Afrique du Sud : quand l’État plombe la privatisation

En 1998, l’Afrique du Sud a eu la possibilité d’éviter le désordre actuel en privatisant l’industrie de l’électricité. Mais elle ne l’a pas fait.

Partager sur:
Sauvegarder cet article
Aimer cet article 0

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Afrique du Sud : quand l’État plombe la privatisation

Publié le 6 avril 2018
- A +

Par Nicholas Woode-Smith.
Un article de Libre Afrique

Le gouvernement empêche le secteur privé de lutter contre la pauvreté et de contribuer à l’essor économique de l’Afrique du Sud. Il agit comme un coupeur de route. C’est le cas notamment dans le secteur de la production et de la distribution d’électricité. Actuellement, l’électricité est monopolisée par l’entreprise publique Eskom, qui a essuyé des critiques pour la série de pannes majeures intervenues en 2008 et depuis lors, la mauvaise gestion est la règle.

 

L’inefficacité du secteur public

Eskom est un cas d’école qui atteste du fait que le secteur public n’est pas le fournisseur idéal puisque cette entreprise n’a pas réussi à produire suffisamment d’électricité pour alimenter l’économie et répondre à la demande des consommateurs. En 1998, l’Afrique du Sud a eu la possibilité d’éviter le désordre actuel en privatisant l’industrie de l’électricité. Mais elle ne l’a pas fait.

Fondée à l’origine pour réguler les compagnies d’électricité en fournissant de l’électricité bon marché aux mines, ESCOM (nom historique) a évolué pour devenir une entreprise publique ayant le droit exclusif de fournir de l’électricité à l’ensemble du pays. En tant que nouvelle entité, il lui a été interdit de générer un profit. Sans aucune incitation fournie par la concurrence privée et par la perspective de réaliser des profits récompensant ses efforts, son seul rôle a été de fournir de l’électricité au prix le plus bas possible.

Le problème, bien sûr, était qu’avec le contrôle des prix perturbant les signaux du marché, Eskom ne pouvait pas connaître le juste prix. Cela est devenu si ridicule que, des années 1980 à 1990, ses efforts pour maintenir les prix de l’électricité à un niveau bas l’ont conduite à produire à perte. Libérée des contrôles des prix imposés par le gouvernement dans les années 1980, Eskom a continué à baisser les prix et, pour compenser le manque de revenus, elle a vendu des actifs, des moyens de production, et a licencié du personnel.

 

Le prix totalement faussé

La compréhension de la politique de tarification adoptée par Eskom est cruciale pour comprendre son échec, et pourquoi la privatisation de l’industrie a échoué.

En fixant son prix à un niveau nettement inférieur au coût réel, Eskom a sur-stimulé la demande qu’elle ne pouvait finalement pas satisfaire. En 1998, un bref livre blanc sur la politique énergétique préconisait, entre autres, une concurrence accrue sur le marché de l’énergie, une meilleure transparence et l’élimination des distorsions du marché afin de permettre la fixation de prix réalistes.

Ces recommandations auraient pu sauver l’industrie. Mais elles n’ont pas été mises en œuvre efficacement.

 

Une privatisation peu attractive

En prévision d’une éventuelle privatisation et de la fin du monopole public de l’électricité, le gouvernement a interdit à Eskom de construire de nouvelles centrales, alors même qu’il était déjà impliqué dans l’expansion de l’électrification à travers l’Afrique du Sud, augmentant de plus en plus la demande. La construction a finalement été relancée en 2004, alors qu’il était beaucoup trop tard. Pourquoi, alors, le secteur privé n’est-il pas entré sur le marché pour offrir une capacité de production supplémentaire ?

Le gouvernement a fait de la publicité pour que des concurrents privés entrent sur le marché, mais aucun n’était motivé pour venir investir. Ce n’était pas à cause de l’échec du marché, mais parce que les prix anormalement bas d’Eskom empêchaient toute entreprise rationnelle et à but lucratif d’essayer de rivaliser avec elle. Le gouvernement a essayé de trouver de bonnes alternatives mais il a oublié d’enlever le ver du fruit.

Ainsi, cet exemple montre que des entreprises publiques peuvent facilement saper les entreprises privées qui, elles, se doivent de fournir un produit ou un service de haute qualité pour être viables et rentables. Le secteur public n’a pas un tel cadre incitatif.

Les prix bon marché ne sont pas nécessairement une caractéristique d’un marché libre. En revanche, les prix réalistes le sont. Les marchés n’acceptent pas les distorsions de l’argent facile et gratuit ainsi que des agendas cachés pour fausser les comportements des entreprises. Bien qu’Eskom offrait ses services à des prix bon marché, elle n’a pas et ne pourra pas continuer durablement. Une mauvaise tarification a empêché de passer à un modèle de production d’électricité plus soutenable avec la privatisation. Au lieu de cela, elle a abouti à une situation où si notre économie recommence à croître, notre production d’électricité sera déficitaire.

 

Le libéralisme bouc émissaire

Les politiques économiques favorables au marché ont été vivement critiquées et montré du doigt par les syndicats et les politiciens socialistes à la fin des années 1990. Il faut dire qu’elles ont été mises en œuvre de manière si tronquée qu’elles ont perdu leur essence, et se sont soldées par un échec. Finalement, des mesures favorables au marché, comme le livre blanc de 1998, ont été remplacées par des notions de «développement dirigé par l’État», ce qui nous a donné moins de 1 % de croissance économique.

Le secteur privé est souvent le bouc émissaire de nombreux décideurs politiques et intellectuels sud-africains. Il est vrai que l’économie a sous-performé, mais il est également clair que ce n’est pas la faute du secteur privé. Le gouvernement continue à entraver les affaires et à la prospérité économique. L’Afrique du Sud a eu la possibilité de s’orienter vers un secteur de l’électricité durable régi par le secteur privé. En raison des contraintes idéologiques, du sabotage et de la mauvaise mise en œuvre, cela a échoué. Maintenant, nous en subissons les conséquences.

Sur le web

Voir les commentaires (0)

Laisser un commentaire

Créer un compte

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don
Par Jean-Pierre Riou et Michel Gay Cet article est une synthèse « grand public » de deux articles plus techniques de Jean-Pierre Riou « Focus sur les loop flows » et « La fin des MWh clandestins »

L’implantation disséminée des énergies renouvelables électriques intermittentes (EnRi) implique de lourds investissements (plusieurs centaines de milliards d’euros) dans le réseau de distribution auquel ces EnRI sont majoritairement connectées.

En effet, les éoliennes et les panneaux photovoltaïques (PV) ne sont pas des énergies locales, cont... Poursuivre la lecture

C’est manifestement ce que cherche à faire une archéo-administration de l’économie n’hésitant pas à falsifier le concept d’équilibre offre-demande et à maquiller le coût exorbitant d’un appareil de production électrique devenu antiéconomique. Pour cette administration, l’accès au prix bas de l’électricité est avant tout un droit opposable par quiconque, auquel l’État est prioritairement tenu de répondre coûte que coûte, et non la conséquence heureuse de la pratique économique et industrielle rationnelle qu’il a le devoir de promouvoir. Non se... Poursuivre la lecture

Ceux qui venaient en Corse l'été, dans les années 1990-2000, se souviennent peut-être des grèves à répétition, du service de mauvaise qualité, de la difficulté à trouver un bateau. Depuis les privatisations des années 2000, la situation s'est nettement améliorée : plus de grève, des prix en baisse, une qualité de service accrue. Les transports vers la Corse sont un des nombreux exemples du succès des privatisations.

Petit florilège : 

10 juillet 2014 :  la SNCM met fin à sa grève après 17 jours de paralysie.

Janvier 2014 ... Poursuivre la lecture

Voir plus d'articles