Une collectivité locale libérée pour accueillir l’innovation

Comment parvenir à une France libérée avec en son sein des collectivités et des individus aptes à innover avec responsabilité ?

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Mairie de Tarbes CC Flickr Frédérique PANASSAC

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Une collectivité locale libérée pour accueillir l’innovation

Publié le 24 octobre 2015
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Par Florent Belon

Mairie de Tarbes CC Flickr Frédérique PANASSAC
Mairie de Tarbes CC Flickr Frédérique PANASSAC

 

Dans le cadre d’une réflexion du Parti libéral démocrate du Puy-de-Dôme (63) portant sur les collectivités locales, nous avons décidé de mettre en perspectives celles-ci dans l’actuel environnement caractérisé par son imprévisibilité. L’administration de la société est une solution conçue pour permettre la prise de décisions collectives et la gestion de ces dernières sur certains sujets fondamentaux. C’est à l’administration de s’adapter à son environnement, et non l’inverse.

Nous ne nions pas l’Histoire et son héritage psychologique et identitaire ; bien au contraire des propositions dirigistes dont la récente « réforme des régions » en est une illustration. Néanmoins, la rationalité exige que l’institution remplisse sa fonction et ne soit pas une relique sacrée.

Cette réflexion a été menée avec Bernard Caillot, ami et contributeur de Contrepoints, aujourd’hui disparu.

Un environnement devenu le royaume du cygne noir

Les développements technologiques les plus récents, en termes de puissance de calcul (Loi de Moore – intelligence artificielle ou encore objets connectés) créent des potentialités de rupture technologique et organisationnelle permanentes qui deviennent souvent effectives. Ces ruptures sont quasi universelles et instantanées grâce à des communications extrêmement rapides permettant une diffusion immédiate. Le terme de globalisation est ici des plus adéquats.

Le « Cygne noir », cette expression passée dans le langage commun suite au best-seller de Nicholas Nassim Taleb, désigne l’imprévisible, le « Hasard sauvage », que l’on ne peut anticiper. Au mieux on peut reconnaître, si l’on analyse une situation en écartant tous les biais psychologiques qui nous masquent ce risque, la situation où il peut surgir. On peut également limiter les risques de son irruption en opérant une véritable diversification, en ne s’encombrant pas d’une lourde dette empêchant toute adaptation rapide à un changement violent (on aura une pensée pour les groupes endettés du secteur des matières premières qui vivent des mois difficiles… et pour les administrations publiques) et surtout en évitant les situations où un cygne noir négatif pourrait faire irruption.

Une adaptation des entreprises (ou survie de certaines)

Les conséquences de cet environnement devenu imprévisible sont immédiates sur le « substrat » de la société, les activités économiques et les entreprises. Le terme désignant cette situation où toute rente peut être remise en cause est celui d’« Uberisation ». Grâce aux moyens de communication, un acteur marginal et petit peut remettre en question tout un secteur économique fossilisé (taxi et autres professions règlementées à degré divers) ou non (même le secteur de l’e-commerce peut en quelques mois être chamboulé).

De nombreuses entreprises ont renoncé aux prévisionnels à 3 ou 5 ans, le long terme est pour elles devenu objectivement à 18 mois. Les sociétés ne conservent des business plans long terme que pour rassurer investisseurs et banquiers. Si, de fait, une biotech prévoit des recherches et une mise sur le marché à 5 ou 10 ans, la probabilité que la molécule soit efficace avec des effets secondaires limités et qu’une autre molécule ou traitement ne vienne pas la supplanter est particulièrement modéré, pour ne pas dire souvent faible.

Les entreprises sont donc obligées de viser une rentabilité à court terme en raison de cette obsolescence rapide de modèle économique ou de procédé technique. Cet état est loin d’être négatif contrairement à l’idée trop souvent répandue. La rentabilité à long terme, hors le fruit du hasard, ne peut être qu’une rente souvent assise sur un monopole garanti par l’État contre le consommateur (concessions, immobilier et restriction du terrain disponible de par des règles d’urbanisme créant la pénurie, professions réglementées, électricité d’origine renouvelable à tarif d’achat garanti…). Mais les situations de rentes voient leur domaine se restreindre notamment dans les services. Une rentabilité forte à court terme signifie un coût limité (or les capitaux, les ressources humaines et, nous dirons les écologistes, les matières premières sont limitées et il convient de les utiliser le plus efficacement possible) et une satisfaction du consommateur proportionnellement élevée ; le chiffre d’affaires sur un marché libre représente un montant inférieur ou au plus égal à la satisfaction apportée.

Pour ceux qui ne bénéficient pas du parapluie étatique, une seule solution, devenir « anti-fragile » (titre d’un ouvrage de Nicolas Nassim Taleb). Les réponses organisationnelles sont appelées « entreprise libérée » (Gore par exemple), essaimage et partenariats avec des startups, dans la pharmacie notamment, fonds de capital risques ou investissement des grandes entreprises… Il s’agit de multiplier les initiatives pour un coût limité afin de collecter de l’information, poste avancée de surveillance du Cygne noir, et devant l’imprévisibilité, élargir le champ des opportunités à un Cygne noir favorable à certaines d’entre elles. Ces initiatives peuvent être réalisées en interne (entreprises libérées) ou en externe (essaimage, partenariats, capital-risque). La supériorité de l’entreprise libérée, l’interne sur l’externe, est une meilleure irrigation de l’initiative réussie dans le reste de l’entreprise, la limite étant le risque d’une moins grande ouverture d’esprit due à une homogénéisation des membres. L’un n’exclut donc pas l’autre.

Et l’organisation administrative et politique ?

Cette imprévisibilité rend caduque tout planisme. Hayek et l’école autrichienne ont très tôt exprimé et démontré l’échec du planisme, notamment dans La Route de la servitude, sans compter ses incidences politiques totalitaires. Le planisme et le dirigisme sont d’autant plus condamnés aujourd’hui du fait d’une imprévisibilité exponentielle faisant mauvais ménage avec l’irresponsabilité de politiques investissant quelques milliards dans des marottes. Les investissements d’avenir de Nicolas Sarkozy ou la Nouvelle France industrielle d‘Arnaud Montebourg compris.

L’organisation politique doit alors offrir un environnement, fiscal mais surtout juridique, favorable aux individus et entreprises, mais ne doit pas jouer au casino de l’innovation (BPI et autre mysticisme de l’investissement public).

— Quel niveau de définition des règles ?

Nous ne croyons pas à un niveau ou seuil critique objectif ou optimal (article précédent). Néanmoins, on constate qu’au-delà d’un certain seuil, le but est de consolider des positions acquises par la force, ou du moins la dissuasion du too big to fail. On citera les discours vantant l’UE pour être fort face à d’autres blocs, le Graal d’une Europe aux services de socialistes désarmés à la tête d’un État français encore assez fort pour oppresser quelques indépendants et PME mais incapable d’imposer une réalité bisounours où les prélèvements obligatoires et les règlements kafkaïens créeraient l’abondance et inverseraient cette foutue courbe du chômage (dont un escronomiste subventionné avait assuré le Président que le cycle blablabla allait permettre de façon certaine que bidule truc allait repartir entraînant mécaniquement…) (article précédent). Des cartels se mettent en place via l’OCDE en vue de protéger les États-providence menacés d’extinction pour inadaptation à leur milieu comme les dinosaures avant eux ; on citera les accords fiscaux d’échange automatique des données suite à FATCA.

Par opposition, les niveaux locaux peuvent remplir de nombreux critères qui ont fait leurs preuves en entreprises. Loin de moi l’idée que le personnel politique ou administratif soit par essence plus compétent, visionnaire ou efficace que celui des échelons supérieurs. Mais par définition, les niveaux inférieurs offrent la multitude, un corps électoral et fiscal réduit, une capacité d’oppression plus limitée et une concurrence entre eux plus élevée (vive la concurrence fiscale), ce qui permet un foisonnement d’initiatives dont les meilleures se répandront, les mauvaises coûteront moins cher par leur ampleur et leur durée, et les responsabilités se dilueront moins.

Ceci est à rebours des actuelles collectivités locales françaises et de leur histoire. Elles ne sont que des subdivisions administratives de l’État, financées par l’État, sans démocratie locale. Elles doivent devenir des « collectivités libérées ».

Le modèle est alors plus à chercher du côté d’État fédéraux ; on pense à la Suisse avec ses cantons et regroupements de cantons, aux États-Unis avec certains États comme celui du Nevada, très libre et choisi par Tesla, ou au Royaume-Uni (« Big society » de Cameron)

Faire des Collectivités locales des moteurs pour l’adaptation

Voici quelques éléments fondamentaux, qui peuvent être complétés ou qui se recoupent avec d’autres propositions.

— Taille et limite d’une collectivité locale

Nous rappelons qu’il n’existe pas de taille ou limites « administratives » optimales prédéfinies.
La taille et la délimitation d’une collectivité doivent répondre aux critères suivants :

  • un certain sentiment d’appartenance doit exister,
  • la collectivité doit répondre à l’équation budgétaire décrite ci-après,
  • la collectivité doit être d’une taille assurant la concurrence fiscale des collectivités locales.

Financement

Les recettes du budget d’une collectivité doivent uniquement provenir des recettes du territoire, c’est-à-dire des prélèvements fiscaux sur ses résidents et entreprises. Cette situation est la seule qui permette une responsabilisation des politiques et des électeurs, à condition que l’ensemble des électeurs s’acquitte de l’impôt. En effet, un lien direct entre dépenses/investissement et fiscalité/dette locale est constitué. Vincent Bénard avait proposé de financer les collectivités via l’impôt sur le revenu, dont l’assiette resterait fixée par l’État, afin de permettre une comparaison simple entre collectivités, avec une liberté des collectivités sur les taux, et des recettes dont elles seraient bénéficiaires exclusives. De quoi aiguiser la concurrence fiscale. La flat tax serait bien entendu la solution respectant le plus les principes d’équité, mais ceci est un autre sujet…

La course aux subventions, dont les effets pervers sont absolument énormes tant en termes de déresponsabilisation, de dépendance que de surcoûts induits, directs ou indirects, serait alors abolie. Pour une illustration dantesque et pourtant si commune.

— Dépenses / Compétences

Les compétences des collectivités seraient bornées par leur financement limité en raison de la responsabilisation du contribuable électeur. Les priorités naturelles émergeraient.

Les subventions diverses se verraient très resserrées du fait des recettes limitées et de la relation entre les impôts et la subvention.

Les financements d’infrastructures seraient portés par une ou plusieurs collectivités selon les projets et leur rayonnement, via des associations, sous forme de sociétés, syndicats… Un principe de subsidiarité doit prévaloir afin de limiter l’attraction du « niveau supérieur ».

— Fonctionnement

Développement des initiatives organisationnelles et démocratiques grâce aux technologies de communication. On citera des référendums en ligne, et le management des collectivités.

Une solution toute prête ?

Nous n’avons aucune martingale à proposer, ni à des collectivités ni à des entreprises ou individus. Seulement quelques recettes pour devenir anti fragile, un environnement favorisant l’adaptation aux changements, limitant les coûts des échecs. Voilà l’humilité du libéral face à l’arrogance du planiste ; ou du costume vide pour reprendre une autre expression chère à Nassim Nicholas Taleb.

L’histoire de notre pays pourrait convaincre du réalisme de l’appel à un « État jacobin libéral » comme solution implantable dans le terreau français comme le propose Gaspard Koenig dans son dernier livre Le révolutionnaire, l’expert et le geek. Pourquoi pas ? Mais l’État plutôt libéral du XIXème n’a pas prouvé sa capacité à ne pas tomber entre les mains dirigistes, et un tel pouvoir ne peut qu’effrayer un libéral qui voit dans la multitude l’équilibre et les contre-pouvoirs, et dans l’unicité un outil à portée de l’autoritaire. En outre, mettre ses œufs dans le même panier nous met en risque d’avoir un droit, un environnement erroné et de ne pas réagir aussi vite qu’une collectivité ayant en son sein de multiples collectivités aux initiatives diverses.

Notre souhait et notre réflexion appellent à une France libérée avec en son sein des collectivités et des individus aptes à innover avec responsabilité.

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  • « La rentabilité à long terme, hors le fruit du hasard, ne peut être qu’une rente souvent assise sur un monopole garanti par l’État contre le consommateur »

    Je ne comprends pas bien ce point de vue, nombres d’entreprises mondiales n’existeraient pas sans une vision à long terme et quelques entreprises ont coulées par manque de vision à long terme (cf. Kodak).

    Dans un contexte comme la France la rentabilité à long terme est certainement inenvisageable mais ça reste un contexte local qui ne peut être érigé en principe. Aucune vision à long terme entraîne aucun investissement (i.e. Lorsque Toyota lance son modèle hybride en 97 il était conscient que les retours sur investissement viendrait plusieurs années après son lancement, aujourd’hui, 18 ans plus tard, c’est rentable et tout le monde s’y met).

    • Investir en 97 pour obtenir un peu de rentabilité en 2015, est ce rentable?

      On peut avoir une vision long terme tout en exigeant un point mort à quelques années. Partir sur un point mort à + de 5/10 ans c est un risque important de ne jamais atteindre le point mort!

  • Comment responsabiliser les élus locaux quand, bon an mal an la DGF représente plus de 90 % du budget de fonctionnement des communes ? Qu’il pleuve, qu’il neige, qu’il vente, une certitude est acquise la manne céleste arrivera. A quoi bon compter ? A quoi bon réfléchir à des investissements qui aient du sens ? Non, avant toute chose, il faut arroser son électorat par des inepties dont nous sommes témoins quotidiennement. L’intérêt général ? C’est quoi, çà ?

    Qui plus est on peut observer que, même cas de changement de majorité, du rose on passe au bleu ou vice versa, les problèmes demeurent. Pourquoi ? Tout simplement, pour l’avoir observé depuis des décennies dans des communes différentes, l’indigence des élus en terme de gestion est assez hallucinante. Beaucoup, maire compris, n’ont notion pour gérer correctement. Ils sont là pour faire de « la basse politique ».

    Et je suis parfaitement d’accord pour dire que la liberté les recettes fiscales seraient de nature à dynamiser les communes à bien des égards. Déjà, pas mal d’élus se feraient éjecter rapidement pour défaut de bon sens dans la levée de l’impôt, ne resteraient que ceux dotés des capacités pour faire.
    De plus le gaspillage régresserait certainement.

    Il est urgent de libéraliser la gestion de nos collectivités locales afin d’en confier les destinées à des gens compétents. La liberté est le 1er facteur de sélection par l’élimination des brebis galeuses.

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