Brexit : la quadrature du cercle

Pourquoi le dernier sommet européen sur le Brexit n’a rien donné ? Quelques éléments de réponse.

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Brexit : la quadrature du cercle

Publié le 20 octobre 2018
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Par Thierry Godefridi.

Le Royaume-Uni et la Communauté, puis l’Union européenne, ça n’a jamais été qu’un pied dedans, un pied dehors. « En vérité, écrivit l’écrivain autrichien Robert Menasse dans le journal allemand Die Welt du 18 août dernier, la Grande-Bretagne n’a jamais été membre de l’Union européenne. Elle y disposait d’un statut spécial, que l’on convint d’appeler commodément « adhésion », constitué de privilèges, d’exceptions et de réserves. Le Brexit ne constituera finalement que la concrétisation en droit de la désillusion après l’illusion (« die Enttaüschung nach der Täuschung ») ».

Le romancier autrichien, qui se déclare anglophile, raconte que le 24 juin 2016, au lendemain du référendum britannique sur l’appartenance à l’UE, il avait été invité par une amie fonctionnaire à la Commission européenne à participer à une soirée barbecue dont la plupart des autres convives étaient aussi des fonctionnaires, hommes et femmes, de ladite Commission. La soirée se transforma en une célébration de joie et de libération pendant laquelle tout un chacun partagea des anecdotes et des histoires toutes plus folles et plus fâcheuses les unes que les autres au sujet de la présence du Royaume-Uni au sein de l’UE et dont chacun se dit soulagé qu’elles appartiendraient bientôt, enfin, au passé.

Bananes et marché intérieur

La conclusion d’un simple accord concernant l’importation de bananes en provenance d’un pays tiers comme par exemple la République dominicaine, qui eût dû se conclure en quelques semaines et tenir en quelques pages, prenait plus d’un an à se finaliser et faisait l’objet de trois fois autant de pages car il fallait tenir compte d’une série de réglementations spéciales, exceptions et dispositions ayant trait à des normes et compétences propres au Royaume-Uni et, la Reine d’Angleterre étant le monarque constitutionnel du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord ainsi que d’une quinzaine d’autres États souverains et de leurs territoires et dépendances, ainsi que le chef du Commonwealth regroupant cinquante-deux États, il fallait éviter qu’aucun de ces États, territoires et dépendances ne fasse tout à coup partie du marché intérieur de l’Union européenne à la faveur d’un traité concernant des bananes…

Dans cet article du journal Die Welt, Robert Menasse cite deux épisodes qui lui paraissent les plus incroyables : la dérogation obtenue par le Royaume-Uni en ce qui concerne l’adhésion à la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne alors que le Traité de Lisbonne avait donné à celle-ci une valeur juridiquement contraignante, et les menaces d’exclusion de l’UE adressées à l’Écosse à l’époque de son propre référendum sur son appartenance au Royaume-Uni par le Président Barroso de la Commission européenne, apportant ainsi son soutien au pouvoir en place : rétrospectivement, les quelque 20 % d’Écossais qui changèrent leur intention de vote et votèrent en faveur du maintien dans la Grande-Bretagne afin de rester dans l’Union européenne doivent se sentir floués !

Incompétence de la classe politique britannique

Le Brexit et tout ce qui s’ensuivit sont le résultat de l’incompétence, des maladresses et d’un manque de clairvoyance de la part de la classe politique britannique. Le Premier ministre David Cameron organisa le référendum sur le Brexit pour faire taire ses adversaires sans un seul moment imaginer que la manœuvre puisse se retourner contre lui. Theresa May provoqua quant à elle des élections législatives anticipées afin de conforter sa position de Premier ministre et se retrouva à la tête d’un parti ayant perdu sa majorité au Parlement et dépendant du bon vouloir du DUP, petit Parti unioniste démocrate de l’Irlande du Nord (10 sièges à la chambre des communes et 3 sièges à la chambre des lords), lui-même en conflit avec son rival républicain du Sinn Fein dans une crise politique qui dure depuis 650 jours.

C’est désormais là que le bât blesse. L’Union européenne a proposé d’instaurer un filet de sécurité (backstop en anglais) qui éviterait de réinstaurer une frontière dure entre la République d’Irlande et l’Irlande du Nord (frontière que les accords dits du Vendredi saint et datant de 1998 sur la paix en Irlande avaient fait disparaître), pendant une période transitoire. Dans l’attente d’un accord définitif, l’Irlande du Nord resterait dans l’UE et alignée sur les normes européennes et le contrôle douanier s’effectuerait entre l’île d’Irlande et la Grande-Bretagne.

Que, dans une telle situation, l’Irlande du Nord serait unifiée de fait avec la République d’Irlande, qui plus est sous l’égide de l’Union européenne, n’amuse guère les Britanniques et ne plait pas du tout aux Unionistes du DUP dont dépend, en principe, la survie du gouvernement de Madame May. Cette proposition de l’UE a donc été écartée par le Royaume-Uni.

Comme l’a dit la présidente du Sinn Fein (le parti républicain irlandais présent dans les deux parties de l’île), le Brexit et les accords sur la paix en Irlande paraissent incompatibles, sauf à organiser un référendum – prévu par les accords du Vendredi saint – sur la réunification de l’Ile. Particularismes quand vous nous tenez ! Que dès lors le dernier Sommet européen n’ait abouti à aucune décision et que chacun se soit armé de patience est compréhensible : personne n’a résolu le problème antique de la quadrature du cercle.

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  • L’UE se voit comme le camp du bien. Mais soyez sûr que si elle se retirait avec ses millions (milliards ?) de pages de réglementation et laissait les citoyens vivre leur vie sans contrainte, il n’y a pas qu’à Londres et Manchester qu’on chanterait autour des barbecues ! Le Brexit est simple, il suffit de donner à ceux qui se retirent un statut « à la norvégienne ». La Norvège est bien dans Schengen, non ? Le problème, ce sont les fonctionnaires et autocrates bruxellois qui devraient manger leur chapeau et disparaître. Leurs barbecues d’autocongratulation entre chefs parasites sont indécents, ces gens devraient être à notre service, ils sont à sucer notre sang et notre esprit d’initiative.

    • @ MichelO
      L’Union Européenne ne « se voit pas » et en politique étrangère, les considérations morales passent après celles du droit!
      Le Royaume-Uni a décidé du brexit et pas à la demande de l’U.E..
      Le U.K. veut le beurre (ses avantages) et l’argent du beurre (sans partager les frais).
      La réponse « non » de l’U.E. parait logique!
      Le reste est du pinaillage!

      • Comme à l’accoutumée sur ce genre de sujet, vous n’avez strictement rien compris.
        La réglementation à outrance est incompatible avec la liberté.

        • « La réglementation à outrance est incompatible avec la liberté. » quand on regarde les normes et les directives de l’etat français on comprend tout de suite que nous ne sommes moins libres que la plupart des europeens

        • @ durru
          Non, il est pourtant simple de comprendre que faire une loi ou un règlement nouveau sans léser aucun des 27 pays membres n’est pas une tache simple. Alors non, l’U.E. n’impose pas sa loi aux états membres, au contraire, elle respecte plutôt les privilège de chacun: ça vous gêne quand ça ne vous concerne pas, ce n’est pas le cas pour d’autres! (que vous dédaignez superbement, puisque pas Français).
          Donc non, si il y a bien un pays où le regard sur l’U.E. est bien égocentré, c’est évidement la France!
          Une loi pour 27 pays est évidemment plus complexe qu’une loi pour un seul et non, tout le monde n’adoptera pas votre demi million de lois fraichement publiées!
          J’ignore qui déc …, mais j’ai une vague idée!

      • L’UE juge que ce qu’elle offre est le beurre, alors que pour la plus grande partie les avantages sont ceux du libre-échange, qui n’a aucune raison d’être payant. Elle prend argument que ce libre-échange est avantageux pour réclamer un paiement, qu’elle utilise à des fins de croissance sans fin(!) de son administration bureaucratique, sans rapport avec la prospérité de ses membres.
        Bien sûr, vu de son côté, son « non » est logique. Si elle répondait « oui », tous les membres verraient aussi tôt avantage à prendre le même statut que le Royaume-Uni, et tout irait pour le mieux sans elle. Mais si tous les membres voyaient avantage à un tel statut, à quoi sert l’UE sinon à les maintenir dans une position désavantageuse pour eux à son seul profit ?

        • Raisonnement imparable qui permet de comprendre le jusqu’au-boutisme de l’administration européenne.

          Elle ne laisse pas d’autres choix que des solutions extrêmes : hard Brexit ou abandon du Brexit. En proposant ce qui n’est rien d’autre qu’une séparation de l’Irlande avec la GB, elle agit par pure provocation, montrant clairement sa volonté de faire échouer les négociations.

          Peu importe comment cette affaire se terminera, le Brexit aura au moins servi à révéler le parasitisme de la bureaucratie de l’Union.

          • il serait temps de torpiller cette administration bruxelloise, qui n’est qu’un parasite qui se sert grassement.
            Le fait que le président de la commission se soit permis de célébrer la naissance de Karl Marx et qu’il n’ait pas été viré pour cela montre bien que ce ne sont que des parasites entretenus par nos impôts.

            • @ breizh
              Ben oui! Comme des baudets, tous les Français croient évidemment leurs autorités françaisent qui se déchargent en disant que c’est la faute à Bruxelles où leur signature, à eux, est à peine sèche.
              Des naïfs et des innocents!
              C’est bien la France qui est dans le 36ième dessous, pas l’Union Européenne! Mon pays se porte très bien! Ne vous en déplaise! Mais il ne compte pas vous offrir vos guirlandes de Noël, comme l’a dit le premier ministre!

          • @ Cavaignac

            Ben non! Outre que vous ne démontrez en rien votre propos, je vous rappelle qu’il n’y a pas plus de fonctionnaires européens à Bruxelles qu’à la mairie de Paris seule!
            Et la France n’a pas à donner de leçon en termes de bureaucratie: ce serait l’hôpital qui se fout de la charité! Combien 5, 6, 7 millions de fonctionnaires (centraux et plus régionaux, à la retraite incertaine!)
            Aucune leçon à recevoir de la France, en piteux état!

        • a garantir la valeur d’une monnaie que la plupart des etats membres seraient bien incapables de faire , en particulier la France

          • Il est sain, même si c’est désagréable, que l’on ne puisse se défausser sur d’autres pour garantir la valeur de sa monnaie. Il est même probable que si notre monnaie n’était pas garantie par nos voisins plus sérieux, nous aurions fini par virer, sous la pression économique, nos dirigeants incapables.

            • @ MichelO
              Ben oui! Au début de l’€, il valait 4 NFF, mais à la conversion, il ne valait plus que 0,6 € au change belgo-luxembourgeois. La dévaluation est un sport national!

  • Commonwealth, 52 états, tout est dit.

    J’en viendrais même à envier la position des Anglais, dont la situation dans cette association héritée de l’ancien empire ne peut qu’évoluer une fois libérés des règles communautaires…

    Je ne serais pas surpris de trouver ainsi à portée de barque un florissant et gigantesque ‘paradis fiscal’* (pour rappel, la majorité de ce qu’on appelle ‘paradis fiscaux’ sont dans le commonwealth)…
    * j’utilise ce terme pour la communication, pour ma part je ne connais que les ‘enfers fiscaux’…

    • @ Leipeachan

      Il n’y a plus de doute sur vos prochaines escapades, anticipant la réalisation de vos rêves.
      Mais jusqu’à présent L’U.K. est en train de perdre avec son brexit! Que cela ne vous empêche pas de faire un frexit! La France n’est pas un partenaire fiable!

  • Ben oui, le Royaume-Uni est riche de particularismes divers hérités de sa longue Histoire. Et donc ? Tout cela devrait être balayé face à une nomenklatura néo-soviétique qui n’a même pas 50 ans d’existence et zéro légitimité ? Mais de qui se moque t-on ? On comprend à quel point ils ont eu raison de voter le Brexit…

  • Il fut un temps où les négociateurs britanniques étaient autrement meilleurs et efficaces.
    Ceci dit, pourquoi ne pas laisser la frontière entre les deux Irlande ouverte tout en maintenant l’intégrité du Royaume Uni? Surtout si la GB se déclare « pays ouvert », donc sans droits de douane avec personne. En quelque sorte un état offshore à 30 km du continent européen.
    Voilà qui ferait virer au vert bien des visages à Bercy. Pour notre plus grand plaisir.

  • Magnifique phrase sur l’incompétence des dirigeants britanniques, qui aura permis, par mégarde, à la démocratie de fonctionner.
    Je préfèrerais, finalement, être gouverné par de tels incompétents que par d’autres, plus retors, capables de contourner un référendum et de le faire passer par la petite porte… Dans tous les sens du terme.

  • il va nous falloir attendre , la sortie réelle de l’UK du giron de l’europe
    pour juger si c’était une bonne operation ou pas pour ce pays ..
    dans 2 ans on pourra voir

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