Le clivage haut-bas en passe de remplacer le clivage gauche-droite ?

Les idées qui ont marqué le clivage traditionnel droite-gauche ne sont plus dominantes. Un nouveau clivage s’est progressivement imposé que le terme populiste ne suffit pas à comprendre.

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Le clivage haut-bas en passe de remplacer le clivage gauche-droite ?

Publié le 26 avril 2017
- A +

Par Cécile Philippe.
Un article de l’Institut économique Molinari

Maintenant que le premier tour des élections présidentielles française est passé, nous avons des résultats tangibles sur lesquels disserter.

De mon point de vue – partagé par de nombreux commentateurs –, le résultat le plus important n’est pas la victoire d’un Emmanuel Macron ou d’une Marine le Pen mais plutôt la déconfiture des deux partis traditionnels de France. Celle-ci s’inscrit sans doute dans un processus qui œuvre depuis plusieurs décennies.

Le vote des Anglais pour la sortie du Brexit a pour moi été le premier coup de semonce. En effet, je ne l’avais pas du tout vu venir. Que n’avais-je pas compris ?

L’élection de Donald Trump aux États-Unis m’a beaucoup moins surprise. Je comprenais que des tendances étaient à l’œuvre mais quelles étaient-elles ? Ce qui s’est avéré rassurant et utile, c’est que d’autres se posent les mêmes questions.

Ce qui se passe dans le monde

Le conservateur américain David Brooks – créateur du terme bobo (bourgeois-bohème) et journaliste au New York Times – reconnaissait avoir écrit entre 2015 et 2016 près de 30 articles expliquant pourquoi Donald Trump ne serait jamais le candidat républicain. Fort de son analyse erronée, il essaie aujourd’hui de comprendre ce qui se passe dans le monde.

En particulier, lui comme d’autres, soulignent un phénomène crucial au sein de la société actuelle, à savoir que justement les idées qui ont marqué le clivage traditionnel droite-gauche, républicain-démocrate ne sont plus dominantes. Un nouveau clivage s’est progressivement imposé que le terme populiste ne suffit pas à comprendre.

La place de l’État

David Brooks explique ainsi que si Donald Trump a été élu, c’est parce qu’il a compris que le débat au sein de la société américaine avait profondément changé. En effet, encore jusqu’à récemment le débat démocrate-républicain tournait autour de l’idée de la place de l’État dans la société. Les démocrates défendaient un État très impliqué pour favoriser l’égalité.

Les républicains, plus attachés à la notion de liberté, recommandaient d’en réduire la taille. Un Trump a compris ce que les deux partis n’ont pas compris aux États-Unis, à savoir que le débat était maintenant autour de l’idée société ouverte versus société fermée.

Gagnants et perdants de la mondialisation

D’un côté, il y a les « gagnants » de la mondialisation et d’une certaine forme de méritocratie. Ceux-ci sont favorables au libre-échange, à l’ouverture des frontières et une plus grande tolérance à l’égard des mœurs car ils y voient des opportunités sans fin.

De l’autre, on trouve « les perdants » de la mondialisation, ceux dont les emplois ont été détruits ou sont menacés par la concurrence internationale. Ceux-là sont favorables à la fermeture des frontières économiques et au contrôle des flux migratoires.

La montée en puissance de cette tendance explique aussi en partie la victoire du oui à la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne. La question pour les élections françaises était donc de savoir si cette tendance existait en France et si elle avait la force de changer profondément le paysage politique française. La réponse est claire.

Basculement du système politique

Le géographe Christophe Guilluy, qui s’intéresse à cette question depuis de nombreuses années, expliquait encore dans Paris Match, il y a quelques jours :

Il est frappant de noter que le candidat qui a gagné la primaire de droite et le candidat qui a gagné la primaire de gauche courent tous les deux le risque de ne pas passer la barre du premier tour. Nous assistons au basculement du système qui a régi notre vie politique depuis soixante ans. Les partis n’ont pas su, pas pu, pas voulu se réformer à temps. Les électeurs le font à leur place. 

Cet auteur dans ses livres, notamment Le crépuscule de la France d’en haut, dresse un constat extrêmement important pour qui veut comprendre la société française actuelle (et peut-être plus généralement les tendances à l’œuvre dans toutes les sociétés développées).

Macron c. Le Pen

Il dessine une recomposition de la société entre ce qu’il appelle « la France métropolitaine » et « la France de la périphérie » qui, sur fond territorial, recoupe la distinction entre les perdants et les gagnants de la mondialisation. Sans entrer ici dans les détails de sa démonstration passionnante, je retiens la chose suivante :

L’élection actuelle marque un tournant dans le paysage politique qui a au moins le mérite de rendre les choses plus visibles. D’un côté, un centre porté par Emmanuel Macron et incarnant l’ouverture. De l’autre, on trouve des extrêmes puissantes favorables au repli.

Christophe Guilluy estime à 60% la France d’en bas qui pourrait se retrouver dans ces extrêmes. Nous sommes dans un phénomène de long terme qui mérite qu’on en comprenne toute les dimensions si on veut pouvoir le modifier.

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  • L’opposition est bien effectivement entre les gagnants et les perdants des tendances de fond actuelles, entre les conservateurs, dynamiques, qui veulent accélérer et des révolutionnaires, qui souffrent, qui veulent faire marche arrière.
    Un vrai centrisme est alors de chercher à équilibrer les deux, et non à accélérer (Macron) ou à faire demi-tour (Le Pen).
    En fait, Macron est il vraiment centriste dans cette analyse? Le choix n’est il pas finalement cornellien?

  • les gagnants sont à l’abris de tout , les perdants ne sont même plus protégés par leur propre gouvernements et se prennent en pleine poire tout les problêmes nés des mauvaises politiques menés ces dernières décénnies ; ce dont la france a besoin , c’est d’un dirigeant qui s’occupe de TOUT les français , et pas seulement de la caste de l’un ou de l’autre ; droite et gauche ne l’ont pas compris ; on voit le résultat ;

  • Je ne partage pas cette analyse. Si la gauche a bien explosé, on ne peut en dire autant de la droite. Fillon a réussi l’exploit de faire plus de 20% des voix (dernier décompte avec les votes de l’étranger où, curieusement le vote Mélenchon est anecdotique) avec les casseroles qu’on lui a mises au derrière, ajouté à ses réactions au début passablemenbt lamentables. Sans le torpillage de Hollande ni sa propre incompétence, il aurait été largement en tête. Certes, entre NKM, Juppé ou Fillon, il y a des divergences, mais pas insurmontables.
    Résumons: à gauche, il y a un clivage profond entre gauchistes et sociaux-démocrates. A droite, casseroles et incompétence. Ce ,n’est pas pareil.
    Maintenant, sur le plan philosophique, un autre clivage est apparent: celui de la vieille idée communiste de fabriquer un « homme nouveau » totalement « hors sol » qu’on pourra manipuler à volonté et l’homme enraciné, soit dans son terroir, dans sa patrie, dans sa langue et sa culture et dans sa religion. C’est ce dernier que les « hommes de Davos » cherchent, à éliminer.

    • La droite n’a pas – encore – explosé mais ça ne devrait pas tarder, si l’on en croit les reports de voix de Fillon pour le 2ème tour, en plus de ceux qui se sont déjà effectués au 1er.
      Et ça pose question pour les législatives : mon candidat député LR fera partie de quelle droite, celle du libre-échange ou celle des conservateurs ?

      • Je ne vois pas en quoi le libre-échange et le conservatisme devraient de contredire, d’autant que le conservatisme est plutôt sociétal, alors que le libre-échange relève de la sphère économique.
        Je vois un plus gros écart entre les étatistes genre Juppé et les libéraux genre Madelin (qu’on a tout à fait à tort donné comme soutien de Macron).

        • Le libre-échange et le conservatisme, bien que compatibles comme par exemple dans l’offre politique de Fillon, vont devoir prendre des voies différentes lors du 2ème tour (à moins de considérer que Le Pen soit libre-échangiste et/ou Macron conservateur ?).
          Puis il y aura encore des prises de positions opposées lors des législatives, et
          si vous rajoutez ceux qui sont déjà partis pour le 1er tour, que croyez vous qu’il va rester de la droite après tout ça ?

  • Il y a aussi le clivage entre les gagnants et les perdants de l’étatisation croissante de la société.
    Les gagnants sont ceux qui vivent des fond publics (administration, université, culture, grandes entreprises, aides sociales) qui vivent dans les grandes agglomérations et les perdants sont les employés des petites boites privés, PME, TPE et artisans.
    Le premier reflexe de ces perdants est de se tourner vers l’état, comme les agriculteurs, pour avoir une part du gâteau, mais le remède sera pire que le mal.

  • On peut être urbain , être dans le 9 ème décile et être favorable à une immigration régulée voire intelligente (le vilain mot) … désolé si je parle de moi

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