Par Éric Verhaeghe
Dans l’accélération du temps politique produite par la loi El-Khomri, une énigme suscitera à l’avenir de longs commentaires : par quelle bizarrerie de comportement un texte aussi explosif a-t-il pu être préparé sans concertation avec les organisations syndicales ? Compte tenu des ambitions du texte, l’idée que le Conseil des Ministres ait pu être saisi du texte sans une consultation formelle et organisée des syndicats laisse perplexe sur la prise de responsabilité au sein de l’exécutif. Cette perplexité est d’autant plus forte que la remise du rapport Badinter avait donné lieu à une communication rassurante sur le fait que la loi ne changerait pas le droit existant.
La loi El-Khomri et un Président coupé des réalités
Dès son arrivée à l’Élysée, François Hollande a donné à ses soutiens historiques le sentiment de vouloir se protéger de la réalité en constituant une équipe de « technos », et notamment d’énarques, assez peu expérimentés mais sûrs d’eux-mêmes et dominateurs. C’est une tare du pouvoir en France, et singulièrement des gouvernements socialistes, de procéder ainsi, par la constitution d’une Cour aristocratique qui se glisse entre le souverain et son bon peuple.
Avant Hollande, Jospin était tombé pour la même raison, en obéissant au même vice, ne plus voir la réalité qu’à travers le prisme d’une noblesse de robe peu au fait de la réalité. Ce vice semble pourrir Hollande par la racine : en dehors des dîners improvisés chez des journalistes subventionnés, le président est coupé de son peuple et ne connaît plus grand chose de la vraie vie des Français.
L’apparente légèreté avec laquelle l’exercice El-Khomri a été abordé en constitue la conséquence vraisemblable.
La loi El-Khomri et un Premier ministre autoritaire
La faute de François Hollande a probablement consisté à déléguer à outrance la préparation et le pilotage de ce texte à Matignon. Manuel Valls a-t-il transformé Myriam El-Khomri en simple télégraphiste ? La ministre a-t-elle été dépouillée de toute marge de manœuvre dans la conduite d’une opération qui se transforme pour elle en chemin de croix politique ? Son conseiller politique démissionnaire sur ce dossier le soutient. La réalité est probablement plus nuancée, et une grande partie du texte semble avoir été rédigée aussi par la délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle.
Une chose est sûre, malgré tout : Manuel Valls n’est pas un familier des questions sociales. Son style bonapartiste, ses idées très jacobines-libérales, ne cadrent pas spontanément (c’est le moins qu’on puisse dire) avec les habitudes du paritarisme. En l’espèce, l’idée d’appliquer la loi Larcher, c’est-à-dire de demander aux partenaires sociaux une « délibération sociale » sur ce projet de loi, ne paraît pas l’avoir effleuré.
La loi El-Khomri et la grande peur présidentielle
Entre un Président trop loin de ses dossiers sensibles, et un Premier ministre trop éloigné des réalités sociales, le projet de loi El-Khomri facialement porté par une ministre ignorante des relations sociales était bien mal embouché. Assez rapidement, l’entourage CFDT de François Hollande, maladroitement tenu à l’écart de Matignon par un cabinet qui ne comprend rien à la réalité syndicale française, a actionné toutes les manettes nécessaires pour arrêter un train devenu fou. Il n’est toutefois pas sûr qu’il y parvienne.
Un des leviers majeurs sur les décisions de François Hollande tient à la Grande Peur quinquennale de la grève générale, du dérapage social incontrôlé, ce que la gauche mélenchonienne appelle le mouvement social. La perspective que, comme en 68 ou en 36, les Français « débraient » et se rebellent de façon spontanée contre l’ordre social fait partie des grandes angoisses qui hantent les nuits du gouvernement depuis de nombreuses années, et tout particulièrement celles de François Hollande.
On ne le dit pas assez, mais, de droite comme de gauche, le pouvoir exécutif est traversé par les mêmes angoisses shakespeariennes. Le spectre d’un peuple français entrant en rébellion a déterminé bien des revirements élyséens, que ce soit sous Sarkozy ou sous Hollande, et même probablement davantage sous Hollande. Alors que Sarkozy tenait assez virilement les syndicats en respect, Hollande a cru, parce qu’il est de gauche, être aimé d’eux sans contrepartie. L’histoire lui montre qu’un patron de gauche peut être bien plus haï et vilipendé qu’un patron de droite.
La loi El-Khomri face à un Hollande dépassé
Face à cette Grande Peur, Hollande devrait rapidement enterrer les aspects les plus saillants de ce texte touffu qu’il n’a probablement pas lu, et encore moins compris s’il l’a lu.
C’est en effet un secret de Polichinelle : Hollande n’a jamais mis les pieds dans une entreprise (sauf pour des visites de complaisance qui relèvent de la propagande et non de l’apprentissage), et il ne comprend goutte aux questions de droit du travail. En dehors du prêt-à-penser généraliste véhiculé par Terra Nova sur les bienfaits de la démocratie sociale, il n’a aucune idée qui tienne la route sur ces sujets.
Au vu de sa parfaite incompétence sur l’ensemble des domaines qui concernent l’économie et la croissance du pays qu’il préside, il devrait donc sagement enterrer le texte et laisser son successeur gérer les dégâts de ses palinodies. Il pourra se dire qu’il a sauvé l’essentiel : son pouvoir, le temps de finir son mandat, en écartant un « mouvement social ».
—
Hollande avait commencé son quinquennat dans la plus grande improvisation, comme s’il avait été surpris de sa victoire. Les années Ayrault auront été marqué par l’amateurisme stupéfiant.
Hollande termine son quinquennat en multipliant les lois liberticides, aussi incroyablement stupides et dangereuses qu’inutiles. Et cerise sur le gateau, cette demie loi sur le travail, qui ne va pas assez loin pour esperer créer de l’emploi, qui est bien trop déséquilibrée pour être acceptable.
5 ans d’improvisations maladroites, de gesticulations inutiles, d’amateurisme désespérant.
Ah bah ca… Francois Hollande n’a pas gagne l’election, c’est juste Sarkozy qui l’a perdue. Vote par depit.
Dixit un militant PS après la victoire de Hollande :
l’important c’était de virer Sarkozy. On va créer des postes de fonctionnaires, embaucher des contrats aides, et puis roule ma poule.
ils croyaient que tout était de la faute de Sarko, et que leur retour façon bisounours avec un peu de relance keynesienne allait tout remettre dans l’ordre. 10 ans d’opposition et incapables de se rendre compte que leurs vieilles recettes ne marchaient plus.
Elles n’ont jamais marché.
Les syndicats français représentent quelque chose comme 5% des français. En quel honneur faudrait-il se concerter avec eux pour quoi que cela soit ?
Qu’on se contente de fermer les robinets à pognon gratuit qui les abreuvent.
Et leur pouvoir de nuisance est proportionnel à l’absence de toute représentativité.
La loi ElKhomri améliorait un peu la situation en permettant à des syndicats minoritaires de proceder par référendum.
Mais pour renforcer la légitimité des représantants du personnel, il faut aussi autoriser les candidatures libres dèes le premier tour des élections IRP.
La représentativité se mesure par les résultats aux élections et non par le taux d’adhérents. Si on mesurait la responsabilité des partis politiques par le nombre de leurs adhérents, on aurait des suprises…
Voila un commentaire auquel je souscris des deux mains. Un correctif me semble t il 8% au lieu de 5% et abreuvé d’argent public au dela du raisonnable puisque le rapport qui en parlait a été interdit de publication
On trouve ledit rapport assez facilement en téléchargement sur Internet (archives du Point, qui l’a publié en 2012). Lecture austère mais intéressante… Et instructive !
Que va t’il rester de cette loi une fois « retravaillée » par la ministre du travail sous la pression des syndicats et amendée par les parlementaires ?
A noter que la plupart de ces personnes ne connaisse rien de l’ENTREPRISE
L’illusion d’avoir réformé
Certes. On peut se demander si ce n’est pas fait à dessein. La montagne libérale initiale de cette loi n’accouchera que d’une souris comme la loi Macron.
C’est du Hollande pur jus, ou l’art de la synthèse du petit secrétaire du parti socialiste
Hollande est probablement incompétent sur certains sujets, mais c’est tout de même un politicien expérimenté. S’il a laissé sortir ce projet de loi, c’est probablement en toute connaissance de cause. Dans quel but? Je me lance:
– La loi a été sortie pour montrer à la Commission européenne qu’il essaye de réformer. Elle provoque un tel pataquès qu’elle est retirée. Le gouvernement se retourne vers Bruxelles en disant « j’ai essayé, le peuple ne veut pas, je suis bien obligé de laisser filer les déficits ».
– La loi a été sortie pour détourner l’attention. Pendant qu’on parle de cette loi, on peut faire voter des lois ou passer des décrets liberticides discrètement.
– La loi a été sortie pour provoquer obliger les politiciens de gauche à prendre position. C’est un tour de chauffe pour compter ses amis avant la présidentielle.
Il y a certainement d’autres explications. J’en cherche désespérément une qui soit dans l’intérêt du pays, mais je n’en vois pas 🙁
L’intérêt du pays ? Depuis quand Hollande travaille-t-il pour l’intérêt du pays ?
Hollande est un politicien LOCAL expérimenté. Dans les faits, il n’a jamais eu de poste exécutif important. Toute sa vie, il a mené des négociations entre politiciens dans un environnement hors-sol, avec peu d’effet sur l’économie et la vie des français. Pas de conséquences, pas de responsabilité et quasiment pas de témoins. D’ailleurs, quand il était député, on peut regardé toutes ses saillies à l’assemblée. Il était toujours contre et dénonçait des mesures idiotes et ridicules systématiquement en se drapant dans de beaux habits de raisons. Par contre aucun projet de loi Hollande ou d’amendement mémorable ou de bataille politique dans toute sa carrière. Aucune grande cause associé à son nom. Un politicien passe-partout sans vrai valeur et sans saveur. Un vrai apparatchik en somme. Arrivé au pouvoir, il n’a mis en place que des mesures qu’il a dénoncé chez ses concurrents faute d’être capable d’imaginer autre chose. C’est aussi le premier à avoir annuler les mesures de son prédécesseur (sans vote), pourtant votés devant l’Assemblée constituante, ce qui crée un précédent très dangereux pour notre démocratie. A partir de maintenant, tout quinquennat avec changement de pouvoir commencera par une ou deux années d’annulation du quinquennat précédent. Cela augure d’une nouvelle forme d’immobilisme en mouvement avec des avant-arrière permanents.
Autre explication, les agences de notation :
http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2016/01/06/20002-20160106ARTFIG00306-la-france-reste-tres-surveillee-par-les-agences-de-notation.php
Les syndicats vivent grâce aux subventions, ils sont donc totalement coupés du monde de l’entreprise et irresponsables.
Les commentaires sont fermés.