La planche savonnée par Mario Draghi

Les facteurs qui ont soutenu la croissance économique en zone euro s’évaporent. Mario Draghi a une bonne raison de s’en réjouir : c’est son successeur qui gérera les échecs.

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La planche savonnée par Mario Draghi

Publié le 13 janvier 2019
- A +

Par Nicolas Perrin.

Comme j’ai souvent eu l’occasion de l’expliquer dans ces colonnes, le résultat au niveau de la Zone euro était couru d’avance. Même une banque ayant pignon sur rue telle que Natixis ne cache plus son euroscepticisme.

Voici la réponse qu’apporte Natixis :

« La réponse nous semble être négative :

– les pays où la compétitivité-coût se dégrade vont perdre progressivement leur industrie et souffrir d’une croissance faible (cas de l’Italie) ;

– les pays où la profitabilité des entreprises est plus faible, soit vont réduire leurs investissements (Italie) soit vont connaître un endettement sans cesse croissant des entreprises (France).

Ces évolutions menacent à terme l’existence de l’Union monétaire. »

Charles Gave décrivait déjà cette issue fatale il y a 15 ans dans son livre Des lions menés par des ânes. Il avait résumé la situation à laquelle allait inéluctablement aboutir l’euro avec le sens de la formule qu’on lui connait :

« Trop de maisons en Espagne, trop de fonctionnaires en France, trop d’usines en Allemagne ».

Et encore, tout cela n’est sans doute que le début des ennuis. La situation pourrait rapidement virer au tragique. 

L’Europe, bientôt dominée par l’Asie sur le plan économique ? (En attendant la suite…)

À plus long terme (et encore…), l’ampleur du désastre est telle que Natixis en vient à se demander comment l’Europe pourrait conserver son ascendant économique sur l’Asie.

Voici ce que la banque titrait dans un Flash Économie du 2 juillet, histoire de bien mettre les points sur les « i » :

Attention, le développement ci-dessous risque de vous piquer un peu les yeux !

« Nous ne voyons pas comment la Zone euro pourrait éviter d’être ‘mangée’ (dominée économiquement, perdant le contrôle de ses entreprises) par l’Asie. En effet :

– les compétences de la population active et des jeunes sont maintenant semblables en Asie et dans la Zone euro ;

– l’effort d’innovation et de montée de gamme de l’Asie est en nette hausse ;

– les dépenses de R&D de l’Asie sont maintenant nettement plus élevées que celles de la Zone euro ;

– l’épargne disponible pour investir et réaliser des acquisitions d’entreprises est de plus en plus importante en Asie ;

– les coûts de production restent beaucoup plus faibles en Asie que dans la Zone euro. »

Sans doute par égard pour messieurs Macron, Le Maire et Moscovici, Natixis conclut sur cette question sans y apporter de réponse.

Ceci posé, revenons à notre point de départ. 

Faut-il prendre le consensus ou sérieux ou bien faut-il se retenir d’éclater de rire ?

Pour le consensus sur la croissance, j’imagine l’équipe de recherche de Natixis cherchait à garder son sérieux lorsqu’elle a poliment rédigé le titre de cette note le 29 juin :

Je vous en épargne la conclusion, je pense que vous avez compris.

Vous ne serez donc pas étonné que Mario Draghi ait annoncé le 14 juin et confirmé le 25 octobre que « les taux resteront à leurs niveaux actuels (c’est-à-dire au plancher, voire en-dessous pour les banques qui payent un intérêt négatif de 0,40 % sur leurs dépôts excédentaires détenus auprès de la BCE) au moins jusqu’à l’été 2019, et en tout cas aussi longtemps qu’il le faudra pour assurer la convergence durable de l’inflation vers des niveaux qui sont inférieurs mais proches de 2 % à moyen terme ».

Quant à la politique de rachats d’actifs de la BCE, il est toujours officiellement prévu qu’elle arrive à son terme en décembre.

Mario Draghi soigne son image dans l’histoire financière

Le ralentissement de la croissance en Zone euro est peut-être une bonne nouvelle pour la carrière de Mario Draghi.

Bruno Bertez1 pense que ces révisions à la baisse n’empêchent pas le patron de la BCE de dormir sur ses deux oreilles, bien au contraire.

Voici ce qu’il écrit :

« Les PMI, qui sont de bons indicateurs avancés de la croissance, ont clairement chuté en Europe. Nous ne cessons d’attirer l’attention sur le ralentissement en cours. Voici une nouvelle confirmation. Ceci facilite la tâche de Draghi, car il trouve un alibi pour ne pas se presser à sortir de la politique monétaire non conventionnelle. En fait, Draghi pourra sortir la tête haute comme Yellen, il n’aura pas à assister à la tentative de régularisation, il partira avant que le prix de ses actions ne soit payé. […]

Le pilotage de Draghi devient de plus en plus prudent. Il retarde sans cesse l’échéance de la normalisation tant au point de vue du bilan de la BCE qu’au point de vue des taux. Il est difficile de déterminer si c’est pour aider l’Italie à traverser une passe qui va s’avérer difficile ou si c’est pour soigner son héritage. Draghi fait une sorte de ‘window dressing‘ de son héritage ».

En somme, Mario Draghi tient la patate chaude du bout des doigts de la main droite… tout en croisant les doigts de main gauche pour que ce ne soit pas lui mais son remplaçant qui se brûle !

Que ce soit l’Italien ou son successeur qui tente de la mener à bien, il y a de nombreuses raisons de penser que la normalisation de la politique monétaire de la BCE ne soit cependant qu’une illusion.

Pour plus d’informations, c’est ici.

Voir les commentaires (17)

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  • Trop de disparités en Europe ceux qui n’ont pas la monnaie en Euros se portent au mieux , voir La TCHÉCOSLOVAQUIE , sans commentaire ..

  • Apparemment Mr Perrin est comme Sarkosy “quand il léchait les bottes de Merkel” prend l’exemple de l’Italie qui est très, très loin de la faillite et qui serait déjà sorti de la zone euro si Draghi n’était pas la

  • Sans Commentaires…. Euh oui, la Tchécoslovaquie n`existe plus depuis 1993 !
    Pour ce qui est de la république CZECH et de la Slovaquie, les deux pays se porte très bien avec des performances similaires, merci pour eux. Les CZECH ne sont pas dans l`Euro et les Slovaques le sont.
    Les deux pays ont la flat taxe, respectivement 15% and 20%.
    3 taus de TVA pour la Tchéquie et 2 pour la Slovaquie ; 20% et 5% pour les produits alimentaires de base
    La Slovaquie a un system de retraite hybride ; répartition and capitalisation, jusqu’à 50/50 a choisir. 3 acteurs prives fournissent la partie capitalisation. Les cotisation salaires et entreprises en Tchéquie sont plus élevées.
    La partie sante est au choix public ou prive avec 3 operateurs. Les indépendants payent un forfait sante (50 EUR/Mois).
    Pas de taxes sur les dividendes 0%
    La dette nationale slovaque ne peut pas dépasser 45%. Si résultat ou budget exécution génère une dette au-delà de ce taux , automatique gouvernement shutdown avec licenciement de fonctionnaires. Pas de statuts.
    Les salaires sont plus élevés en Slovaquie.
    Kisses from Bratislava

    • Merci pour ce témoignage Pierko.
      Plus que l’euro c’est bien la politique intérieure qui est déterminante. Certes les coûts de production sont plus élevés en zone euro qu’en Asie mais de là à établie une relation strictement sensu avec l’euro est un peu facile. Les Suisses qui sont non euro ont les coûts de production les plus élevés en Europe et pourtant ils sont en pleine santé. Par ailleurs les Etats-Unis d’Amérique, une fédération d’etats très différents les uns des autres avec une monnaie unique, s’en sortent un peu mieux que nous.
      Alors quand les choses vont moins bien, on pense tout de suite à la monnaie pour des raisons plus ou moins idéologiques, donc l’euro va exploser nécessairement. Et pourquoi ne se produirat-il pas l’inverse, l’euro reste et les structures changent dans les Etats à l’image de la Slovaquie, puis dans l’Europe institutionnelle. Non l’occident ne s’éfondrera pas comme l’empire romain, dont le problème était le monopole. On sait ce qu’il advient des monopoles.

      • Rien ne dit que le modèle américain convienne à l’Europe. D’autre part, la monnaie unique engendre, au sein d’un territoire varié, des disparités de revenus, mais qui sont compensées par une forme de solidarité. Pour le moment, les Allemands refusent cette solidarité, et les pays en difficulté ne parviennent pas à s’adapter, en partie parce que l’euro plombe leur compétitivité. Il aurait fallu élaborer des convergences suffisantes avant de passer à l’euro.

      • @ indivisible
        Oui, je crois difficilement qu’une devise stable soit la cause d’une conjoncture en baisse!
        Il n’est pas anormal que l’Asie réclame sa place dans le monde et qu’un pays comme la Chine, officiellement communiste, qui plus est, parvienne à se relever avec tant d’énergie efficace, c’est simplement extraordinaire: cela deviendra bien sûr un concurrent de plus, ce qui est très libéral.
        Il nous reste donc à retrousser nos manches et celles de notre cerveau, à pousser notre R&D et à garder une place justifiée dans cette concurrence mondiale; qu’on utilise des €, des Kopecks ou une autre monnaie ne changera pas les événements.

  • @ pierko , je m’excuse , j’ai lu un article tres intéressant , et vos information sont excellente …Nous devrions exporté nos Elites
    là-bas mais je doute vu leur capacité !! Ils n’aiment pas être contredit .. Ce DRAGHI , il était un des responsables de la dernière Crise financière , comme d’autres qui ont échappé
    à des condannations ???

  • Indivisible , les cerveaux de l’Europe , il faut les changer ,ce sont des morpions , ils veulent garder la place , il nous faut des cerveaux libre de pensée et qui accepte la contadiction pas comme maintenant une pensée unique où vous êtes avec moi ou contre moi .Pas d’alternative , plus les gens sont instruit et plus nous regressons !!!

    • Je ne suis pas d` accord avec vous, la raison pour laquelle tous ces politiciens survivent est principalement due à un déficit d’éducation. L` idéologie se combat par la connaissance.
      La chance des pays d’Europe centrale sont les 50 ans de communisme et socialisme.
      Le livre d’Ivan Krastev ( le destin de l’ Europe) vous apporteras un éclairage intéressant sur la vision de l’Europe par les population d’Europe Centrale

      • Merci pour la référence.
        Ivan Krastev : “Contrairement aux aristocrates des anciens régimes ou même aux dirigeants communistes de l’ex-bloc soviétique, les élites actuelles ont la capacité d’échapper aux conséquences de leur gestion et aux crises domestiques, par leur mobilité potentielle au sein de réseaux internationaux, dans lesquels ils ne se retrouvent pas en exil, mais continuent différemment d’exercer du pouvoir (Commission européenne, multinationales…).”
        Bien vu…c’est une nouvelle version d’ “après-moi le déluge”…

    • Ce qu’il faut ce sont des cerveaux avec des pensées uniques différentes..

  • La politique de taux bas est purement déflationniste. On ne peut pas dans le même temps prétendre espérer une inflation à 2% et tout faire pour empêcher sa survenue. Le discours de SuperMariole est malhonnête.

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