Par Julien Barrada.
Les normes prudentielles Solvabilité 2, entrées en vigueur le 1er janvier 2016, imposent aux organismes d’assurance « de satisfaire de nouvelles obligations de détention de fonds propres » et « fournir à l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) des informations plus détaillées que précédemment sur leurs actifs ». Autrement dit, la gestion de ces entités doit se faire de manière plus transparente. Une nouveauté qui ne semble pas faire l’unanimité…
Solvabilité 2 décriée
« Les mutuelles peinent à respecter les règles de transparence financière », titrait La Tribune en mai 2017. D’après le quotidien français, « tous les organismes d’assurance devaient publier, avant le 20 mai 2017, un rapport sur leur situation financière et de solvabilité à fin 2016 », mais « beaucoup ont “oublié” cette obligation ».
La transparence dans la gestion des organismes d’assurance est, semble-t-il, un sujet épineux. À tel point que 15 jours après l’entrée en vigueur de Solvabilité 2, l’ex-directeur de Coface, Jérôme Cazes, n’hésitait pas à prendre position contre cette nouvelle réforme qu’il allait jusqu’à qualifier de « catastrophe industrielle ».
L’animosité de M. Cazes à l’encontre de Solvabilité 2 semble être partagée par plus d’un membre de la profession : toujours d’après La Tribune, en 2008 déjà, « Jean Azéma, président de la Fédération française des sociétés d’assurance mutuelle (FFSAM) et directeur général de Groupama, écrivait à Christine Lagarde, ministre de l’Économie, pour demander le report de l’adoption de la directive Solvabilité 2 ». Selon lui, la réforme comportait « plusieurs points problématiques ».
Et même plus d’un an après leur entrée en vigueur, il semblerait que ces nouvelles obligations soient toujours à l’origine de certaines crispations au sein des organismes d’assurance. En témoignent les récents événements qui ont frappé l’institution de prévoyance Arpège Prévoyance, la mutuelle Muta Santé et le groupe de protection sociale AG2R La Mondiale.
Une intégration qui fait grincer des dents
En octobre 2017, dans le cadre de l’application de Solvabilité 2, l’ACPR a approuvé la constitution de « la société de groupe assurantiel de protection sociale (Sgaps) AG2R La Mondiale ». À terme, le nouvel ensemble devrait inclure les entités Arpège Prévoyance et Muta Santé. Une intégration qui aurait fait grincer des dents du côté de l’institution de prévoyance et de la mutuelle alsaciennes.
Officiellement, c’est la perte d’autonomie inhérente à ce rapprochement qui aurait poussé Arpège Prévoyance et Muta Santé à monter au créneau contre la formation du nouvel ensemble. Les deux entités auraient envisagé même de quitter le groupe AG2R qu’elles ont rejoint en 2014. Une solution quelque peu radicale et qui pose question : une simple peur de perte d’autonomie pourrait-elle justifier une telle scission ?
Jean-Luc Johaneck déjà appelé à plus de « transparence »
En ce qui concerne Muta Santé, l’explication est peut-être ailleurs : l’une des raisons de la création de la Sgaps est l’application des nouvelles normes de transparence imposées par Solvabilité 2.
Et si l’on regarde du côté du conseil d’administration de Muta Santé, et plus particulièrement de celui du Président-Directeur du Comité de Défense des Travailleurs Frontaliers du Haut-Rhin (CDTF), Jean-Luc Johaneck, la transparence ne semblerait pas de mise, à en croire ses anciens collaborateurs.
En effet, en 2009, les propres collaborateurs de M. Johaneck pointaient du doigt le « manque de transparence » du président : « nous demandions ces derniers mois avec une insistance appuyée au Président-Directeur J.-L Johaneck de diriger le CDTF avec plus de transparence et plus de considération envers ses adhérents. Au lieu de cela, dédaigneux et fort de son aura, il exclut de l’association ceux qui ouvrent un débat », écrivait l’un d’eux sur un blog dénommé « Le CDTF, la poule aux œufs d’or ».
Problème de transparence
Par ailleurs, dans un email envoyé aux adhérents de l’association en novembre de la même année, la Vice-présidente, le Trésorier, un membre du Comité Directeur et un ancien Vice-président du CDTF dénonçaient « la main mise totale des deux personnes salariées du CDTF, le Président-Directeur et sa secrétaire. Deux personnes dont les rémunérations récemment analysées sont jugées indécentes et augmentent à un rythme effréné (10 % par an pour la secrétaire, le double de l’inflation pour le Directeur) », ainsi que le refus de M. Johaneck de « présenter au Trésorier les comptes 2007-2008 de l’association lors de l’Assemblée Générale du vendredi 20 novembre 2009 ».
Il semblerait donc que la transparence ne soit pas le fort de M. Johaneck. Une particularité qui pourrait se retrouver dans sa manière d’administrer Muta Santé et qui expliquerait alors les réticences de la mutuelle à faire partie de la Sgaps.
Quoi qu’on en dise, l’application de Solvabilité 2 ne semble pas faire que des heureux…
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