Javier Milei face à une tâche herculéenne en Argentine

Avec l’ascension de Javier Milei à la présidence de l’Argentine, une ère de réformes libérales s’annonce. Toutefois, le chemin est parsemé de défis majeurs, allant de l’inflation galopante à une opposition politique redoutable.

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Source : Flickr.

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Javier Milei face à une tâche herculéenne en Argentine

Publié le 29 novembre 2023
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Le libertarien Javier Milei a été élu président de l’Argentine le 19 novembre, avec 55,7 % des voix. Mais les choses ne seront pas faciles pour Milei.

Le 24 novembre, quelques jours après l’élection, j’ai rencontré Nicolás Emma, responsable de la section de Buenos Aires du parti de Javier Milei, au siège du parti dans la capitale argentine. Plusieurs autres organisateurs du parti étaient également présents, notamment Gustavo Federico et Facundo Ozan Carranza. Au cours des conversations avec ces personnes et d’autres personnalités du parti de Milei, des représentants de groupes de réflexion et des journalistes argentins, il est apparu clairement que Milei était confronté à une tâche véritablement herculéenne.

 

Milei est en infériorité numérique au Sénat et à la Chambre des députés

Les défis sont nombreux et redoutables, le principal étant le taux d’inflation à trois chiffres du pays. Le parti de Milei ne compte que 35 députés sur les 257 que compte la Chambre des députés (Cámera de Diputadas).

Ses adversaires les plus acharnés, les péronistes de gauche et la gauche dans son ensemble, en détiennent 105.

Au Sénat (Senado), le parti de Milei ne compte que huit membres sur 72. Cela m’a d’abord surpris, mais c’est parce que seulement la moitié des sièges de la chambre basse étaient à pourvoir cette fois-ci. Il faudra attendre encore deux ans pour que les autres sièges soient disputés. Au Sénat, seul un tiers des membres ont été nouvellement élus. Milei peut émettre des décrets présidentiels pour imposer certains changements politiques, mais toute réforme fiscale devra être approuvée à la fois par la Chambre des députés et par le Sénat. Il peut également recourir aux référendums pour mobiliser l’opinion publique, mais ceux-ci ne peuvent être organisés que sur certaines questions, et ne sont pas contraignants.

 

Le problème des syndicats péronistes

Au cours de mes entretiens, les représentants du parti de Milei ont désigné à plusieurs reprises les syndicats argentins comme leurs principaux adversaires. Les syndicats sont extrêmement puissants en Argentine, très politisés et fermement tenus par les péronistes. Les partisans de Milei s’attendent à une opposition particulièrement forte en réponse à ses projets de privatisation du principal organisme public de radiodiffusion de son pays. Le plus grand défi auquel Margaret Thatcher a dû faire face au Royaume-Uni dans les années 1980 a été de surmonter l’opposition des syndicats de gauche, qui ont paralysé le pays par des grèves qui ont souvent duré des mois.

Les partisans de Milei disent qu’il y a des centaines de milliers d’employés dans la fonction publique qui ne font rien d’autre que de percevoir leur salaire et défendre les péronistes jour après jour. Dès que leur emploi sera menacé, il y aura nécessairement une résistance massive.

 

Les Argentins auront-ils la patience suffisante ?

Une question essentielle que je n’ai cessé de poser est de savoir si le peuple argentin aura suffisamment de patience pour les réformes de Milei, surtout si la situation se dégrade dans un premier temps.

L’expérience d’autres pays (par exemple, les réformes de Thatcher au Royaume-Uni dans les années 1980, les réformes de Leszek Balcerowicz en Pologne dans les années 1990) montre que les réformes de l’économie de marché entraînent toujours une détérioration de la situation dans un premier temps. Les subventions sont supprimées, le chômage caché devient un chômage ouvert. Ce n’est qu’après une première période de vaches maigres, qui peut durer deux ans dans le meilleur des cas, que les choses commencent à s’améliorer. La réponse de l’entourage de Milei : il a déjà souligné à plusieurs reprises qu’il faudrait au moins trois mandats pour mener à bien ses réformes, et redonner à l’Argentine le goût du succès.

La principale préoccupation des Argentins, comme le montrent tous les sondages, est la lutte contre l’inflation. Augustin Etchebarne, du groupe de réflexion Libertad y progreso, estime que la dollarisation de la monnaie promise par Milei n’aura pas lieu avant au moins les deux premières années, d’autant plus que les banques opposent une forte résistance et que le ministre de l’Économie et le directeur de la banque centrale seront probablement nommés par des partisans de Macri. Il ne reste plus qu’à réduire radicalement les subventions afin de stabiliser le budget.

Une autre question est de savoir dans quelle mesure les partisans de Maurico Macri, avec qui Milei a formé une alliance pour remporter le second tour de l’élection, se montreront loyaux à long terme. Et quelle est l’influence des nationalistes de droite dans les rangs du parti libertaire de Milei ?

En outre, Milei doit d’abord établir une véritable base politique à l’échelle nationale. Il existe actuellement plusieurs branches indépendantes du parti dans les différentes régions du pays. J’ai rencontré à Buenos Aires les personnes qui s’efforcent de créer les conditions juridiques nécessaires à leur fusion en un seul parti.

Le fait est que même si Milei réussit à mettre en œuvre ses réformes, bien qu’il n’ait pas de majorité à la Chambre des députés ou au Sénat (premier obstacle), tout dépendra de la patience dont fera preuve la population argentine pour supporter la période de vaches maigres nécessaire aux réformes de l’économie de marché (deuxième obstacle).

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  • Et que pouvons-nous faire pour aider l’Argentine à sortir de son marasme?

  • on ne peut sortit du collectivisme que par la ruine o par une voie douteuse..

    une fois le collectivisme établi tout le monde profite et tout le monde subit..sans savoir..
    malheureusement les gens votent car ils voient d’autres personnes comme des profiteurs..
    et eux des victimes..mais c’est souvent inexact..

  • ça c’est sûr que ça va pas être commode. D’ailleurs lorsqu’ils sont dans l’opposition, ces gens-là ont toujours des solutions simplistes (y’a qu’à faut qu’on), mais une fois les manettes en mains, alors là c’est pas pareil. Du reste, ça n’a pas trainé: 1 semaine après son élection, il a déjà renoncé à ses principales mesures-phare: Dollarisation, suppression des aides sociales. C’est un peu comme Meloni en Italie. Elle devait résoudre les problème d’immigration en 2 coups de cuillère à pot. On a vu. Ce sera pareil en Hollande avec Wilders. Et peut-être pareil en France en 2027. Quoique Marine Le Pen a déjà prudemment retiré la sortie de l’Europe et de l’Euro de son programme. Elle a raison: ça lui évitera d’avaler son chapeau en 1 semaine comme Milei. L’avaler en quelques années le rend plus digeste.

    -3
  • MILEI va :
    -légaliser le dollar,
    – sortir des BRICS ( ou y rester pour devenir un « cheval de troie » des US , le symétrique de la Turquie dans l’Otan ?).
    Les US reprennent les choses en main : l’adhésion aux BRICS d’un pays qu’ils considèrent dans leur zone d’influence leur est intolérable.

    • C’est donc l’avantage dont Milei peut se prévaloir : au contraire de l’UE avec les Italiens ou Hollandais, il a un puissant intéressé à ce qu’il réussisse. La légalisation du dollar (sans parler pour le moment de dollarisation) devrait lui donner un peu d’air. Ensuite, à lui de jouer, il ne va évidemment pas tout supprimer du jour au lendemain, mais s’il est un tant soit peu astucieux, il a un boulevard devant lui du fait que la seule comparaison est avec ses prédécesseurs et qu’il peut difficilement faire pire.

    • Le dollar est déjà largement utilisé dans l économie argentine comme dans tous les pays en faillite voir le Venezuela qui n a pourtant manifesté aucune volonté de se rapprocher des USA
      Le complotisme sévit toujours chez nos souverainistes nationalistes……

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