Échange avec un prof déconnecté de la réalité

Petite conversation avec un enseignant. Une occasion de confronter clichés et réalité.

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Échange avec un prof déconnecté de la réalité

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 4 septembre 2018
- A +

Par Jean-Christophe.

À l’occasion de l’une de ces soirées d’été où famille et amis se mélangent gaiement pour partager rosé frais, sardines grillées et lotion anti-moustiques, j’ai fait une rencontre fort instructive.

Cette femme, d’une petite cinquantaine d’années, suivait avec discrétion nos conversations légères : qualité de vie, prestations sociales en France et chez nos voisins nordiques, dont plusieurs convives étaient coutumiers.

Elle fut néanmoins soudainement très concernée lorsque nous avons dévié autour du sujet des sciences, du savoir, et par suite celui de l’enseignement. Mes soupçons d’avoir face à moi un spécimen du corps professoral français s’évaporèrent plus vite que l’eau de la piscine internationale de Brégançon. Son impatience d’en découdre verbalement était de plus en plus visible et – un brin chafouin pour être honnête — je me délectais par avance de ses saillies à venir.

Je n’eus pas à attendre longtemps. Ma compagne étant d’origine estonienne, notre interlocutrice se mit à évoquer spontanément et maladroitement quelques clichés sur ce pays qu’elle n’avait jamais visité. Pour elle comme pour la plupart des Français, l’Estonie est donc un pays issu de l’ex-URSS, situé plus ou moins au nord-est de l’Europe, où la piètre qualité de vie n’a d’égal que l’inexistence des prestations sociales.

Je ne m’étendrai pas plus ici sur les autres clichés régulièrement entendus en France au sujet de ma compagne. Ces derniers ont un mérite inattendu : réunir parfaitement machistes de base et féministes névrosées, arborant leur ignorance sans vergogne.

Bref, une fois ses idées préconçues purgées, et non sans avoir rappelé dans un touchant préambule que la France bénéficie du meilleur système éducatif au monde et des prestations sociales les plus solides, notre amie se mit enfin à questionner ma compagne sur son pays. Lui répondant avec l’humilité et le pragmatisme dont font souvent preuve les Nordiques, cette dernière lui démontra chiffres à l’appui à quel point son erreur était grande, son pays natal jouant aux avant-postes sur l’ensemble des sujets évoqués (puisque grâce à Dieu nous ne parlions pas de football).

La meilleure sécu du monde… n’est pas en France

En 2016, les pays du Nord et de l’Est trustaient les sept premières places du classement de l’OCDE en termes de « générosité » sur le congé maternité, la France étant 23e de l’étude, offrant moins que la moyenne des pays de l’OCDE, et environ 4,5 fois moins d’équivalent « congé maternité rémunéré à taux plein » que l’Estonie. Las ! Quand la France est respectivement 26e, 27e et 20e du classement mondial du niveau de savoir en mathématiques, en sciences et en lecture, l’Estonie se classe 9e, 3e et 6e… (classement PISA 2015).

Bien évidemment la conversation tourna court. Notre savante du jour s’avoua démoralisée par cette découverte et ces classements si éloignés de son savoir. Probablement un peu vexée aussi de s’être affichée de la sorte, elle quitta peu de temps après la soirée, non sans tuer le suspens : il s’agissait bien d’un professeur de l’enseignement secondaire.

Surtout ne pas généraliser

Pardonnez-moi par avance pour la caricature purement cynique à venir — un amalgame étant par nature exagéré, et je conserve un véritable respect pour ce sacerdoce que constitue l’enseignement — mais la constatation est plus que jamais préoccupante. Elle est même, à mon sens, carrément flippante.

Ai-je envie que le cerveau de mes futurs enfants soit confié à une armée de gauchistes, dont les certitudes et la vision du monde d’un autre âge vont créer plus de freins que d’ouverture ? Ces individus ont pour rôle dans la société de promouvoir et diffuser le savoir. Persuadés de détenir ce dernier, ils opèrent le petit doigt en l’air, le regard dur et les lèvres pincées, un lavage de cerveau qui laissera chez le jeune au mieux du dégoût, au pire une amertume ou une colère difficiles à surmonter sans un environnement familial scandaleusement fertile, privilégié, et donc parfaitement inégalitaire et méchamment bisounours-proof.

Afin d’illustrer un peu plus le problème de fond qui se pose pour pratiquer l’amélioration continue dans l’enseignement à tous les niveaux, je terminerai en vous racontant brièvement l’issue de mes échanges avec le directeur d’une école d’ingénieur privée. Nous évoquions notre collaboration, et la possibilité pour moi d’intervenir en tant qu’enseignant.

La perspective était enthousiasmante, jusqu’à ce qu’il me signifie que pour enseigner notamment l’entreprenariat à de futurs ingénieurs, il me fallait paradoxalement cesser… d’être entrepreneur. Non mais LOL !!! dirait le jeune. Dans un environnement aussi mouvant que l’entreprenariat, n’est-il pas indispensable d’être soi-même dans l’action et confronté à la réalité du terrain pour prétendre transmettre un peu d’expérience et surtout d’énergie positive ? Là encore, le manque de pragmatisme et de vision fait peur, de la part d’un responsable qui plus est.

À une époque où un savoir gigantesque est gratuitement à notre disposition, il me semble qu’une sérieuse réflexion sur la « maintenance préventive » de ce dernier devrait être imposée aux acteurs de l’enseignement pour éviter la momification de leurs neurones avant l’heure. Je ne vois pas d’autre solution pour stopper le triste naufrage du système éducatif français, à quelques exceptions près, et ses conséquences dramatiques à long terme. Le premier échelon d’élévation sur l’échelle du savoir n’est-il pas la prise de conscience de son ignorance ?

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  • Les cocos russes avaient bien compris que pour perdurer il fallait fermer les frontières … les mensonges et l’obscurantisme de certains ne résisteront pas à la circulation des personnes et des mots en europe et ailleurs. De plus en plus attaqués, ces fossiles vivent souvent en vase clos, protégeant ainsi leurs certitudes maladives.

    • J’avais fait une rédaction vers les années 1974, où je développais l’idée que l’automobile, la circulation libre des hommes et des idées auraient rapidement raison des barrières totalitaires, situant la chute une quinzaine d’années plus tard. Devoir provocant? probablement mais la note dont je suis le plus fier, zéro, par cette enseignante communiste.

  • Je voudrais tout de même nuancer un peu le propos de l’auteur, à la lumière de ma seule expérience personnelle, j’en ai peur. Je suis un pur produit de l’école de la République, j’ai fait toute ma scolarité dans le public, dans les années 80 et 90 pour le primaire et le secondaire.
    J’ai eu un certain nombre de profs plus ou moins à gauche, mais s’ils ont pu avoir une influence temporaire sur mes idées, ce que je suis et ce que je pense, je le dois plutôt à l’éducation reçue de mes parents, à leur exemple, et plus tard à mes propres lectures et réflexions.
    Ne donnons pas aux enseignants plus de pouvoir qu’ils n’en ont vraiment.

    • Je ne crois pas que l’auteur reproche leurs idées politiques aux enseignants.
      Moi aussi, j ai eu des enseignants de gauche, ce qui est est étonnant c est que je me rendais compte qu ils étaient gauche, car ils faisaient passer leurs idées, alors que franchement en maths ou en physique, c est pas difficile de rester neutre. Ils nous incitaient même à la grève…bref
      Le reproche fait à certains enseignants est qu ils sont totalement déconnectés de la vie, ne mettent pas à jour leur connaissance, pensent que la france est ultra turbo libéral,que le communisme a échoué car ce n était pas le vrai communisme, que trader n est pas un métier honnête ( c est du vécu, les profs de mon fils, fort en math, le dissuade de faire le métier de trader-voleur et l’encourage à faire faire….prof car c’est plus moral ), et que les EU sont peuplés de pauvres., et ils ignorent même où se trouve l Estonie où j aimerai dans quelques années ( si mes plans fonctionnent )
      Je pourrais en parler pendant des heures de mes aventures de père avec des enseignants totalement ignorants et des âneries apprises en classe ( je suis dans la maison, maison est donc le complément du nom car il y l’auxiliaire être…logique !
      Il en y en a de formidable, je généralise pas, enseignant est un très beau métier, encore plus beau exercé librement dans une école libre et encore mieux si virable quand ils sont nulles et ne veulent pas remettre en question leur méthode ou leur connaissance, comme tout travailleur honnête.

      • @AérosolKid

        Bonjour,
        « Le reproche fait à certains enseignants est qu ils sont totalement déconnectés de la vie, »
        J’ai eu la même conclusion cette semaine avec une colègue, qui est prof, au sujet des autres profs. Nous étions tous les deux d’accord.

        « et ne veulent pas remettre en question leur méthode ou leur connaissance »
        Les profs, certifiés, sont formés par le biais du ministère dans les E.S.P.E (nouvelle appellation des I.U.F.M). Leur « mise à jour » est aussi faite dans les formations qu’ils reçoivent, en cours d’année, par le ministère qui pond les programmes, leurs contenus et leurs supports. (Les manuels d’histoire et de géographie sont des moyens fabuleux pour faire passer la propagande, en y mettant des textes à étudier provenant du gouvernement lui-même.) Les profs ne peuvent pas se remettre en question, et certains ne le veulent pas, ils sont dans une spirale, ou une bulle. Nombre d’entre eux n’ont jamais travaillé, même pas à la fac’.

    • « L’éducation, c’est la famille qui la donne. L’instruction, c’est l’état qui la doit ». Victor Hugo
      ET VH n’était pas, de loin, un libéral.
      Depuis que l’instruction publique est devenue éducation nationale, tout part à vau-l’eau.

      • Je suis en désaccord profond avec « L’instruction, c’est l’état qui la doit ». L’état doit assurer la sécurité des citoyens et faire preuve de régulation dans certains secteurs, point barre. Le notion même d' »éducation nationale », pourtant ancrée dans presque toutes les têtes, est une profonde ânerie.

      • @lautent75005
        Bonjour,
        C’est d’ailleurs dans son discours devant l’Assemblée Nationale le 14 janvier 1850, contre la loi Falloux, qu’il considérait comme « une arme » qu’il a dit : « Je ne veux pas de la loi qu’on vous apporte. Pourquoi ? Messieurs cette loi est une arme. Une arme n’est rien par elle-même, elle n’existe que par la main qui la saisit.Or, quelle est la main qui se saisira de cette loi ? Là est toute la question. Messieurs, c’est la main du parti clérical ! » Vu ce qu’ont fait de l’ « école » les gouvernements de France depuis… il n’avait pas tors de s’en faire le Victor. Au XIXème siècle, il était facile de créer une école, même libre. Louise Michel en a fondé et dirigé plusieurs.

  • Je me reconnais bien dans ce genre de situation, d’ abord la personne vous semble si agréable, sympathique, ouverte et puis……..BOUM, arrive la politique et là c’ est le coup de massue, une chaleur monte en vous. J’ envie les gens qui restent calme dans ce genre de situation car dans mon cas je sens mes neuronnes qui chauffent et j’ ai du mal à argumenter clairement.

  • Pour le directeur d’école d’ingénieur, ce n’est probablement pas sa faute, il serait sûrement ravi d’avoir des enseignants « pratiquants » mais les multiples réglementations pesant sur toute activité en France, notamment pour l’enseignement « privé » (pour l’empêcher de trop efficacement concurrencer l’EdNat et sous couvert de protéger les citoyens) interdisent nombre de configurations…

  • Le premier échelon d’élévation sur l’échelle du savoir n’est-il pas la prise de conscience de son ignorance ?

    Les « sachant »s, forcément il savent, non ❓
    Quand vous lisez sachant, traduisez par ignorant 😉

  • Avec les socialistes, la xénophobie n’est jamais loin.

  • A quelques exceptions près et il y en a, la profession n’attire plus parmi les étudiants que ceux qui ne peuvent rien faire d’autre et/ou ne trouvent rien d’autre à faire. Il y a bien longtemps que l’Education nationale n’attire plus les plus brillants et/ou motivés et/ou dynamiques. Etre prof n’est plus un choix, c’est une voie de garage. Malheureusement.

  • « Aujourd’hui, un petit prof démago vous assure que votre cerveau n’a pas la capacité de penser, que vos sens ne perçoivent rien et que vous devez obéir aveuglément à la volonté toute-puissante de la Société, comme force surnaturelle. Mais il s’agit toujours du même numéro pour atteindre le même objectif : faire de vous une loque renonçant à croire que sa conscience ait une quelconque validité. »
    — Ayn Rand, La Grève

  • Le plus gros problèmes des profs, c’est que ce sont des adultes qui n’ont jamais quitté l’école…

  • Je pense qu’il s’agit tout de même d’un cas exceptionnel. En effet, la majorité des enseignants sont à gauche, sont favorables à l’éducation publique, fonctionnaires etc… Mais peu se voilent la face au point de dire que nous sommes les meilleurs du monde. C’est plutôt: il n’y a pas assez d’argent, il faut que l’état en donne plus et tout ira bien (puis après la discussion tourne vers les profits/ réductions d’impots pour les sociétés du CAC 40)

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Les auteurs : Nathalie Sayac est Professeure des universités en didactique des mathématiques, directrice de l’Inspe de Normandie Rouen-Le Havre, Université de Rouen Normandie. Eric Mounier est Maitre de Conférences en didactique des mathématiques, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC).

 

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