité !!
Eh non…
Article très intéressant, mais évidemment purement théorique. L’aspect politique de la TVA ne peut pas être éludé.
Si on parvenait à des taux fixés au niveau européen sans petites manipulations nationales, un grand pas serait franchi. La stabilité des taux serait certainement plus grande.
“La règle Ramsey-Boiteux de taxation optimale nous enseigne en effet que les taux d’imposition devraient être inversement proportionnel aux élasticités-prix respectives de la demande et de l’offre”
Vous devriez expliquer et vulgariser un peu plus ce point là .
J’ai eu beau le relire 3x, ainsi que les deux pages wikipédia derrière (une sur la loi, l’autre sur l’elasticité), et j’ai toujours pas compris… à part que c’était explosif politiquement.
La règle de Ramsey-Boiteux est sans doute une très bonne raison, mais il est difficile de savoir dans quelle mesure ses hypothèses de monopole sont vérifiées…
La principale raison pour laquelle la TVA devrait, à mon avis, être à taux unique, est que les taux progressifs sont des obstacles à l’amélioration des conditions de vie des individus, ils rendent beaucoup plus difficile de se sortir d’une situation de pauvreté. Ils facilitent la vie des pauvres et imposent lourdement ceux qui s’enrichissent. Il vaudrait bien mieux permettre aux pauvres de s’enrichir que leur faciliter un peu la vie de pauvre !
L’essentiel du produit des taxes est mal utilisé par la puissance publique. Mais ceux qui n’en paient et n’ont aucun espoir que leur situation s’améliore au point d’en payer un jour s’en moquent. Impôts et taxes devraient être proportionnels et non progressifs, afin que s’élever soit bien considéré comme la meilleure manière de s’en sortir, plutôt qu’obtenir des facilités pour les “plus défavorisés” afin qu’on puisse se satisfaire d’être l’un d’eux.