Par François Gardes.
L’homme qui disait il y a peu vouloir être élu, non sur un programme forcément mensonger, mais sur sa personnalité (évidemment sans rien nous dévoiler de ses vies privée et publique ni de ses financements), se trouve bien obligé de faire semblant de bâtir, en quelques jours, un programme économique que Le Monde (du 25 Février), jamais en peine de travestissement idéologique de la réalité, dit satisfaire « les économistes qui soulignent l’équilibre du projet » (les économistes cités dans cet article sont, Dieu merci, bien en deçà de ce constat).
Ce projet tient la balance presque exacte entre les candidats de droite et de gauche. Sans vision d’ensemble, il s’avère grotesque dans le souci de ne perdre aucun électeur en route, annonçant par exemple une hausse conséquente de l’investissement public en même temps qu’une réduction des dépenses de l’État, sans même prendre la peine d’expliquer que la seconde devra précéder la première.
Bête application du multiplicateur keynésien
Ce programme est typique de l’application bête des principes keynésiens du multiplicateur et de la demande effective, dont chacun voit bien qu’ils ne s’appliquent que dans des conditions très particulières, comme l’ont montré récemment les échecs des relances massives d’Obama et d’Abe au Japon, tout comme l’incapacité des vieux modèles macroéconomiques de mesurer les pertes de production consécutives aux austérités successives appliquées à la Grèce – le chief-economist du FMI s’était rendu célèbre en admettant que le multiplicateur effectif dans ces occasions différait de plusieurs centaines de % des valeurs calibrées dans le modèle. Ce programme ne présente aucune vision qui permette de comprendre la direction que le président Macron imprimerait à sa politique d’ensemble. L’artisan des politiques désastreuses de Hollande, fondées également sur l’inculture économique de nos administrateurs, va pianoter les quelques arpèges court-termistes habituels, sans oublier les relances désordonnées d’avant élections.
Il est significatif à cet égard que l’accent soit mis dans ce programme sur la capacité de l’État à orienter habilement ses investissements productifs. Pratiquement tous les programmes étatiques massifs, depuis le plan Calcul gaulliste, se sont révélés catastrophiques : cela n’empêche pas notre petit énarque d’annoncer la « modernisation de l’action publique » (on croit rêver) et l’investissement dans la « transition énergétique », supposée, selon tous nos ministres ignares, créer des emplois (mais à des coûts prohibitifs pour une économie surendettée, incapable dans un proche avenir de payer même l’intérêt de sa dette : ce sont en fait des emplois fictifs, puisqu’ils en détruisent plus qu’il n’en est créé).
L’État, seul acteur économique
Notons d’ailleurs que Macron, pénétré de la capacité bien démontrée de l’État français à trouver des solutions aux problèmes de notre économie, prévoit de confier la gestion des prestations chômage au seul État, les partenaires sociaux ayant démontré leur incapacité (comme si l’État n’en était pas l’origine, tout comme les États, et non le capitalisme, sont à l’origine de la crise actuelle). Cette confiance de l’administrateur en l’État se conjugue avec une incapacité à penser les incitations qui mettent en marche les acteurs microéconomiques – ménages, entrepreneurs : on prévoit par exemple de contrôler les demandeurs d’emplois, les obligeant à accepter l’emploi qui leur est proposé (ce qui est d’ailleurs déjà prévu dans le système actuel), et de « conditionner strictement les prestations aux efforts de recherche du chômeur, avec un contrôle drastique », sans rien expliquer des modalités nouvelles de ce contrôle (qui serait fait par les mêmes fonctionnaires qu’aujourd’hui ?). Rien d’autre n’est pensé pour inciter les récalcitrants à entrer sur le marché du travail.
Ne parlons même pas de l’absence totale de réflexion sur les choix que font les ménages entre travail marchand et activités domestiques, choix qui furent fortement impactés par la crise récente. Aucune réforme du marché du travail ne pourra en France négliger cet aspect des choses, mais considérer que l’agent économique est un acteur, certes imprévisible mais qu’on peut inciter aux bons choix, est évidemment moins simple que de manier les calculettes des dégrèvements, impôts et subventions d’État – dont les effets ne peuvent généralement être connus précisément, au niveau microéconomique, ce qui biaise complètement la prévision de l’effet global.
On ne touche pas aux retraites
Similairement, on ne touchera pas aux retraites, uniquement parce que c’est un sujet explosif qui n’apporte pas d’électeur des deux côtés de l’échiquier. Tout et son contraire est dit sur les dotations aux collectivités territoriales, sur l’assurance maladie… Pour cette dernière par exemple, des augmentations de dépenses sont prévues et conjuguées à des économies massives (de quinze milliards) auxquelles personne ne peut sérieusement croire. L’essentiel, qui serait un choc massif de baisse des coûts de production, lié à une vraie politique de l’offre, est absent du programme.
Pratiquement tout le programme macroniste est en fait construit, visiblement à la va-vite, sur l’addition d’un quart des montants de chaque réforme filloniste auxquelles est adjoint une proportion égale des programmes socialiste et communiste : réduction minime des dépenses publiques, de prélèvements fiscaux, du nombre de fonctionnaires, mais taxation du capital, de l’immobilier, relance des investissements publics (Giscard avait annoncé il y a quarante ans, lors du sommet de la Jamaïque que jamais les régimes démocratiques ne voudront se passer de l’inflation et du déficit public, trop pratiques à court terme) – tout cela n’amenant aucun risque d’un cercle vicieux de l’endettement, selon le staff de cet inénarrable candidat ! Vieilles recettes, dont on s’étonne qu’elles ne provoquent pas un éclat de rire de la classe politique et des experts.
Le rêve macroniste
Ce programme grotesque n’est en fait que l’écriture économique du rêve macroniste : ajouter aux bobos de gauche quelques gogos de droite, en égal nombre apparemment jusqu’à présent selon les enquêtes. Si la balance des électeurs penche un peu d’un des deux côtés d’ici l’élection, gageons que le staff macroniste corrigera à la marge le programme dans le même sens.
Vocabulaire ampoulé, cherry-picking, mauvaise foi voire mensonge sur la taxation du capital: 2/20.
Sans compter l’éloge de Fillon incompréhensible, l’ancien souverainiste au plan de relance keynésien massif et dèsastreux: 600milliards de dettes. Le “Grand Emprunt” continue encore à être versé et gaspillé.
Bizarre qu’on puisse contester l’ambition de moderniser l’Etat (“on croit rêver”), à moins que la remarque signifie qu’on doute que Macron puisse tenter de le faire. Dans ce cas on comprend que cet article se résume à une attaque personnelle du candidat Macron ou bénéfice d’un choix personnel pro Fillon… et dans ce cas le titre de l’article n’est pas approprié s’agissent d’un simple règlement de compte. Fillon ? c’est bien le type qui a signé pour le TGV ouest inauguré hier, augmenté la dette de 500 milliards, pas été géné par les 35 heures qu’il a non seulement maintenues mais compensées par des subventions de 20 milliards par an, qui a augmenté la fiscalité sur l’actionnariat salarié … et qui viens d’abandonner toutes velléités de réforme réelle de la Sécu ???
En tout cas ça marche , on ne parle que de Macron…Pour ne rien dire sur un programme inexistant !
Amusant de voir les deux premiers commentaires expliquer que l’article fait l’éloge de Fillon qui n’est pas cité et dont le programme, au demeurant, n’est pas évoqué non plus.
Des défenseurs de Mini-moi-président, égarés sur Contrepoints, certainement…
Dans la mesure où aucun candidat véritablement libéral n’est candidat (ne se présentent en effet “à droite” qu’un ex hollandiste défroqué et un ex umpiste désormais sous tutelle) il n’est pas anormal de chercher dans l’un et l’autre des programmes ce qui pourrait être considéré comme libéral. Il semblerait que la discussion soit largement ouverte, sachant qu’il est inutile de perdre du temps puisque nous aurons probablement une cohabitation entre un président Macron et une majorité revancharde de la droite et du centre. Autant dire que le vrai programme n’est pas encore écrit…