Muriel Jourda, une libérale au Sénat

Contrepoints a interrogé Muriel Jourda, sénatrice LR du Morbihan, sur son expérience en tant que libérale dans le monde politique.

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La Sénatrice Muriel Jourda

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Muriel Jourda, une libérale au Sénat

Publié le 20 octobre 2023
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Contrepoints : Bonjour Muriel Jourda. Dimanche 24 septembre 2023, vous avez été réélue pour un second mandat sénatorial. Dans la vie civile, vous êtes avocate. Qu’est-ce qui a déterminé votre engagement politique ?

Muriel Jourda : Je me suis engagée en politique par hasard au travers de l’engagement local. J’ai été sollicitée à 33 ans pour intégrer une liste municipale alors que la parité n’était pas obligatoire mais conseillée tout de même pour séduire l’électorat féminin. Au mandat suivant, j’ai été tête de liste presque par défaut et élue maire de ma commune. Cela m’a conduite à être sollicitée pour me présenter au Conseil Départemental puis aux élections sénatoriales. Je n’ai donc pas eu de vocation précoce ou tardive mais je suis l’illustration d’un adage (dont je suis l’auteur) : être élu, c’est être au bon endroit, au bon moment ! Pour autant, l’action publique locale m’est apparue passionnante et mes engagements postérieurs ont été mus par un véritable intérêt.

 

Contrepoints : Vous avez des convictions libérales, ce qui est assez rare dans le paysage politique français. Quelles sont-elles et comment êtes-vous arrivée au libéralisme ?

Muriel Jourda : J’ai été longtemps une libérale qui s’ignorait ! En tant qu’avocat, j’ai toujours joui de la plus grande liberté dans l’exercice de ma profession tant dans son organisation pratique que dans le traitement des dossiers de mes clients. Dans les deux situations, j’avais également la totale responsabilité des conséquences de mes choix personnels. Liberté et responsabilité, voilà, me semble-t-il, le duo inséparable que tout libéral doit chérir !

Une autre conséquence de cette liberté est d’assumer aussi les possibles incertitudes financières de l’exercice libéral. Il ne m’est jamais venu à l’idée de demander un sou de subvention au gouvernement.

Je ne me suis intéressée que tardivement aux écrits libéraux. Ma rencontre décisive sur ce point étant celle de mon président de Conseil Départemental, François Goulard, qui m’a fait connaître Frederic Bastiat, auteur lumineux sur le libéralisme.

 

Contrepoints : Concrètement, qu’est-ce que cela signifie d’être libérale au Sénat ? Pendant votre premier mandat, avez-vous eu l’occasion de défendre la liberté ?

Muriel Jourda : Ah, être libérale au Sénat ! Cela signifie souvent s’arracher les cheveux face à la législation envahissante qui enserre fermement la liberté, mais le Sénat n’en est pas particulièrement responsable. Le droit prolifère parce que nous lui offrons un écosystème favorable : les gouvernements font du droit pour montrer qu’ils agissent ; les parlementaires font du droit pour montrer qu’ils travaillent ; les citoyens veulent du droit au moindre fait divers. J’ai coutume de dire qu’en France, un espace de liberté s’appelle un vide juridique !

S’y ajoute une forte croyance dans le pouvoir de l’État pour résoudre toute situation alors que l’État me semble à l’origine de toutes les grandes pénuries existantes ou probables (santé, énergie, logement, alimentation). Être libérale au Sénat consiste souvent à être dans la déploration face à cette vague qui nous submerge sans pouvoir l’arrêter.

Quant à la défense de la liberté, je l’ai exercée dans des circonstances assez délicates puisque je me suis opposée publiquement au passe vaccinal pendant l’épidémie de Covid-19. C’était délicat d’une part parce que ma famille politique y était favorable ; d’autre part parce que le traitement millénariste de ce problème sanitaire rendait difficile tout raisonnement autre que sécuritaire.

Il me paraissait important de rappeler qu’en politique, la fin ne justifie pas les moyens (ou alors il faut s’inspirer de la Corée du Nord pour juguler la délinquance…). Le principe préalable de respect de la liberté devait au contraire guider nos choix.

Il me paraissait également important de rappeler qu’en état de droit, nul ne peut être sanctionné autrement que pour l’irrespect de la loi. Or, le passe vaccinal privait de liberté ceux qui n’étaient pas vaccinés alors que la vaccination n’était pas obligatoire. Bref, un citoyen qui faisait le choix de ne pas se vacciner et d’user de la liberté que lui reconnaissait la loi était néanmoins puni pour son comportement.

Enfin, défendre la liberté au Sénat revient à demander au législateur de moins légiférer !

Cela peut paraître paradoxal, mais pourtant, le président du Sénat lui-même, Gérard Larcher, insiste de plus en plus sur la nécessité de sobriété textuelle.

Le Sénat est à mon sens plus susceptible que l’Assemblée nationale d’amorcer cette décrue législative, car notre chambre est quasi totalement constituée d’anciens maires qui ont réellement souffert du manque de liberté dans la mise en œuvre de leur projet communal.

Mais la vraie révolution ne peut venir que du gouvernement, d’où provient la majeure partie de l’ordre du jour des assemblées.

 

Contrepoints : Comment les libéraux peuvent-ils, dans le futur, espérer peser davantage sur le débat politique français ?

Muriel Jourda : Les libéraux pourront à mon sens peser dans le débat en France s’ils arrivent à rappeler que la racine, la raison d’être, le socle fondamental du libéralisme, c’est la liberté !

Dans l’esprit des Français, le libéralisme est assimilé à une doctrine économique où tous les coups seraient permis. Ils n’y voient pas la liberté mais le danger et l’injustice. « Libéral » est une insulte dans le débat politique.

En réalité, le sens réel du libéralisme est ignoré, au point que l’actuel chef de l’état, qui n’aime rien tant que nous dire comment nous devons vivre, est qualifié d’ultralibéral !

 

Contrepoints : Vous êtes une femme de droite. Voyez-vous, au sein de votre famille politique, la possibilité de l’ouverture d’un espace libéral ? Que pensez-vous des positions et propositions de David Lisnard, par exemple ?

Muriel Jourda : Il y a bien sûr la place pour le libéralisme à droite et je crois même qu’il est la solution à la situation de marasme dans laquelle se trouve la France, accablée de normes, de prélèvements, de dettes.

Rendre leur liberté aux français est un programme de droite et à cet égard David Lisnard en est effectivement emblématique par son discours prônant la confiance, la liberté, la responsabilité.

Je voterai volontiers pour un candidat dont le slogan sera « reprenez votre vie en main » !

 

Contrepoints : Vous êtes également une conservatrice assumée. Cette position pourrait être critiquée par certains libéraux, qui jugent que le libéralisme n’est cohérent que s’il s’accompagne de positions libérales sur les questions sociétales. Quelle est votre réponse pour concilier libéralisme et conservatisme ?

Muriel Jourda : Le libéralisme intégral !

Je ne suis pas sûre qu’il soit très répandu dans la pratique. La gauche est assez libérale sur les sujets de société mais refuse par exemple que vous utilisiez librement votre argent.

J’assume tout à fait d’être conservatrice et dans le fond, je crois que tout le monde l’est. Personne ne se lève le matin du 1er janvier en décidant de se débarrasser de son conjoint, ses enfants, son travail, sa maison etc. Nous conservons généralement ce qui constitue le socle de notre existence et, même si ça peut paraître paradoxal, je crois que c’est ça qui peut nous permettre de mieux exercer notre liberté.

La liberté n’est pas la capacité de faire ce que l’on veut comme on le veut, autrement la société serait une vaste foire d’empoigne ! Exercer sa liberté implique également de peser sa responsabilité. Nos actions s’inscrivent dans la réalité de nos vies, dans le système de principes et de valeurs du pays dans lequel nous vivons. Les prendre en compte avant d’agir me paraît de nature à mieux engager notre responsabilité.

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  • Comme le souligne Muriel Jourda, les instances réglementaires et législatives trouvent leur légitimité dans la création de textes, elles n’ont que très peu d’autres moyens d’ « action ».
    Il faudrait créer des groupes de travail entre juristes en dehors de ces instances pour rédiger des projets de nouveaux codes (civil, travail, environnement, pénal) en s’inspirant par exemple de la minceur des codes suisses et les proposer. Il faut ressusciter Portalis et Cambacérès, ce ne sont pas des instances politiques bavardes qui peuvent parvenir à s’accorder, surtout sur des tâches aussi lourdes…

    • Option.
      Assécher la source.
      Pas plus de 10 ministres. 5 conseillers par ministre. 200 députés. 100 sénateurs.
      La réduction du nombre de législateurs potentiels amènera ceux qui restent à se limiter aux textes essentiels.
      Parmi les 10 ministres, en nommer un chargé de la réduction normative. Ministre délégué auprès du PM. Disposant lui de 20 conseillers. Et d’une direction centrale dédiée à la suppression de textes existants. Ou seraient nommés et grassement payés les premiers des hauts fonctionnaires.
      La simplification administrative, c’est comme l’amour, il n’y a que des preuves.

      -1
  • « Dans l’esprit des Français, le libéralisme est assimilé à une doctrine économique »
    C’est pas possible !?
    « J’assume tout à fait d’être conservatrice et dans le fond, je crois que tout le monde l’est. »
    Ah ben si, c’est possible !

    -1
    • Et là… 2 gugusses qui n’ont toujours pas compris que « libéral conservateur » est un oxymore.
      Et que se désoler que les Français confondent libéralisme et doctrine économique, tout en alimentant la machine à baffe en ne promouvant que le « libéralisme de droite » c’est à dire justement le libéralisme économique, c’en est tristement amusant.

      • Remarquons qu’elle ne s’est pas étendue sur le sujet. Elle n’est peut être pas si conservatrice que cela personnellement, mais elle est sénatrice dans un groupe, elle ne va pas se fâcher avec tout le monde. Elle s’est opposée au passe sanitaire, ce qui n’est pas rien.
        On peut être « un peu libéral, un peu conservateur » alors? En politique, il faut savoir faire des compromis…

      • Il me semble qu’il y a un malentendu ou une maladresse dans l’alliance de ces termes. Parce que si libéralisme politique il y a, c’est dans un cadre politique strictement conservateur : légiférer comme actuellement se heurte à notre constitution, d’où la tentation de vouloir la modifier. Le conservatisme, c’est un mur constitutionnel infranchissable. La voilà votre solution pour moins de loi 😉

        • Mais c’est qu’il ne faut surtout pas CONSERVER notre législation actuelle, bien trop abondante. Ni notre propension à légiférer à chaque fait divers, bien trop vigoureuse.
          Voilà pourquoi il ne faut jamais être conservateur. Pour se laisser la liberté d’agir dans le bon sens, si nécessaire.

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