Pour plus de justice sociale, réduisons le poids de l’État

La France vit dans l’obsession erronée qu’il faut mener une chasse aux inégalités alors qu’elle devrait s’en prendre aux rentes publiques et favoriser la mobilité.

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Pour plus de justice sociale, réduisons le poids de l’État

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 22 décembre 2013
- A +

Par Erwan Le Noan.

imgscan contrepoints 2013-2081 justice socialeComme si les débats sur la taxe à 75% ne suffisaient pas, il a fallu l’affaire Varin (ce scandale par lequel un homme reçoit l’argent qui lui était octroyé par contrat entre adultes responsables). Autant d’eau versée au moulin hyperactif des pourfendeurs des inégalités qu’engendrerait le marché. Autant d’arguments repris par les thuriféraires d’une taxation confiscatoire qui semblent considérer qu’il existe un niveau de revenu indécent par nature, injustifiable par principe.

En réalité, la France n’est pas un pays si inégalitaire. Au contraire, les études de l’OCDE relèvent que notre pays s’illustre par la stabilité des inégalités de revenus depuis le milieu des années 1980. Avant la crise, il était même celui où elles avaient le plus baissé. L’importance de la redistribution française y est pour beaucoup. La France détient d’ailleurs le record d’Europe des dépenses sociales (elle y consacre 33,6% de sa richesse selon Eurostat), juste derrière le Danemark, et celui des recettes publiques (51,8% du PIB), derrière le Danemark encore et la Finlande.

Le problème est que l’outil redistributif français ressemble trop à un instrument de captation de la richesse. Comme l’Insee l’a récemment montré, les prestations sociales expliquent les deux tiers de la réduction des écarts de revenus en France, et la fiscalité (principalement l’impôt sur le revenu), un tiers. Or, les entreprises françaises subissent une fiscalité globale record d’environ 65% selon le cabinet PwC (52% pour les charges sociales) : 50% d’entre elles acquittent l’impôt sur les sociétés et, parmi elles, celles de plus de 2.000 salariés (0,09% du total des payeurs) versent près du tiers de l’impôt. De la même manière, l’impôt sur le revenu n’est acquitté que par 18,1 millions de contribuables (sur 36,4 au total) et, parmi eux, un quart finance 80% des sommes collectées. En clair, la France ponctionne beaucoup une minorité pour redistribuer.

Si les Français s’attachent à l’impôt, c’est parce qu’ils sont convaincus qu’ils ne pourront pas devenir riches, même s’ils travaillent. Comment ne pas les comprendre ? Dès le CP, la réussite est assurée soit par la connivence avec le système (un enfant d’inactifs a 13 fois plus de risques de redoubler cette classe qu’un enfant d’enseignants), soit par l’argent, qui permet de corriger les lacunes du service public scolaire (7% des enfants de cadres redoublent, contre 25% des enfants d’ouvriers).

Pour acheter la paix sociale, les gouvernements successifs se sont empressés de faire pleuvoir les subventions et les aides : qui aux salariés, qui aux vieux industriels. Raghuram Rajan, le président de la Banque centrale indienne, a montré comment cette politique de réponse aux inégalités par l’interventionnisme public a engendré la crise des « subprimes ». La lutte contre les inégalités par l’État, ce n’est pas la solution, c’est le problème.

L’explosion de l’État-providence a multiplié la compétition pour l’acquisition de rentes et privilèges qu’il semble impossible de réformer aujourd’hui. La société est figée. Depuis la fin des années 1980, le sentiment d’urgence s’accélère. La déliquescence de l’État fragilise la société : c’est cette lutte pour les miettes qui nourrit le chacun pour soi et le rejet des autres. Quand il n’y a plus un sou dans la caisse, ni plus une chance de grimper dans l’échelle sociale, personne ne veut se faire concurrencer par des nouveaux entrants. C’est l’État qui a engendré la décomposition sociale.

La France vit dans l’obsession erronée qu’il faut mener une chasse aux inégalités alors qu’elle devrait s’en prendre aux rentes publiques et favoriser la mobilité, qui passe par la concurrence et la réduction du poids de l’État. Au lieu de réfléchir à une grande réforme fiscale qui lui permettra de taxer plus, le gouvernement, s’il poursuivait une vraie politique sociale, serait plus inspiré d’organiser une grande réforme de l’État !


Publié initialement dans Les Échos du 17.12.2013.

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  • L’égalitarisme marxiste est le cache-sexe idéologique pour justifier le vol finançant les rentes publiques. Comme tout monopole est nécessairement public, toute rente est nécessairement publique. Héritières des rentes de l’Ancien Régime, les retraites par répartition sont l’exemple le plus évident de rente publique moderne et leurs bénéficiaires sont les nouveaux nobles.

  • Voila une phrase intéressante :
    « Si les Français s’attachent à l’impôt, c’est parce qu’ils sont convaincus qu’ils ne pourront pas devenir riches, même s’ils travaillent »

    Dans une société hyper répressive en cas d’échec, comment peut-on en vouloir aux gens de vouloir se garantir des petits compléments de revenus par des subventions.
    Le pb n’est pas de garantir des revenus, mais de supprimer cette hyper sanction aux perdants des libéraux malchanceux.
    On ne parle pas assez de la sordide habitude de l’état de dépecer les perdants, de leur retirer toute dignité en vendant au plus offrant les biens, en bloquant les comptes y compris de la famille du patron perdant.

    En réalité, l’état a créé cette situation de dépendance à l’état.

    Mais nous devons aujourd’hui détricoter ces mécanismes latents, invisibles, incolores et montrer que ce qui pousse les citoyens à vouloir plus d’état est créé de toute pièce par ………. l’état justement.

    Et les méthodes prises par cet état sont d’une violence inouï, d’une barbarie inacceptable et d’une injustice totale envers nos frères français.
    L’état protecteur est un barbare de la pire espèce.

    Nous ne devons plus accepter cette barbarie qui est l’origine probable de la haine immense que nous rencontrons tous les jours dans la bouche de tant de français.

  • erwan le noan !

    ma parole, c’est le club breton ici ?

  • Vous dites que certains considéreraient qu’il existe un seuil de revenu « naturellement » indécent. je ne crois pas avoir entendu quelqu’un parler de cela. Par contre un seuil « socialement » indécent, oui cela existe. Est-il injustifiable ? La question est assez perverse, la question étant plutôt : ce revenu est-il justifié ?

    L’outil redistributif ressemblerait trop à un instrument de captation de richesses ? Que voulez-vous dire précisément par là ? En effet, on paie des impôts sur ses revenus, comme dans n’importe quel pays du monde.

    « les entreprises françaises subissent une fiscalité globale record d’environ 65% selon le cabinet PwC » 65% de quoi ? Vous auriez pu également parler des taux moyens d’imposition (IS) en fonction des entreprises : 30% pour les TPE, 22% pour les PME, 7% pour les grandes entreprises.

    « Si les Français s’attachent à l’impôt, c’est parce qu’ils sont convaincus qu’ils ne pourront pas devenir riches, même s’ils travaillent. » Affirmation gratuite et bien arbitraire, sur quoi vous basez-vous pour affirmer cela ? Quelles études ? Peut-être est-ce plutôt que les Français sont attachés à un service public souvent bien plus efficace que le privé ? d’ailleurs si on devenait riche en travaillant cela se saurait et dans ce cas, les plus aisés ne tireraient pas la majorité de leurs revenus de l’épargne donc du travail des autres !

    Enfin, concernant l’impôt sur le revenu, c’est un peu mahonnête de dire que seulement 18 millions le paient, puisque tous (ou quasiment) les contribuables paient la CSG ou la CRDS qui snt des IR déguisés, mais qu’en plus cela vient du mode de calcul de l’impôt. On pourrait faire une tranche non pas à 0% mais à 2%, mais dans ce cas, tous les contribuables verraient leur facture s’allonger !

  • La justice sociale

    « Social » est devenu en quelques années, le mot fourre-tout de la langue politique française. Tout est social : la politique, les enjeux, la misère, les drames, la détresse, le mouvement, la souffrance et… la justice. Cette dérive n’est pas innocente. Dans le meilleur des cas, elle ne rajoute rien d’utile à la signification du mot affublé d’un « social » ; dans de nombreux cas, elle en transforme radicalement le sens tout en bénéficiant de son aura. Justice sociale appartient à cette dernière catégorie.
    Dans le langage parlé, le terme « justice sociale » est d’abord ambigu. Si la justice sociale c’est de permettre aux plus modestes d’avoir un accès à l’instruction, à la santé, à la retraite, alors le libéralisme est le meilleur allié, et de loin, de la justice sociale. La liberté et la propriété sont le meilleur moyen pour produire en masse ce dont les hommes, y compris les plus modestes, ont besoin pour vivre bien. La définition politique de « justice sociale » va, quant à elle, dans une direction très différente. La justice sociale est alors une norme supérieure écrasant la justice « simple » au nom de laquelle l’État peut légitimement tenter de fixer la place de chacun dans la société.
    Chez les penseurs antiques, la justice n’est pas une situation donnée, un état de choses fixe, c’est d’abord une vertu individuelle. Une action consciente est juste ou injuste, un objet inanimé ne peut pas être juste ou injuste. Une pluie estivale peut être plutôt bonne ou plutôt mauvaise pour une récolte, elle n’est ni juste ni injuste, sauf à retourner dans la pensée animiste donnant aux forces de la nature des intentions. Par raccourci de langage, on dit ensuite qu’une loi est juste ou injuste selon qu’elle encourage ou décourage une action juste ou injuste.
    S’appuyant sur cette tradition, la justice consiste alors à protéger les droits naturels de chaque individu (liberté, propriété, sécurité), à faire respecter les engagements et à dédommager les victimes en cas de violation des droits naturels. La justice est donc d’abord « restauratrice », elle permet de rétablir un équilibre qui a été rompu.
    Quelqu’un a pris quelque chose qui ne lui appartenait pas (vol). Quelqu’un n’a pas tenu un de ses engagements (rupture d’un contrat). Quelqu’un a une responsabilité dans la violation des droits naturels d’un autre (accident, agression). La justice rétablit l’équilibre rompu. Elle oblige le coupable à dédommager la victime, et elle sanctionne le coupable.
    Cette définition classique se retrouve d’ailleurs dans toutes les oeuvres populaires. La veuve et l’orphelin ne demandaient pas la justice sociale, mais la justice. Le héros punissait le méchant – lui faisait assumer ses responsabilités – et restituait le butin aux victimes, il ne prenait pas aux puissants leur dû ni ne leur faisait assumer des responsabilités qui n’étaient pas les leurs en vue d’une image donnée de la société. Les Robin des Bois ou les Zorro ne défendaient pas la justice sociale, mais la Justice.
    Dans ce contexte, une société n’est donc pas juste parce qu’elle a un aspect donné, un état des choses fixe, mais parce qu’elle est régie par des lois justes, quel que soit l’aspect que l’application de ces lois justes lui donne ensuite.
    Le concept de justice sociale inverse complètement cette hiérarchie. La société n’est pas juste parce qu’elle est régie par des lois justes, elle est juste parce qu’elle a un aspect donné (égalité des revenus, ou des capacités ou des opportunités), aspect donné quelles que soient les lois qui ont permis de parvenir à cette situation.
    La justice sociale viole les principes de justice. Pour que l’apparence de la société soit ceci plutôt que cela, la place des individus doit être fixée – ou a minima favorisée ou défavorisée. C’est-à-dire que les lois ne doivent plus être justes, sans autre objectif que rendre à chacun son dû ou ses responsabilités, mais forgées en vue d’un objectif précis sur la situation des individus après l’application de la loi, sans considération particulière pour les responsabilités ou les droits de chacun.
    La justice sociale, pour exister, doit ainsi violer la justice. Elle doit prendre à Pierre pour donner à Paul, sans considération sur le fait que Pierre n’a jamais violé les droits naturels de Paul, n’a jamais rompu un contrat avec Paul, sans même que Pierre ne connaisse Paul. Pierre devient un moyen, au service de la justice sociale.
    Cela a plusieurs conséquences.
    Les principes de Justice permettent aux hommes de vivre en société, sans craindre pour leur sécurité ; ils permettent aux hommes d’échanger, de coopérer sans violence, ni incertitude. La justice sociale, en abîmant les principes de justice, détruit donc la source même de la société harmonieuse, les échanges justes entre individus égaux en droit.
    D’autre part, le « social » devient une sorte de nouvelle exigence morale, supérieure à la justice ou à la bonté. Un individu soucieux de respecter les principes de justice peut ainsi n’avoir aucune conscience sociale. Dans le même temps, on peut violer ces principes de justice au nom de cette nouvelle exigence morale majeure. Ainsi, brûler la voiture de son voisin pourrait ne pas être condamnable puisque ce ne serait que l’expression d’une révolte sociale.
    Désormais, les individus ne doivent pas agir avec justice ou bonté envers les autres, mais agir pour le bien d’une autre entité, manifestement distincte des individus et des liens qu’ils créent entre eux : la société.
    La justice sociale permettrait donc de construire une société « juste » sans individus justes – c’est inutile, ce qui compte c’est la place et les moyens de chacun dans la société – ni règles justes – cela empêcherait la justice sociale de passer.
    La justice sociale n’est donc ni « juste », ni « sociale ». Elle n’est qu’un prétexte pour augmenter le pouvoir de l’État et de la classe politique, contre les individus, contre la justice, et contre la société.

  • La solidarité c’est qui permettre et aider tout un chacun de se réaliser dans la vie, donc à devenir autonome.
    Par conséquent ce n’est pas uniquement en dépensant de l’argent qu’on va retirer d’on ne sait où, et en édictant des règles qui disent quoi faire ou pas, qu’on aide les gens à devenir autonomes.
    Il faut donc bien analysé aux cas par cas, trouver des solutions individualisées et il faut que les gens concernées y mettent du leur.
    Donc on voit bien que c’est le libéralisme qui est solidaire et pas le reste

  • Il y a six implications principales du poids de l’État qui expliquent sa relation adverse avec la prospérité: (1) l’extraction de ressources, qui inclut les impôts et leur prélèvement, l’endettement, l’inflation et la réglementation, (2) l’inefficacité du secteur étatique en raison de l’absence du signal des prix et de la mesure du profit, (3) la substitution au secteur privé, auquel les dépenses de l’État livrent une concurrence déloyale, (4) les mauvaises incitations liées aussi bien à la fiscalité qu’aux dépenses, (5) l’inhibition de l’innovation que cause la rigidité des structures (CNRS) et des processus étatiques et (6) l’affaissement moral qu’implique la dépendance sociale ainsi que la violation des choix personnels et des droits légitimes de propriété. Le marché libre et la société civile, c’est-à-dire les personnes directement touchées par les décisions qui les concernent, peuvent non seulement produire les biens et les services nécessaires à leur bien-être, mais peuvent le faire mieux et moins cher.

    L’expérience le montre depuis fort longtemps que la baisse des impôts et l’aide à l’investissement sont les meilleurs remèdes pour sortir de la crise. Comme le disait Hölderlin, « si l’État est un enfer, c’est parce que l’homme veut en faire un paradis ».

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