Restalinisation en Russie : Poutine réhabilite les fantômes du passé

La statue de Dzerjinski trône à nouveau devant le siège du KGB. Est-ce un signe avant-coureur d’une Russie de plus en plus autoritaire ?

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Vladimir Poutine 2 (Crédits World Economic Forum, licence Creative Commons)

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Restalinisation en Russie : Poutine réhabilite les fantômes du passé

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 16 septembre 2023
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Dans une fuite en avant mémorielle dont on ignore l’aboutissement, Vladimir Poutine a accéléré ces derniers mois la restalinisation de la Russie en faisant ériger des dizaines de statues de Staline, y compris bénies par des popes, comme à Pskov à la mi-août 2023.

Mais le 11 septembre 2023, il est allé plus loin en réhabilitant l’un des personnages centraux du pouvoir bolchevique sous Lénine. Il a fait ériger à Moscou une copie grandeur nature de la statue de Felix Dzerjinski, qui trônait sur la place de la Loubianka devant le siège du KGB, avant d’être déboulonnée en 1991.

Dzerjinski était le fondateur de la Tcheka en décembre 1917, sur ordre de Lénine qui le qualifia de « notre Fouquier-Tinville ». Indument qualifiée de « police politique » alors qu’elle était l’organe de la terreur de masse grâce à laquelle les bolcheviks purent conserver le pouvoir au cours d’une sanglante guerre civile, puis gouverner le pays, la Tcheka fut responsable entre 1918 et 1922 de centaines de milliers d’assassinats. Elle fut l’ancêtre du KGB dont Vladimir Poutine était un lieutenant-colonel.

Le discours d’inauguration de la statue, prononcé par Sergueï Narychkine, le chef des services de renseignement extérieurs russes (le SVR), contenait quelques vérités : Dzerjinski fut « l’un des symboles de son temps, un étalon d’honnêteté, de dévouement et de fidélité au devoir »… le devoir d’exterminer en masse tous les « ennemis » désignés des bolcheviks – aristocrates, bourgeois, officiers, popes, intellectuels, et surtout ouvriers et paysans révoltés.

Narychkine a ensuite dépassé les bornes de l’ignominie : Dzerjinski « est resté jusqu’au bout fidèle à ses idéaux de bonté et de justice ».

Or, dans une lettre à sa femme en 1918, ce bourreau en chef écrivait :

« Je prends personnellement les interrogatoires les plus importants. Quelquefois, je dois même exécuter les coupables. Mes mains sont pleines de sang et j’éprouve une répulsion, mais quoi faire ? Quelqu’un aussi doit faire ce sale boulot. Je suis sans pitié, une volonté de fer me maitrise et je vais aller jusqu’au bout pour gagner contre le mal et l’injustice. »

Vieille justification des régimes totalitaires qui, au nom de la lutte contre le mal « de classe » ou de race, justifient massacres de masse et génocides – comme celui perpétré par Staline contre la paysannerie ukrainienne en 1932-1933.

Bref, cette inauguration de la statue de Dzerjinski est un message très clair du type de régime que Vladimir Poutine souhaite imposer en Russie et plus largement aux ex-républiques soviétiques.

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  • Merci de donner une source pour l’information sur les dizaines de statues installées par Poutine.

    •  » A l’origine, le monument, créé en 2019, devait être installé à Volgograd, mais les autorités locales ont refusé. Après cela, le groupe d’initiative a envisagé des options pour installer le monument dans la région de Moscou ou à Voronej, mais n’a pas reçu le consentement des autorités. » — The European Times.

  • rejeter la Russie comme le fait l’Occident n’est pas le meilleur moyen de lui faire abandonner ses démons.

    • par ailleurs, vu ce que devient la Liberté en France, pas la peine de s’occuper de la Russie.

      • Ah ! Les sophistes poutinolâtres sont de nouveau de sortie : il y a des problèmes en France donc on n’a pas le droit de critiquer l’autoritarisme russe…

        -3
        • Ah, les sophistes anti Poutine ou pro Macron, ou je ne sais qui. Premièrement, Poutine se fiche de ce que l’on pense de lui. Secondement, on devrait se ficher de ce que Poutine fait en Russie. C’est leur probleme. On ferait mieux de s’occuper de ce qui passe aux USA, pays soit disant ami, et qui est en train de vous transformer en une (petite) marche de l’Empire.

          • Oui, oui, c’est bon fabien, on a compris : s’il y a des problèmes en France ou aux Etats-Unis, on n’a pas le droit de critiquer l’autoritarisme russe.

            Faudrait peut-être renouveler vos sophismes, on les connait par cœur et ça devient lassant…

            -4
            • les problèmes en Russie concernent les russes.
              les problèmes en France concernent les français.

              • Donc dans un article consacré à la Russie, il faudrait parler des problèmes de la France, c’est ça ton point de vue, champion ?

                -3
            • Ah, mais vous avez le droit et le devoir de critiquer l’autoritarisme russe. Toutefois, quand vous le faites en défendant simultanément l’autoritarisme dans d’autres pays comme la France, en vous basant sur des prétendus faits dont vous vous gardez bien d’apporter la moindre preuve comme les douzaines de statues de Staline de cet article, vous vous exposez à ne susciter que de la rigolade chez ceux qui vous lisent. Et encore, vos allégations sont tellement éculées qu’elles font plus pitié que rire.

  • La terreur, la France l’a connue aussi, il me semble. Quant au stalinisme, il a eu aussi son heure de gloire ici aussi et l’a peut-être encore, d’ailleurs. Dans certains lieux, on déboulonne, dans d’autres, on déplace. Si Staline est supposé avoir fait empoisonner Dzerjinski (source Wikipedia), comment interpréter alors ladite réhabilitation?

  • Les commentaires sont fermés.

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Nicolas Tenzer est enseignant à Sciences Po Paris, non resident senior fellow au Center for European Policy Analysis (CEPA) et blogueur de politique internationale sur Tenzer Strategics. Son dernier livre Notre guerre. Le crime et l’oubli : pour une pensée stratégique, vient de sortir aux Éditions de l’Observatoire. Ce grand entretien a été publié pour la première fois dans nos colonnes le 29 janvier dernier. Nous le republions pour donner une lumière nouvelles aux déclarations du président Macron, lequel n’a « pas exclu » l’envoi de troupes ... Poursuivre la lecture

Aurélien Duchêne est consultant géopolitique et défense et chroniqueur pour la chaîne LCI, et chargé d'études pour Euro Créative. Auteur de Russie : la prochaine surprise stratégique ? (2021, rééd. Librinova, 2022), il a précocement développé l’hypothèse d’une prochaine invasion de l’Ukraine par la Russie, à une période où ce risque n’était pas encore pris au sérieux dans le débat public. Grand entretien pour Contrepoints par Loup Viallet, rédacteur en chef.

 

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Nicolas Quénel est journaliste indépendant. Il travaille principalement sur le développement des organisations terroristes en Asie du Sud-Est, les questions liées au renseignement et les opérations d’influence. Membre du collectif de journalistes Longshot, il collabore régulièrement avec Les Jours, le magazine Marianne, Libération. Son dernier livre, Allô, Paris ? Ici Moscou: Plongée au cœur de la guerre de l'information, est paru aux éditions Denoël en novembre 2023. Grand entretien pour Contrepoints.

 

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