Comme chaque année, Great Place To Work publie son palmarès des entreprises où il fait bon travailler. Les « gagnants » sont, une fois de plus, Davidson Consulting pour les entreprises de plus de 500 salariés, et Accuracy pour les moins de 500. Quelles leçons tirer de ce classement ?
Par Patrick Coquart
Alors que l’actualité n’envoie guère de nouvelles réjouissantes – c’est le moins que l’on puisse dire –, la publication du palmarès 2016 de Great Place To Work apporte un rayon de soleil bien agréable.
En effet, l’entreprise n’est bien souvent mise en avant que pour ses côtés négatifs. Les médias parlent à l’envi des licenciements, du stress, du burn-out, du harcèlement… Certes, tout cela existe et loin de nous l’idée de le nier.
Mais il existe aussi des entreprises « où il fait bon travailler » comme le titre le supplément du Figaro Économie du mercredi 23 mars 2016. Le quotidien détaille le classement dans lequel 64 entreprises sont récompensées, et dont la majorité, il faut le reconnaître, est peu connue du grand public.
Pas de modèle unique, ni de solution miracle
Que retenir de ce palmarès ? Tout d’abord que les initiatives et les politiques mises en place par ces entreprises sont nombreuses et variées. Cela va de l’actionnariat salarié aux démarches collaboratives, de la gestion individualisée des carrières à l’intégration des nouveaux embauchés, de la discussion mensuelle de la stratégie à la mise en place d’un budget bien-être, de la grande place donnée à la formation à l’organisation de déjeuner inter-équipes, de la constitution d’équipes réduites à l’autonomie accrue des collaborateurs, etc. Chacun peut y trouver chaussure à son pied. En tout cas, il n’existe pas un modèle unique d’entreprise idéale, ni de solution miracle pour permettre l’épanouissement des salariés.
Ensuite que nombre d’entreprises citées ont des locaux organisés en open space. On pourrait donc être heureux au travail dans un « espace ouvert » ! Voilà qui risque de chagriner Alexandre des Isnards et Thomas Zuber, les auteurs du célèbre L’Open space m’a tuer. On se rend compte cependant que, la plupart du temps, les salariés ont eu leur mot à dire sur l’organisation de leur espace de travail. Surtout, cela révèle que la crispation que l’on constate parfois sur la question de l’open space est le symptôme d’un malaise, plutôt que le malaise lui-même.
Il est aussi particulièrement intéressant de se pencher sur les enquêtes réalisées auprès des salariés français d’une part, et des salariés des entreprises lauréates d’autre part. Les questions posées sont classées en quatre thèmes : crédibilité, fierté, équité et convivialité. Et les réponses réservent quelques surprises.
À l’affirmation « Je pense que l’encadrement ne licenciera un salarié qu’en dernier recours », 57 % des salariés français répondent par « oui ». C’est la seule des 14 propositions du thème crédibilité qui passe la barre des 50 %. Comme quoi l’entreprise cherchant à tout prix à réduire sa masse salariale n’est pas une vision qui fait l’unanimité. Ce qui est aussi à remarquer, c’est que cette affirmation est celle pour laquelle l’écart entre les salariés français et les salariés des lauréats du classement Great Place To Work (qui répondent « oui » à 75 %) est le moins important (18 points). En revanche, l’écart entre les deux populations atteint les 40 points (en faveur des entreprises lauréates, cela va sans dire) sur les affirmations suivantes : « La direction gère l’entreprise de façon honnête et en respectant les règles éthiques », « Il y a cohérence entre les discours et les actions de l’encadrement » ou encore « On accorde beaucoup de responsabilités aux salariés ».
Vous pourrez consulter vous-mêmes les résultats comparés de ces enquêtes. Il serait fastidieux de les énumérer ici. Signalons simplement qu’en matière d’équité, la plus grande différence entre les deux populations porte sur le partage des bénéfices, jugé équitable par 58 % salariés des entreprises du palmarès contre 19 % des salariés français.
Pour terminer, il est bon de lire attentivement le texte de Bertrand Bailly, cofondateur de Davidson Consulting, premier au palmarès des entreprises de plus de 500 salariés pour la troisième année consécutive. L’éditorialiste du Figaro affirme en Une que « l’épanouissement des salariés enrichit l’entreprise ». Vingt-deux pages plus loin, Bertrand Bailly écrit « […] en dix ans je n’ai malheureusement pas acquis la certitude qu’une action managériale décloisonnant la décision, respectueuse de l’individu, basée sur la confiance, favorisant l’influence et la recherche de résultats long terme, était plus ‘efficace’, financièrement parlant, que des postures axées sur la gouvernance, la mise sous pression, le contrôle, la manipulation et la recherche de résultats à court terme. Sinon pourquoi tant d’entreprises capitalistes camperaient-elles sur ce modèle pour satisfaire leurs actionnaires ? Car Davidson ne superforme pas. »
Dégager du temps de cerveau disponible
Alors, pourquoi engager une démarche favorisant le bien-être au travail ? Bertrand Bailly donne trois raisons. « Premièrement, pour la croissance ». Le classement Great Place To Work valorise sa marque employeur, meilleur moyen de recruter les meilleurs et de développer durablement l’entreprise.« Deuxièmement, pour se regarder dans la glace le matin ». Il a observé que le conseil, « où des hommes mettent des hommes au service d’autres hommes », est« managérialement sinistré » car on se protège à l’excès des rapports humains, souvent pesants, entraînant ainsi une déshumanisation. « Troisièmement, pour avoir du ‘temps de cerveau’ disponible ». Les managers se trouvent, en effet, dégagés de la gestion des conflits et abcès divers, et se consacrent davantage à la vision, à la stratégie, à l’innovation.
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« nombre d’entreprises sont organisées en open spaces ». Ça veut dire quoi « nombre » ?
C’est la moitié ? La majorité ? Un tiers ? Un quart ? Presque toutes ?
M’est avis qu’à part montrer l’hostilité de l’auteur envers le livre cité (ou peut-être envers les auteurs dudit livre), cette phrase ne démontre pas grand chose…..
Vous avez raison, c’est un peu flou. Actineo a réalisé une étude en 2014 qui donnait les chiffres suivants : 73% des salariés en open space au Royaume-Uni, 71% en Espagne, 55% en Allemagne. En France, le chiffre est estimé à 57%. Mais, ce n’est qu’une estimation.
Quant au livre « L’open space m’a tuer », je l’ai beaucoup aimé, même s’il est parfois caricatural.
La blague! Chez Davidson, 9 salariés sur 10, au moins, ne travaillent pas dans les locaux de l’entreprise, mais chez des clients…
Donc les commerciaux et les RH ont répondu… Ca me rappelle la vie en SSII.
Pas sûr. Nombre d’études ont été faites sur le sujet de façon sans doute plus complexe que ce classement.
Il en ressort qu’il est clair qu’un salarié « heureux » au boulot est plus impliqué, plus constructif et plus productif qu’un C.G.T.iste qui y vient pour détruire le « Grand Capital », évidemment: ça ne demande pas de justification.
Par contre, cela demande certainement des devoirs imposés à la direction (patron et cadres), et d’abord, rester à l’écoute des salariés, employés ou ouvriers: eux connaissent bien mieux leur job que le patron! Ils savent comment le rendre plus efficace et plus facile: qui va écouter leurs propositions?
Et, de toute façon, tout humain préfère la bonne humeur et la bonne entente sur son lieu de travail où il passe quand même beaucoup de temps. Cela aura aussi des répercussions positives dans son logis et donc sa vie privée: c’est le mauvais stress (celui qui n’apporte pas de satisfaction; courir un 100 m, pour celui qui aime ça, cela lui donne un stress agréable!) qui arrive à détruire la qualité de vie.
Dans les attentats, les sauveteurs (pompiers, ambulanciers, personnel hospitalier etc …) ont vécu certainement des moments durs mais qui pourra, plus tard, leur confirmer leur confiance en eux-mêmes, condition sine qua non d’un bien être psychique.
Voila le genre d’opinion qui mérite cette mise en garde de Charles Coquebert : « Se défier du ton d’assurance qu’il est si facile de prendre et si dangereux d’écouter », Journal des mines n°1, Vendémiaire An III (septembre 1794).
Revoilà FVA, c’est-à-dire Frank Vermeulen Abruti qui poste la même citation sur tous les sites. Vraiment, la vieillesse est un naufrage.