Par Jacques Garello.
L’effondrement de l’euro est présenté comme une « dévaluation compétitive » : avec une monnaie faible, les exportations de produits fabriqués en Euroland vont bénéficier d’un substantiel avantage comparatif : les étrangers à la zone euro pourront se procurer à vil prix une monnaie qui leur permettra de régler leurs achats, ils vont donc importer davantage nos produits, ils viendront en masse faire du tourisme, ils pourront investir dans nos entreprises.
Bref, Mario Draghi a donné une impulsion salutaire à l’économie de l’Euroland. Il a mis un tigre dans le moteur. Mais – simple détail – le moteur est hors service !
Un tigre de papier ?
La classe politique et la presse ne cessent de vanter les mérites de l’euro faible, comme naguère elles se lamentaient sur l’euro fort. Il y a quelques jours, Le Figaro Économie titrait « l’euro baisse, le moral des industriels français monte », et de donner plusieurs exemples d’entreprises stimulées par le coup de fouet monétaire : Rossignol, Airbus, Hennessy, Martell et Rémy-Martin. L’hôtellerie et la restauration ne manqueraient pas également d’attirer le chaland. Il y a, il est vrai, un effet mécanique et immédiat de toute dévaluation, mais il est moindre que ce que l’on peut imaginer et insuffisant sans doute pour créer des emplois en masse. Il est moindre, puisque 60 % de nos exportations et de notre tourisme se font avec des clients de l’euroland. Il est moindre parce qu’il est compensé par le renchérissement des importations nécessaires à produire, qu’il s’agisse de matières premières (pétrole exclu) ou d’équipements industriels, ou de services. On perdrait ainsi la moitié au moins de la rente monétaire. Enfin, il est bien connu que les Allemands, deuxièmes exportateurs du monde derrière les Chinois, n’ont jamais souffert de l’euro fort, même pour leur commerce hors zone euro, avec une augmentation l’an dernier de quelque 6 % vers le reste du monde.
L’effet de la dévaluation est en tout cas insuffisant pour une réduction massive du chômage, car les entreprises qui en bénéficient sont en général (comme Rossignol) en situation de sous-emploi, de sorte que les nouvelles commandes permettent de hausser le nombre d’heures travaillées, mais pas d’embaucher une nouvelle main d’œuvre. Pour créer des emplois, il faut avoir confiance dans un avenir éloigné puisqu’en France, en particulier, le risque et le coût du licenciement sont énormes. Pour créer des emplois, il faut également trouver des candidats qualifiés et fiables. Les professionnels de l’hôtellerie et de la restauration ont beaucoup de mal à trouver un personnel stable et productif, le personnel d’appoint saisonnier est difficile à gérer.
Le moteur est hors service
La dévaluation est une réaction que l’on croit salutaire face à un manque de compétitivité. A son tour ce manque peut avoir une origine monétaire (une monnaie « surévaluée ») ou une origine structurelle. Ce n’est pas par hasard que les entreprises françaises ont du mal à conquérir les marchés à partir de productions « made in France ». Pourquoi s’installent-elles hors France –ne serait-ce qu’en Allemagne, mais surtout dans des pays européens extérieurs à l’Euroland, comme la Russie (avant les sanctions imposées à Poutine), certains pays d’Europe centrale et de l’Est (République Tchèque, Pologne). C’est que le made in France est trop cher ou pas rentable : trop d’impôts, trop de charges sociales, trop de charges administratives, trop de pressions syndicales.
C’est, directement ou indirect, le coût de l’État qui est trop élevé. En d’autres termes, la dévaluation n’a aucun effet durable si elle ne s’accompagne pas des indispensables réformes structurelles. Une preuve indirecte en a été donnée par la dévaluation de la Livre Sterling. La Banque d’Angleterre, sous la pression du nouveau gouvernement conservateur de David Cameron, a dévalué sa monnaie de quelque 25 % en 2010. Mais en même temps, le budget a été ramené à l’équilibre ; le contribuable a versé une TVA au taux relevé de 2,5 points, les salaires ont baissé de 5%, les projets d’investissements publics des travaillistes ont été abandonnés, les retraites ont été privatisées, le nombre de fonctionnaires a diminué de 500 000, mais en deux ans un million d’emplois a été créé. « L’austérité », si décriée aujourd’hui, a payé : plus de 3,5 % de croissance et un chômage autour de 5 %. La dévaluation en France n’est pas et ne sera pas compétitive tant que les vraies réformes n’auront pas été mises en œuvre. Chez nous, c’est le moteur de la croissance qui est hors service et le tigre monétaire n’y pourra rien.
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Les dévaluations autoritaires ne servent à rien, c’est au mieux inutile, au pire destructeurs.
ne vous inquiétez pas, quand cette « solution » aura montré son inefficacité nos politicarques trouveront d’autres explications tout aussi fumeuses (et tout aussi exogènes, il ne faudrait pas qu’on puisse leur faire le moindre reproche) pour expliquer l’état du pays… ça pourra être des températures trop basses pour la saison, un peu trop de vent, une mer pas aussi salée que prévu, des patrons qui ne jouent pas le jeu (lequel…?), etc.
En tout cas, rien à voir avec la politique menée qui est nécessairement la bonne.
lire sur le blog de Ph herlin l’étude d’Artus qui montre que les banques centrales ses ont mises dans une situation sans issue autre qu’un krach
On néglige trop l’effet bénéfique de la baisse de l’euro sur les exportations intercommunautaires et la réduction des importations fabriquées hors Euroland . En excluant l’énergie, une grosse partie de ces exportations comporte des produits d’importations venant de fournisseurs et sous traitants extra communautaires, qu’il s’agisse de matières premières ou d’équipements industriels, la baisse de l’euro augmente leur prix en proportion de la part extra communautaire et favorise le remplacement des fournisseurs et sous traitants extra communautaires par d’autres appartenant à l’euroland avec une augmentation de l’emploi et des possibilités d’investir dans celui-ci.
L’effet bénéfique de la baisse de l’euro ne concerne donc pas seulement ce qui est fabriqué en Euroland pour les étrangers à la zone euro, mais concerne en plus la réduction dans l’euroland des importations fabriquées hors zone euro grâce à l’augmentation du prix de ces importations.
L’effet de la dévaluation permet une réduction massive du chômage, mais il est insuffisant à compenser la dégradation créée par les mauvaises dépenses et la bureaucratie publiques, les lois antiéconomiques (complexification, travail le dimanche en grande et moyenne distribution,..),….
Wishful thinking…
Comme vous le dites ça ne rend pas notre production locale moins chère. Ça rend les importations plus chères.
La réflexion mercantile qui se cache derrière votre argument oublie le principe le plus fondamental de l’économie: La RARETÉ DES RESSOURCES. Les importations pas chères ne sont pas un problème, ce sont des ressources. Le pognon qu’on passera à acheter la production locale plus chère, on ne le passera pas à investir, ni à innover. On se contentera d’engraisser des industries vieillissantes appartenant à des actionnaires rentier qui comme je le disais, vont se contenter de payer au lance pierre des employés en très mauvaise position pour négocier des emplois peu qualifiés dans un contexte de chômage.
Le mythe de la dévaluation compétitive pour améliorer la balance commerciale et soutenir l’industrie locale est un sophisme digne de Keynes qui ne prend une apparence de vérité qu’en oubliant les fondamentaux de la SCIENCE économique (par opposition au blabla économique): La rareté des ressources.
Si la dévaluation était si bonne pour l’économie le Zimbabwe devrait avoir une croissance stratosphérique et la Suisse devrait être un pays en voie de développement. La dévaluation est aussi bonne pour l’économie d’un pays qu’un rail de cocaine est bon pour la santé: Pour gagner une guerre, on peut en discuter, mais pour le reste c’est vraiment de la bêtise pure. La France n’est pas en guerre, l’Europe non plus. L’utilité de la cocaine monétaire n’est même pas discutable. C’est une ânerie monumentale.
+1
La dévaluation compétitive est non pas un avantage donné aux fabricants locaux, mais un désavantage donné aux étrangers. Ca ne rend pas la production locale moins chère, ça rend la production étrangère plus chère. Au final ceux qui payent la différence ce sont les consommateurs (les eternels cocus) et ceux qui profitent sont les détenteurs d’actifs de production (déjà riches). Les éventuels enplois crées ou sauvés sont des emplois mal payés parce que négociés dans un contexte de chômage élevé où le travailleur est juste content de ne pas devoir se contenter du RSA.
La dévaluation compétitive sert aux déjà riches de vivre aux dépens des pauvres par le truchement de l’Etat. Quand on sait ça, voir des socialos (J’aurai bien ajouté quelques adjectifs péjoratifs à ce terme mais je ne veux pas exciter les modérateurs) et autres cocos défendre cette politique, ça me donne l’impression de voir des crocodiles se présenter dans des maroquineries (Citation de Coluche).
Jacques Garello,
Profitez bien de vos derniers moments de liberté, avant que la nouvelle loi sur la « répression de l’apologie de l’incivisme économique » ne passe, ce qui n’est qu’une question de temps.
Vos commentaires négatifs sur notre belle république sont un scandale public, et vous rendent co-responsable des méfaits que ce qui y reste encore de turbo-libéralisme y cause chaque jour.
Etat-parent N°1 mérite notre respect et notre gratitude pour tout ce qu’il nous apporte; sans lui nous ne serions rien. Merci de bien vouloir vous le rappeler à l’occasion.
Le vrai civisme, ce n’est pas d’appeler à la prise de conscience sur des maux imaginaires. C’est au contraire de se concentrer sur ce qui est vraiment important : le soutien à l’action de notre gouvernement, la solidarité nationale, la consommation citoyenne, et l’ouverture aux autres.
Vive la République et vive la France