L’État et la rente perdue des autoroutes : un cas d’école

L’Autorité de la concurrence recommande de renégocier le plan de relance autoroutier.

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L’État et la rente perdue des autoroutes : un cas d’école

Publié le 27 octobre 2014
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L’Autorité de la concurrence recommande de renégocier le plan de relance autoroutier, estimant que les sociétés françaises concessionnaires affichent une rentabilité exceptionnelle assimilable à une rente qui doit être davantage régulée en faveur de l’État et des usagers.

Par Michel Albouy.

autoroute CC Flickr Jacques Meynier de Malviala
Autoroute A7 – Credit : Jacques Meynier de Malviala – Flickr (CC BY-NC-ND 2.0)

 

Il était une fois un beau royaume qui avait construit un magnifique réseau autoroutier pour le bien-être de ses citoyens, augmenté la sécurité routière et contribué à la croissance économique du pays. Bien sûr, cela n’avait pas été sans peine et sans demander des efforts financiers significatifs à ses citoyens-contribuables. Mais ces derniers étaient fiers de leurs autoroutes, même s’il fallait payer un péage en sus des impôts divers et variés qu’ils devaient acquitter, notamment sur le carburant qui était le plus cher d’Europe.

Mais un jour, le Grand Vizir du Royaume fit remarquer à son Roi que l’État était désormais trop endetté et qu’il fallait vendre quelques bijoux de famille. Après un rapide inventaire des actifs qui pouvaient être cédés, le choix se porta sur le réseau d’autoroutes à travers un système de concessions limitées dans le temps. Restait à déterminer le prix de vente de ce réseau qui assurait bon an mal an des revenus substantiels au Royaume. Nombreux furent les experts à se pencher sur la question. Les évaluations allaient de 12 milliards d’écus à 22, voire 40 milliards. C’est dire si la fourchette était large.

Au-delà de l’estimation assez classique des flux de trésorerie générés par l’exploitation des autoroutes se posait la question du taux d’actualisation à retenir pour calculer la valeur actuelle de ces flux. Le rapporteur de la Commission des finances de l’Assemblée du Royaume estimait que le taux à retenir était celui recommandé par le Commissariat Général du Plan, soit 4%, un taux proche du taux sans risque de l’époque.

Le rapporteur pour les transports estimait que le taux devait prendre en compte une prime de risque comme le faisaient les investisseurs privés et préconisait un taux de 8%. Le seul opposant à ces cessions, le Connétable du Béarn estimait quant à lui que le Royaume allait se priver de 40 milliards d’écus de dividendes d’ici à 2032, échéance des concessions. Finalement, le prix fixé pour la vente s’établit à 15 milliards d’écus.

Plusieurs années après, alors que la dette avait continué à augmenter malgré les cessions d’actifs jusqu’à atteindre pratiquement 100% du PIB du Royaume, le Grand Vizir (qui avait changé entre-temps) s’enquit des profits « exorbitants » des sociétés d’autoroutes et ce d’autant plus qu’il venait d’abandonner une taxe écologique suite à des manifestations de manants qui se faisaient appeler les « bonnets rouges ».

Il était temps de faire payer ces sociétés privées qui versaient de trop généreux dividendes à leurs actionnaires et les faire enfin contribuer au redressement des finances de l’État. En effet, selon la ministre en charge du dossier, « lorsqu’une société d’autoroute fait payer 100 écus aux automobilistes, il y a 20 écus de trop qui sont empochés ».

Dans un bel élan de démagogie, elle proposa même de rendre gratuites les autoroutes le week-end ! Les experts des transports firent remarquer que cela était une étrange façon d’optimiser l’exploitation du réseau, car en rendant gratuites les autoroutes le dimanche on contribuait à augmenter la saturation du réseau. L’idée fut rapidement abandonnée, mais pas celle d’une nouvelle taxe et/ou contribution spéciale sur les sociétés bénéficiaires de la rente autoroutière.

Mais cette solution se heurtait aux contrats en béton que les sociétés d’autoroutes avaient signés avec l’État. Une clause prévoyait même que si de nouvelles charges étaient imputées à ces sociétés elles pouvaient les répercuter dans les tarifs des péages ou obtenir un allongement de la durée de la concession.

En d’autres termes, l’État ne ferait que prendre dans la poche de ses usagers-contribuables ce qu’il demanderait aux sociétés privées. Bref, la situation semblait bel et bien perdue pour le Grand Vizir qui se demandait comment on avait pu en arriver là. L’État était donc un aussi mauvais gestionnaire que cela ? Pour répondre à ses interrogations, il demanda l’avis d’un expert. Celui-ci lui dit à peu près ce qui suit. La principale erreur, cher Grand Vizir, fut de vendre un patrimoine qui avait une bonne rentabilité pour désendetter l’État. En effet, pourquoi céder des actifs qui génèrent des flux de trésorerie supérieurs au coût de la dette ?

Certes, en remboursant une (petite) partie de la dette on améliore le fameux ratio Dette/PIB, et on fait ainsi plaisir aux agences de rating et aux fonctionnaires de Bruxelles, mais on ne fait pas pour autant une bonne gestion financière du Royaume. À quoi bon rembourser une dette dont le coût actuariel est inférieur à la rentabilité des actifs cédés ? En prenant une telle décision, on détruit de la valeur. Quitte à vendre des actifs, encore fallait-il choisir des actifs qui ne généraient pas de rentabilité.

La deuxième erreur fut de prendre pour l’évaluation un taux d’actualisation qui était proche (voire supérieur) de celui des investisseurs privés. En faisant de la sorte, on satisfaisait les contraintes des sociétés privées, mais on tournait le dos à la spécificité de l’État comme acteur économique. En effet, celui-ci n’a pas de fonds propres à rémunérer et le coût de son capital est en fait celui de sa dette (coût qui de plus a beaucoup baissé ces dernières années). Naturellement, avec un tel coût du capital, la valorisation des concessions d’autoroutes aurait été nettement plus élevée. Peut-être même que les sociétés privées n’auraient pas marché.

Et alors ? Cela aurait été préférable pour les finances de l’État qui se trouve maintenant privé de la rente des autoroutes qu’il dénonce aujourd’hui. La dernière erreur, dit l’expert, est de vouloir récupérer aujourd’hui sur le dos des actionnaires de ces sociétés (dont certains sont des salariés) une partie de la rente à travers de nouvelles taxes et/ou les obliger à la gratuité des péages le dimanche.

Ce faisant, l’État envoie un très mauvais signal sur le respect de sa signature et donne l’impression de faire n’importe quoi en matière économique et de transport. À l’instar de l’Autorité de la concurrence, l’expert qui tenait quand même à sa situation recommanda néanmoins de renégocier le nouveau plan de relance autoroutier si celui-ci devait voir le jour.

Il posa cependant plusieurs questions : ces investissements sont-ils vraiment utiles pour le Royaume ? N’avons-nous pas de meilleures opportunités d’investissement que de couler un peu plus de béton dans un réseau qui est parmi le plus moderne d’Europe ? Oui, mais grâce à ces investissements, nous allons créer de nombreux emplois sur le territoire lui rétorqua le Grand Vizir et nous arriverons ainsi à inverser la courbe du chômage chère à notre Roi !

Mais n’y a-t-il rien de mieux à faire lui redemanda l’expert en lui citant des exemples d’investissement d’avenir dans les nouvelles technologies et les pratiques des autres grands pays. Le Grand Vizir commençait à douter de son argumentation. Au fond de lui, il se demandait si l’État était condamné éternellement à une mauvaise gestion. Il se dit aussi que dans peu de temps, deux années au maximum, il ne serait plus là pour constater les effets de sa gestion et que d’autres reprendraient la patate chaude.


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  • Les autoroutes seraient elles une telle sources de profits si elles étaient restées publiques?

    Les concessionnaires ont fait des efforts de productivité important et aujourd’hui nous payons ( relativement cher c’est vrai) un réseau d’excellente qualité toujours disponible.

    A l’instar de la SNCF (dont les tarifs ont augmenté plus vite que les péages) il est à craindre que restées publiques nos autoroutes seraient aujourd’hui plus chères et en moions bon état avec en plus des toilettes inutilisables (sur les grands trajets je prends parfois les autoroutes rien que pour les commodités).

    De plus nos concessionnaires avec leur savoir faire s’internationnalisent et participent largement à l’économie.

    Alors , la rente décriée par nos politiques, même si les concessions ont profité d’une situation avantageuse , je crois qu’avant tout elles doivent leurs profits à leur bonne gestion.

  • Il faut être sérieux.

    Soit les politiques qui ont décidé la vente sont des abrutis finis, incapable de réfléchir, incapable de s’opposer à une stupidité émises par un de ses collègues, incapable de défendre les intérêts évident du pays. Incapables de voir ce aue moi simple citoyen avait trouvé assez hallucinant à l’époque. ( et bien incapable den percevoir l’extrême faiblesse du prix fixé)
    Soit ils avaient une bonne raison de faire un incroyable cadeau à ces entreprises privées. Et comme cette raison ne pouvaient de toute évidence êtres l’état et notre pays, et comme seul bayrou s’y est opposé. J’ai de sombres idées qui me monte à l’esprit.

    • Si c’était un incroyable cadeau, la nationalisation s’impose. On se retrouvera bien vite à constater qu’on perdra les conséquentes recettes fiscales qu’on prélève sur les chiffres d’affaires et profits des sociétés d’autoroutes, et que les frais de fonctionnement peuvent doubler, soutenus par des syndicats qui vont exiger des statuts mirifiques pour ceux qui ont le pouvoir de bloquer les barrières de péage.
      On ne peut calculer la rentabilité d’une société d’état et celle d’une société privée de la même manière. L’argument « Bayrou » est surréaliste, il conduirait l’état à s’endetter pour acheter toute société dont la rentabilité est supérieure aux 1.2% auxquels le pays emprunte, simplement parce qu’il ignore que l’état est incapable de maintenir une société dans le vert une fois nationalisée.
      Une petite actualité significative pour la gestion publique : le Venezuela vient d’accueillir son premier chargement de brut importé. L’argument officiel est qu’il faut du léger pour diluer sa production trop lourde, et qu’une portion du chargement servira à ça. Et le reste ? Et les 4 autres tankers déjà commandés ? Nationalisons les autoroutes, et il faudra bientôt lever un nouvel impôt pour en couvrir le déficit.

  • Je n’ai pas d’avis sur le fond du dossier, mais j’aimerais bien que l’Autorité de la concurrence, si elle entend continuer à employer l’expression « rente », explique en quoi cette notion se distingue de celle de « profit ».

    Pour mémoire, l’Autorité écrivait dans son avis que « La rentabilité exceptionnelle des SCA, largement déconnectée de leurs coûts et disproportionnée par rapport au risque de leur activité, est assimilable à une rente« .

    Est-ce que tout profit exceptionnel tombe dans la catégorie des rentes ? Ce serait fort inopportun.

    Est-ce que seuls les revenus octroyés directement ou indirectement par l’Etat sont assimilables des rentes ? Cela me conviendrait, mais l’Autorité semble faire un usage plus large de cette notion. Et à quand la dénonciation de la rente des fonctionnaires ?

    • Peut-être par le fait qu’il y ait assez peu d’autoroutes parallèles concurrentes.

    • Le mot « rente » fait allusion aux profits tirés de la collusion entre les dirigeants de l’Etat et ceux des sociétés d’autoroute issus de la même caste.

      Il s’agit d’une rente tirée du réseau relationnel à distinguer du profit tiré de l’exploitation du réseau d’autoroute

      • Cette acception serait parfaitement acceptable – et correspondrait d’ailleurs à peu près à celle utilisée par les théoriciens du « choix public »-, mais il est manifeste que ce n’est pas celle employée par l’Autorité de la concurrence (car ce sont les propos de l’Autorité que je cite) : «  La rentabilité exceptionnelle des SCA, largement déconnectée de leurs coûts et disproportionnée par rapport au risque de leur activité, est assimilable à une rente « . L’Autorité semble bien faire un lien entre la notion de « rente » et le niveau des profits.

        • Selon la thèse néoclassique, le prix doit être égal au coût marginal de production dans un marché en concurrence pure et parfaite. Si une entreprise facture un prix supérieur à ce coût, c’est qu’elle est en situation de monopole et tire de la différence entre le prix et les coûts une rente qui n’existerait pas sur un marché en concurrence pure et parfaite. C’est là qu’on voit que l’autorité de la concurrence n’est qu’un énième contrôle des prix et de la production car les marchés ne sont jamais en concurrence pure et parfaite.

          • Les autorités de concurrence ont à peu près officiellement renoncé au « modèle » de la concurrence pure et parfaite. Elles ne considèrent donc pas comme illégitime tout prix supérieur aux coûts marginaux.

            La difficulté tient à ce que, après avoir abandonné le modèle de la CPP, les autorités de contrôle ont omis d’indiquer quel était le nouveau modèle.

            Elles se réfèrent souvent à la concurrence dite « praticable » ou « efficace », mais il est à peu près admis que ces expressions ne renvoient à aucune notion définie.

    • Une rente découle directement de la nature de l’actif concerné sans travail particulier ; l’ exemple typique est la rente pétrolière. Le prix du pétrole n’a ipen a voir en Arabie Saoudite avec les coûts d’investissement et d’exploitation des puits….
      Dans le cas des autoroutes les concessionnaires bénéficient d’un trafic peu fluctuant avec des tarifs préservés de l’inflation et un risque de concurrence quasi nul. Dans la mesure où les investissements étaient amortis, ils ont essentiellement acheté des promesses de recettes

      • « Une rente découle directement de la nature de l’actif concerné sans travail particulier.

        Libre à vous de rejoindre Ricardo et de définir la rente de cette façon, mais ce n’est pas cette acception que l’Autorité de la concurrence retient.

        De plus, si cette définition peut servir à des fins de classification, elle ne peut en revanche fournir des orientations sur le plan normatif, sauf à vouloir réglementer tous les revenus qui ne résultent pas du « travail » (i.e., l’intérêt du capital et les profits entrepreneuriaux).

    • La rente désigne tout revenu régulier à l’exception de celui issu de l’échange volontaire. L’Etat est la seule entité en mesure de redistribuer de tels revenus. A l’instar des monopoles, la rente est nécessairement publique.

      Il est par conséquent impropre de parler de rente à propos des marges réalisées par les sociétés gestionnaires d’autoroutes. En revanche, l’expression « rente pétrolière » est adaptée puisque la ressource est souvent nationalisée.

      Enfin, le RN des sociétés d’autoroutes est généralement inférieur à 5% de leur CA, pas de quoi énucléer un chaton. Dans le même temps, l’Etat prélève peu ou prou 60% du CA en impôts et taxes diverses. L’agression étatique dont font l’objet les gestionnaires d’autoroutes a pour but, non de faire baisser les péages au service de la population, mais d’augmenter le taux de prélèvement bien au-dessus de 60%, peut-être jusqu’à 90%. Compte tenu des prélèvements réguliers et au vu du prix de vente engrangé à l’origine, l’Etat a fait une excellente affaire et continue encore aujourd’hui à se gaver grassement sur le dos des Français.

      Comment diviser par deux le prix des péages ? Réduire les taxes !

      • « La rente désigne tout revenu régulier à l’exception de celui issu de l’échange volontaire. L’Etat est la seule entité en mesure de redistribuer de tels revenus« .

        Cette acception me semble excellente (elle se trouve être assez proche de celle de Buchanan*) et nous sommes apparemment d’accord pour dire que ce n’est pas celle employée par l’Autorité de la concurrence.

        En revanche, je ne peux exclure a priori que cette acception puisse s’appliquer au cas des sociétés gestionnaires d’autoroutes.

        Après tout, celles-ci tiennent (indirectement) leurs revenus de l’Etat ; si, par conséquent, il s’avérait que les procédures d’attribution avaient été empreintes de favoritisme (ce que je ne suis pas en mesure de déterminer), l’on pourrait valablement qualifier leurs revenus de « rentes ».

        (*) Selon Buchanan, « The term rent seeking is designed to describe behavior in institutional settings where individual efforts to maximize value generate social waste rather than social surplus ». C’est l’accent mis sur le « contexte institutionnel » qui importe.

        • Il est tout à fait vrai que la situation est ambiguë. Mais elle l’est toujours lorsque l’Etat se prend pour un acteur économique qu’il n’est pas et ne sera jamais puisque, dans le domaine économique, il est incompétent et irresponsable par nature. Ceux qui croient que l’Etat est un acteur économique pourraient tout aussi bien demander aux arbitres combien de buts ils ont marqués à la fin d’un match de foot.

          La critique des sociétés d’autoroute par l’Etat qui les a créées est suspecte, opportuniste et malsaine. C’est l’archétype du faux débat dont les socialistes ont le secret puisque, à la fin, quelles que soient les décisions, nous paierons plus.

  • Je rappelle qu’en plus de la vente des concessions l’état touche maintenant 290 millions par an de redevance domaniale de la part des société d’autoroutes.

  • Si les péages sont 20% trop chers, il suffit de supprimer la TVA.

  • Le raisonnement est biaisé depuis le départ. l’état n’a pas à se servir des autoroute pour financer d’autre dépenses sinon pourquoi ne pas imaginer que l’EDF finance l’armée ou la Poste la télévision publique…Il est donc parfaitement ridicule (et inique) d’envisager les revenu issu des autoroute comme un source de revenu pour l’état alors que pour une société privé c’est évidemment tout le contraire.
    De plus si je ne m’abuse une partie non négligeable des recettes des péage est déjà actuellement rétrocédé à l’état ce qui implique que les péages sont anormalement élevés du fait de l’état et non pas des société « propriétaire » des autoroutes.

  • De plus Je préfère que les société privé fasse de gros bénéfices plutôt que l’état. Je fait plus confiance aux sociétés privés pour faire de judicieux investissements avec cette argent. Avec l’état on est sur que tout finira en gabegie…

  • « La rentabilité exceptionnelle des SCA, largement déconnectée de leurs coûts et disproportionnée par rapport au risque de leur activité, est assimilable à une rente ».

    Plus je relis cette phrase, plus je prends conscience de son absurdité.

    1° La rentabilité se définit comme « le rapport entre les revenus d’une société et les sommes qu’elle a mobilisées pour les obtenir », c’est-à-dire, pour simplifier un peu, comme le rapport entre les revenus et les coûts.

    Il n’y a donc aucune raison de comparer la rentabilité avec les coûts, puisque la rentabilité résulte elle-même d’une comparaison entre les revenus et les coûts. Se plaindre de ce que la « rentabilité » des entreprises serait « largement déconnectée de leurs coûts » est donc dépourvu de sens.

    Bien-sûr, on comprend ce que l’Autorité veut dire. La rentabilité serait extrêmement forte. Mais il est patent que les fonctionnaires qui ont rédigé ces lignes ont des difficultés avec des notions financières de base – ce qui ne les empêche pas de pondre un document de 150 pages).

    Comparer un niveau de rentabilité avec un niveau de risque est en revanche légitime. Cependant, le risque dont il s’agit est une « incertitude » au sens de Frank Knight. Autrement dit, il est purement subjectif, et ne peut donc par hypothèse être objectivement établi ex post par un tiers.

    2° Dire que « la rentabilité exceptionnelle… est assimilable à une rente » est également bizarre du point de vue étymologique. D’après mon Petit Robert, « rentable » vient de « rente ». Ce qui est « rentable », c’est ce « qui produit une rente ».

    • Oui c’est absurde. Dans la même veine on pourrait pointer du doigt toutes les sociétés très rentables (dans le secteur du luxe par exemple).

      Par ailleurs les sociétés d’autoroute bénéficiant d’un monopole, on ne voit pas bien pourquoi l’Autorité de la concurrence se penche sur leur cas.

      Bref, c’est du grand n’importe quoi…

  • Le cout du capital est une donnée exogène, par nature on ne le choisit donc pas.

    • Et ? Pourriez-vous détailler ?

      • oui bien sur,
        Le cout du capital est le taux de rentabilité annuel moyen attendu par les actionnaires , en retour de leur investissement.
        il change en permanence et est le résultat de la confrontation entre offre et demande de liquidités disponibles pour l’investissement.
        en conséquences il n’est fixé de façon unilatérale par aucune des parties ou plutôt il reflété un accord entre les parties sur la rentabilité que doit servir un projet à ses actionnaires. c’est à partir de ce taux et des flux de trésorerie de l’entreprise que les parties à la transaction peuvent se mettre d’accord sur un prix.

        • En gros. il est tout a fait envisageable que l’état se soit trompé dans la fixation du niveau de rentabilité à servir aux actionnaires pour que ceux-ci accepte de racheter les autoroutes.
          En aucun cas l’État ne pouvait décréter seul du niveau de rentabilité attendu par les actionnaires en prenant pour référence le cout de sa dette sous prétexte que l’état n’a pas de fonds propres.

          • Merci.

            N’est-ce pas aussi ce que tend à dire l’auteur de l’article, quand il écrit que « Naturellement, avec un tel coût du capital, la valorisation des concessions d’autoroutes aurait été nettement plus élevée. Peut-être même que les sociétés privées n’auraient pas marché » ?

            [Pour ne rien vous cacher, j’avais cru que vous répondiez à spécifiquement à mon commentaire précédent…]

            • « La deuxième erreur fut de prendre pour l’évaluation un taux d’actualisation qui était proche (voire supérieur) de celui des investisseurs privés. En faisant de la sorte, on satisfaisait les contraintes des sociétés privées, mais on tournait le dos à la spécificité de l’État comme acteur économique. En effet, celui-ci n’a pas de fonds propres à rémunérer et le coût de son capital est en fait celui de sa dette (coût qui de plus a beaucoup baissé ces dernières années ».
              c’est ce passage qui me choc profondément en particulier la 2eme et 3eme phrase. l’auteur comment une erreur en laissant penser que c’est le cout du capital de l’etat qu’il faut prendre en compte.
              En fait le cout du capital dépend de la nature du projet et pas de la nature des actionnaire qui le possède. ce n’est pas parce que je peux me financer à 0% auprès de la BCE que je dois entreprendre tout projet dont la rentabilité est supérieur à 0%.

  • Je suis un peu étonné par cet article qui sur certains points semble rejoindre des thèses étatistes.

    L’argument avancé selon lequel il ne faudrait pas privatiser les autoroutes à cause du bas coût moyen de la dette de l’Etat ne tient pas pour aux moins trois raisons:

    * Un coût explicite de la dette de l’Etat, il faut ajouter une « externalité négative » pour avoir le coût total de la dette de l’Etat sur l’économie. Les prêteurs aiment la signature de l’ Etat et les entreprises grandes et petites qui sont sur le marché de la dette en concurrence avec l’Etat ne font pas le poids. Autrement dit, il existe un fort effet d’éviction et chaque euro prêté à l’Etat ne l’est pas à l’économie qui à de plus en plus de mal à se financer. d’où l’impératif des privatisations suivies de désendettement.

    *Dans l’analyse coût avantage de la privatisation et du désendettement, il ne faut pas retenir le coût moyen de la dette mais son coût marginal. Toute privatisation dont le produit est affecté au désendettement, fait diminuer le stock de dette de l’Etat, améliorant ainsi la solvabilité de l’Etat et diminuant d’autant les exigences des prêteurs sur l’ensemble de la dette à refinancer.

    *La gestion privée de la maintenance des autoroutes tend à être moins dispendieuse que celle de l’Etat.

    En conclusion, ne critiquons pas le principe de la privatisation des autoroutes mais le bas prix obtenu, typique d’un « capitalisme de connivence » et le refus d’affecter les recettes des privatisations au désendettement de l’Etat.

    • Quel taux d’actualisation fallait-il accepter?

      • bien malin celui qui peut le dire.
        la théorie financière propose une méthode le MEDAF pour evaluer le cout du capital à partir de trois parametre, le taux sans risque, la prime de risque du marché et le risque de l’investissement mesuré au travers du Beta. mais comme tout modèle il est imparfait. en Pratique c’est plus compliqué

        • C’est une question mal posée. Utiliser un modèle avec taux d’actualisation prédéterminé est inadapté. Ce qui pêche c’est le modèle contractuel qui ne comprend pas de mécanisme destiné à récupérer une partie de la « rente » obtenue sur le long terme par des efforts de gestion de court terme. Pour autant il est certain que la recherche de profit par les concessionnaires privés a permis des économies de gestion et donc un enrichissement global de la collectivité qui a les mêmes services pour moins cher . Ces questions sont au coeur des travaux de Jean Tirole qui a montré qu’il était possible de contractualiser avec des mécanismes incitatifs.

        • Exactement, c’est particulièrement facile de critiquer la décision a posteriori. Avec les infos connues en 2003, comment choisit-on ?

    • il ne s’agit en fait que de la privatisation de l’exploitation. Le réseau reste propriété de l’État et ce dernier fixe les règles dans le cahier des charges de l’exploitation. Donc, pour les sociétés sur les rangs, le but sera de prendre un maximum de rente pendant le laps de temps imparti, et de faire le moins possible d’entretien et de développement.

  • L’apologue n’est pas totalement vrai.
    La rentabilité des sociétés d’autoroute AVANT leur vente était très inférieure à celle qu’elles présentaient quelques années après. Cette amélioration de la rentabilité par une meilleure gestion n’a pas été anticipée par l’Etat vendeur, qui était un actionnaire peu exigeant, et ne se retrouve pas dans le prix de vente.
    Il est dommage que les mécanismes de contractualisation théorisés par Jean Tirole, mis en œuvre dans d’autres secteurs, n’aient pas été utilisés.

  • L’économiste Milton Friedman qui a consacré sa vie à démontrer de façon empirique que les programmes gouvernementaux sont invariablement inefficaces, explique qu’il y a quatre façons de dépenser de l’argent:
    1- Quand vous dépensez votre argent pour vous-même, vous faites attention autant à ce que vous dépensez qu’à la manière dont vous le dépensez.
    2- Quand vous dépensez votre argent pour quelqu’un d’autre (un cadeau, par exemple), vous faites toujours très attention à ce que vous dépensez (combien) et un peu moins à la manière dont vous le dépensez (comment).
    3- Quand vous dépensez l’argent de quelqu’un d’autre pour vous acheter quelque chose (par exemple, un repas d’affaires), le montant de la dépense (le coût, combien) vous importe peu, en revanche, vous faites très attention au « comment » et vous êtes très attentif au fait que vous en avez ou non pour votre argent.
    4- Mais quand vous dépensez l’argent de quelqu’un d’autre au profit d’une autre personne que vous, ni le montant de la dépense (combien), ni la façon dont l’argent est utilisé (comment) n’ont vraiment d’importance.
    Avec les individus, ce sera invariablement les trois premiers qui primeront. Pour les gouvernements, c’est pratiquement exclusivement la quatrième méthode qui prime. C’est pour ça que pratiquement tous les programmes gouvernementaux aboutiront inévitablement avec des dépassements de coûts, du gaspillage et de la corruption.

  • Concernant la « privatisation » des autoroutes en France, il ne s’agit en fait que de la privatisation de l’exploitation. Le réseau reste propriété de l’État et ce dernier fixe les règles dans le cahier des charges de l’exploitation. Donc, pour les sociétés sur les rangs, le but sera de prendre un maximum de rente pendant le laps de temps imparti, et de faire le moins possible d’entretien et de développement.

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