Par Pascal Salin.
Le projet élaboré par Les Républicains et l’UDI pour les prochaines élections législatives a été récemment publié. Il est satisfaisant de constater que la droite et le centre ne sont pas prêts à donner un chèque en blanc à Emmanuel Macron, mais qu’ils sont prêts à jouer un rôle d’opposants afin de « proposer un vraie alternance ».
Il est certain qu’il y a un besoin urgent de véritable alternance – mais surtout de véritable changement de politique économique – après des décennies de socialisme de gauche ou de droite (et qu’une majorité de La République en marche risquerait évidemment de prolonger…).
Dans la mesure où la droite et le centre affirment leur position d’opposants de manière crédible, il est particulièrement important de se pencher sur le programme qu’ils proposent.
Le contrat d’alternance proposé
Mais avant d’entrer dans le détail du programme proposé, on peut faire une remarque d’ordre général. En effet il est écrit au début du projet qu’il s’agit d’un contrat d’alternance « s’appuyant solidement sur les valeurs de la République ».
Or, l’expression valeurs de la République – utilisée d’ailleurs aussi bien à gauche qu’à droite – est dénuée de sens car ces valeurs n’existent pas. La République se définit comme un régime politique dont les dirigeants sont élus, (contrairement à une monarchie héréditaire ou à une prise de pouvoir par la force).
Mais les dirigeants élus peuvent faire des politiques fort variées et la République peut même devenir totalitaire1 (ce qui est d’ailleurs en grande partie le cas dans une France où l’État pratique une spoliation fiscale considérable et où il dirige presque tous les aspects de la vie des citoyens).
Et la liberté dans tout ça ?
Il est regrettable que le projet n’ait pas été plutôt inspiré par un principe unique : s’appuyer sur la valeur de la liberté. Ceci se justifierait sur le plan éthique, mais correspondrait par ailleurs aux besoins concrets des Français.
Dans tous les domaines, il faut leur rendre la liberté de décider, leur permettre ainsi d’être responsables, respecter leurs droits de propriété. En partant de ce principe on peut élaborer un projet cohérent et utile.
Or, en lisant le projet de la droite et du centre on a un peu le sentiment d’une approche pragmatique où l’on trouve certes de bonnes propositions – mais qui restent souvent un peu timides – et d’autres plus contestables. Une telle situation est dangereuse : dans la mesure où l’action politique n’a pas de boussole clairement identifiée, on peut craindre toutes sortes de compromissions et la disparition des meilleures propositions.
Diminution de la fiscalité appréciable
On peut certes se féliciter que le projet propose diverses mesures de diminution de la fiscalité. En effet, la fiscalité est une atteinte aux droits de propriété et de ce point de vue elle est contestable et mérite toujours d’être diminuée.
Elle a par ailleurs une importance considérable pour la prospérité dans la mesure où elle diminue le rendement des activités humaines et détruit donc les incitations productives des individus. De ce point de vue, il faut d’ailleurs souligner que la restauration des incitations productives des Français doit être considérée comme une priorité.
Le projet propose à juste titre la suppression de l’ISF (ce que François Fillon avait été le premier à proposer). Il s’écarte de ce point de vue du projet Macron très contestable, consistant à conserver l’ISF pour les biens immobiliers.
L’injustice de l’ISF
Sans pouvoir entrer ici dans le détail des démonstrations soulignons seulement que l’ISF est injuste (il punit ceux qui font l’effort d’épargner par rapport aux autres) et nuisible car il participe à la sur-taxation du capital qui constitue un des traits majeurs de la fiscalité française. Il a aussi pour conséquence, comme on le sait bien, de pousser à l’exil des personnes qui pourraient créer des richesses pour tous en France.
Le projet propose une baisse limitée de l’impôt sur les sociétés, comme cela est le cas dans le programme Macron et comme cela a été souvent proposé au cours de la primaire de la droite et du centre et au cours de la campagne présidentielle.
Cette baisse est justifiée, non pas comme on le dit généralement pour « restaurer la compétitivité des entreprises françaises », mais parce que l’impôt sur les sociétés est contestable dans son principe même. En effet, on ne sait pas si le poids de cet impôt repose en fait sur les propriétaires des entreprises, sur leurs salariés, sur les prêteurs ou sur d’autres. De ce point de vue on peut dire qu’il est absurde de prétendre prélever des impôts sur les entreprises.
Priorité à l’impôt sur le revenu
Mais la véritable priorité concerne l’impôt sur le revenu et même plus précisément la progressivité de l’impôt sur le revenu. Le projet propose une baisse de 10% sur tous les impôts sur le revenu.
Cela peut être considéré comme une décision qui va dans le bon sens, mais elle reste timide et contestable. En effet la fiscalité française punit, du fait de la progressivité, ceux qui font le plus d’efforts, ceux qui sont les plus talentueux, ceux qui sont les plus susceptibles de créer des richesses.
Actuellement, plus de la moitié des ménages ne paie pas l’impôt sur le revenu et a l’illusion que l’État est gratuit, mais beaucoup de contribuables sont spoliés d’une manière injuste et destructrice. L’idéal serait évidemment d’adopter une flat tax ou, tout au moins, de diminuer considérablement les taux les plus élevés de l’impôt sur le revenu. Ce n’est malheureusement pas dans cette direction que va le projet et il y a donc peu d’espoir que les Français retrouvent la prospérité.
Compenser les baisses d’impôts n’est pas nécessaire
Reconnaissons-le cependant, le projet abandonne heureusement l’idée de compenser les baisses d’impôts et de cotisations sociales par une augmentation de la TVA ou de la CSG, ce qui reviendrait à défaire d’une main ce qu’on aura fait de l’autre.
Cette compensation n’est pas nécessaire, d’une part si on l’accompagne – comme cela est souhaitable – par une baisse des dépenses publiques et parce qu’une vraie réforme fiscale, par son effet de relance économique, permet d’élargir l’assiette des impôts. C’est l’effet Laffer.
Le projet reprend l’idée qui avait été mise en Å“uvre par Nicolas Sarkozy et consistant à défiscaliser les heures supplémentaires effectuées par les salariés.
Cette proposition peut se comprendre dans la mesure où un effort supplémentaire est de plus en plus difficile (comme disent les économistes, l’utilité marginale est décroissante) et c’est d’ailleurs la raison pour laquelle les heures supplémentaires sont payées davantage que les heures « normales ».
Défiscaliser les heures supplémentaires, fausse bonne idée
Mais cette proposition est en fait profondément injuste. En effet, si un entrepreneur ou un membre de profession libérale fait un effort supplémentaire, il est frappé plus que proportionnellement par la progressivité de l’impôt sur le revenu.
La meilleure solution consiste donc non pas à défiscaliser les heures supplémentaires des salariés, mais à réduire ou même plutôt à supprimer la progressivité de l’impôt sur le revenu pour tous. L’exonération des heures supplémentaires relève du bricolage fiscal caractéristique de politiciens qui n’ont ni principes moraux ni compréhension de l’activité humaine.
À propos de l’impôt sur le revenu, on peut aussi rappeler la proposition du projet consistant à relever le plafond du quotient familial. Mais la mesure souhaitable consisterait à supprimer ce plafond.
Pas de cadeaux « aux plus riches »
Le quotient familial est justifié dans un système d’impôt progressif tout simplement par le fait qu’il permet de tenir compte du revenu par personne. L’instauration d’un plafond (évidemment décidée par les socialistes) consistait à considérer que le quotient familial représente un cadeau fait aux contribuables – ce qu’il n’est pas – et qu’il convient de ne pas faire de cadeaux aux « plus riches »… Mais il faut aussi remarquer que le problème ne se poserait pas dans un système de flat tax !
C’est enfin du bricolage fiscal que de réduire le délai entre deux donations ou la durée de détention pour les plus-values sans s’interroger sur le bien-fondé de la fiscalisation des donations, des plus-values et des successions…
Nécessaire dérèglementation du travail
En ce qui concerne la réglementation, le projet s’intéresse à juste titre au marché du travail (qui a été l’objet de bien des débats au cours des mois passés).
Il est satisfaisant d’abroger le compte pénibilité, de simplifier et d’alléger le Code du travail (mais sans que l’on sache exactement comment) ou de plafonner les indemnités prudhommales. Et il est évidemment très souhaitable de supprimer les 35 heures.
Pourquoi pas la liberté pour toutes les entreprises ?
Mais pourquoi le projet prévoit-il de laisser la liberté de négociation du temps de travail aux entreprises pendant 18 mois seulement ? Et pourquoi donner cette liberté aux grandes entreprises, mais recourir à la négociation par branche pour les petites entreprises, comme si leurs dirigeants et salariés étaient incapables de négocier ?
On se souvient que le projet de François Fillon dans ce domaine était beaucoup plus libéral. Une véritable réforme – qui ne coûterait rien au demeurant – consisterait évidemment à supprimer toute réglementation étatique du temps de travail, ce qui implique de supprimer un âge légal de la retraite.
Le projet prévoit de retarder progressivement l’âge de la retraite afin de faciliter le financement des retraites, mais il n’accorde pas cette liberté de choix qui devrait pourtant être considérée comme fondamentale. Et malheureusement, il ne prévoit pas un quelconque passage de la retraite par répartition à la retraite par capitalisation.
Le projet prévoit enfin une diminution des dépenses publiques que l’on peut considérer comme un peu trop modeste. Il prévoit aussi diverses mesures qu’il serait trop long de discuter ici, qui vont souvent dans la bonne direction, mais qui sont souvent un peu trop timides, à l’instar des mesures que nous avons évoquées ci-dessus.
Soulignons peut-être enfin qu’il y a lieu de s’inquiéter de l’affirmation du projet d’après laquelle « nous lancerons une véritable Europe politique ». Ce qu’il faudrait souhaiter c’est une Europe des libertés et non une Europe politique, impliquant une centralisation des pouvoirs, car là où la politique avance, la liberté diminue.
—
-  C’est ainsi que l’économiste péruvien Hernando de Soto a pu écrire « Le Pérou est une démocratie, tous les cinq ans nous élisons un dictateur ». ↩
Tout à fait en ligne… la droite ne donne vraiment plus envie! Et on a pourtant besoin d’une véritable opposition.
En résumé, côté libéralisme, le projet de la droite = programme d’En Marche + 3%. J’irai à la pêche …
Excellente analyse, ce qui n’est guère étonnant venant de Pascal Salin.
En résumé : Les Républicains – Fillon = Macron.
Entre les « traitres » assumés (Philippe, Lemaire, NKM etc…) et les faux opposants (Baroin, Bertrand, Jacob…), je ne sais pas lesquels sont les plus minables….j’irai moi aussi à la pêche.
Cet article rejoint celui sur l’obsession gaulliste…en effet tant que la dite droite ne proposera pas un programme vraiment libéral en tirant publiquement un trait sur l’héritage gaullo-communiste et notamment les ordonnances de 1945 sur le monopole de la sécu, et socialement conservatrice, elle ne servira à rien face à Macron/Hollande. Fillon avait compris cela, d’où son succès à la primaire, mais trop tard au regard de sa carrière politique et trop peu de temps avant les présidentielles. La victoire de Fillon à la primaire n’était pas faite pour gagner en 6 mois mais pour recréer une vrai droite « libérale-conservatrice » à plus long terme.